Les algues, nouvel eldorado pour des start-up israéliennes d’autant que le climat du pays est favorable à leur exploitation

Pendant des milliers d’années la consommation d’algues faisait partie des habitudes alimentaires des habitants du continent africain, de ceux du sud et du centre de l’Amérique ainsi que du sud-est asiatique.  Puis elles ont été délaissées bien qu’elles aient toujours été considérées, grâce à leurs nombreuses propriétés, comme très utiles à la vie sur terre et à l’Homme.

Aujourd’hui, les algues sont à la mode et non pas uniquement pour envelopper les sushis. L’algoculture (ou culture en masse des algues dans un but industriel et commercial) est devenue un des secteurs les plus performants et les plus innovants de l’industrie moderne. De nombreuses start-up se sont engouffrées dans ce marché dont les produits dérivés ont une forte valeur ajoutée. A partir de ces végétaux aquatiques on peut fabriquer de très nombreux produits comme les compléments alimentaires et diététiques, des cosmétiques, des fibres textiles, des colorants … et aussi du plastique biodégradable ou encore des biocarburants ou algo-carburants, une énergie dite de « troisième génération ».

Plus d’une dizaine d’entreprises en Israël se sont engagées dans cette filière et emploient environ 200 employés. L’université de Ben-Gourion dans le sud du pays et et l’institut Weizmann des Sciences sont d’importants centres de recherches sur les algues.

Algatech,un acteur mondial dans la culture, le développement et la commercialisation d’ingrédients issus des micro-alguesest un exemple de succès. Cette entreprise, fondée dans un kibboutz dans le sud du pays en 1998, cultive des micro-algues et vient d’être rachetée en mai 2019 par le groupe Solabia, un fabricant français de produits naturels pour les industries de cosmétique, de pharmacie et de microbiologie. Le coût de la transaction se serait élevé à 100 millions de dollars.

Algatech est une des rares entreprises au monde à avoir mis au point une production à l’échelle commerciale de très haut niveau, en développant des techniques pour cultiver les algues dans des tubes en verre comme dans une serre, un processus qui fonctionne entièrement avec de l’énergie renouvelable. Elle a réussi à atteindre une production industrielle de micro-algues, et exporte dans 35 pays pour des usages dans la cosmétique, la nutrition, l’industrie alimentaire.

Un marché prometteur, qui devrait doubler

Selon une étude scientifique de Research and Markets, le marché des algues dans le monde qui s’élevait à 3,4 milliards de dollars en 2017 devrait atteindre 5,6 à 6, 09 milliards de dollars d’ici 2025.

Une telle progression s’explique par les nombreux débouchés de l’exploitation des algues, et par une prise de conscience de plus en plus développée des consommateurs des bienfaits sur la santé de ce végétal.  Par ailleurs la capacité des algues à se transformer en énergie propre grâce aux huiles qui la composent, ouvre à cette filière un énorme potentiel.

Contenant presque tous les éléments nutritionnels de base pour la vie, les micro-algues sont reconnues comme l’une des sources durables à long-terme les plus prometteuses pour la nourriture, la santé, la chimie et d’autres produits

Par ailleurs la culture des algues n’est ni exigeante en terme de surfaces, ni polluante. Elle s’adapte bien au climat d’Israël. Ces végétaux aquatiques n’ont pas besoin de grandes surfaces de terre pour se développer, ni d’eau potable pour pousser,  elles s’adaptent à l’eau saumâtre et à un environnement salin. Enfin, elles ont l’immense avantage de ne produire aucun déchet agricole, à l’inverse des plantes ou des céréales qui rejettent des déchets.

Autre atout, les produits extraits des algues et qui se retrouvent dans l’industrie alimentaire ou cosmétique se vendent cher comme le complément alimentaire astaxanthin, conçu à partir d’une algue très riche en caroténoïde,  ou encore comme les gélules de beta-carotène (le kilogramme coûte des milliers de dollars) ,  ou celles d’acide gras essentiels Omega 3 ou Oméga 6.

Autre exemple l’agar-agar obtenu à partir d’une certaine espèce d’algue et qui a un pouvoir gélifiant et de multiples usages dans l’industrie alimentaire ou pharmaceutique.

