Peu de choses sont aussi symboliquement chargées que la terre en Israël. Chaque parcelle est dense de signification pour les trois religions abrahamiques qui considèrent ce pays comme leur terre sainte, mais dont la construction nationale est si complexe. Dans cette optique, la terre en Israël – malgré sa beauté austère et son pragmatisme robuste – est toujours plus qu’un simple paysage. Utilisant un langage pictural sobre, inspiré par les nouveaux artistes topographiques tels que Lewis Baltz ou Joachim Brohm, la photographe Sharon Ya’ari, basée à Tel Aviv, examine ces relations complexes dans l’exposition « The Romantic Trail and the Concrete House » à la Haus Esters de Mies van der Rohe à Krefeld, en Rhénanie du Nord-Westphalie, créant de multiples résonances entre les œuvres et l’architecture moderne du bâtiment.

À travers des sujets apparemment banals, Ya’ari présente une version d’Israël dans laquelle les dynamiques complexes du pays sont épurées et l’identité culturelle est exposée comme une construction. Des photographies de sites de fouilles font un clin d’œil aux tentatives de prouver le lien du peuple juif avec la terre ; des palmiers yucca et des agaves éparses rappellent les mouvements de colonisation en provenance d’Amérique centrale ; tandis que des images de daims de Mésopotamie, à l’origine endémiques à la région, documentent la récente réintroduction de l’espèce.

La préoccupation de Ya’ari pour la fluidité culturelle d’Israël trouve un cadre approprié dans la Haus Esters, un satellite de Kunstmuseen Krefeld. La villa Bauhaus a été construite par Mies entre 1927 et 1928, peu avant que les nazis ne prennent le pouvoir et ne décrient l’esthétique moderniste comme « dégénérée ».

Les clichés pris en Israël montrent un espace moderniste en béton, dont certains datent du Bauhaus, car plus que de simples styles architecturaux, ces mouvements parlent de l’espoir d’une réforme sociale et de la construction d’une nouvelle société utopique en Israël.

Dans le cadre d’un projet de rénovation, Ya’ari a récupérées des pierres en cours de restauration de la ville de Beersheb et les a transportées à Krefeld, où elles se trouvent maintenant sur le gazon artificiel du jardin de la Haus Esters, réunissant deux lointains cousins de l’architecture moderniste dans une sorte de thérapie familiale.

Source : Frieze & Israël Valley

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