La mode verte

Dans l’industrie du textile, un secteur très polluant, l’usage de produits dérivés d’algues permet de réduire les effets néfastes de cette filière sur l’environnement. Chaque année quelque 27 millions de tonnes de coton sont récoltées dans le monde, cultivées sur 2,5% des surfaces agricoles mondiales Mais cette culture est très gourmande en insecticides, 13% de l’usage mondial d’insecticide est pulvérisé pour traiter les champs de coton.

Les algues dont des fibres peuvent en être extraites pour fabriquer des textiles, n’ont pas besoin d’être traitées par des insecticides. Un cabinet de mode en Allemagne  two square meter  utilise des fibres textiles produites à partir d’algues et de coton. L’Union européenne soutient également les initiatives dans le domaine des algues avec  le projet SEACOLORS qui propose  l’usage de teintures naturelles  avec une nouvelle gamme de pigments provenant de la culture de ces végétaux.

Revers du décor : pour le moment le coût de la culture d’algues pour l’industrie textile est encore élevé. Mais il semble acquis que grâce aux progrès technologiques la production d’algue sera nettement moins onéreuse dans les prochaines années.

L’energie verte

Le pouvoir de se transformer en énergie verte, est un autre atout des algues et non des moindres, selon un récent rapport scientifique qui plaide pour le développement de l’algoculture dans la production énergétique.  Pour réduire la dépendance des industries aux combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel) qui relâchent des quantités élevées de dioxyde de carbone, les algues, pourraient être une solution innovante et jouer un rôle crucial dans cette stratégie anti-carbone.

Les micro-algues « bleu-vert » sont naturellement dépolluantes : elles aspirent et capturent le CO2 pour ensuite rejeter de l’oxygène. La fermentation de ces micro-algues permet de produire du biogaz utilisable comme carburant pour les véhicules verts. Une fois séchées, les micro-algues peuvent également être exploitées en biomasse.

Leor Korzen, chercheur à l’université de Tel Aviv, en coopération avec d’autres scientifiques a publié une récente étude sur la production de bioéthanol à partir d’algues. Korzen a cultivé des algues à proximité immédiate d’un bassin d’élevage de poissons, au bord de la Méditerranée. Il est apparu que dans cet environnement, les algues se sont très bien développées et étaient également plus propres, ainsi que les eaux des bassins où elles étaient cultivées. Une expérience qui se révèle satisfaisante autant pour l’environnement que pour la production d’énergie verte.

L’emballage de demain : l’algue comme matière première

L’algue pour se substituer au plastique ? Un autre exemple d’utilisation de ces végétaux aquatiques. Alors que les mers et océans du monde entier sont pollués par le plastique non dégradable qui attaque le plancton et dont les microparticules sont ingérées par les poissons et se retrouvent dans la chaine alimentaire, un processus de fabrication de plastique biodégradable à partir d’algues revêt un énorme potentiel. Les experts estiment que si rien n’est fait d’ici 2050, la quantité de plastique dans les océans sera plus importante que la quantité de poissons.

Deux scientifiques israéliens le docteur Alexander Golberg et le professeur Michael Gozin de l’université de Tel Aviv ont créé des biopolymères (molécule de masse moléculaire élevée organique ou non organique qui entre dans la composition de plastique) en les associant avec  des organismes vivants dans l’eau de mer. Dans ce processus, des microorganismes unicellulairesproduisent des polymères biodégradables après avoir été mis en contact avec des algues multicellulaires.

“La fabrication classique de plastique biodégradable nécessite de grandes surfaces agricoles et beaucoup d’eau. Deux ressources que nous n’avons pas en grande quantité en Israël », explique Golberg. « Mais avec ce nouveau processus de fabrication de biopolymères nous n’avons pas besoin de ces ressources en grande quantité et « nous pourrons ainsi permettre à des pays qui manquent d’eau comme Israël, ou encore comme la Chine ou l’Inde de produire du plastique biodégradable », a-t-il ajouté.

Israël à la pointe

Attirés par ces débouchés prometteurs, de nombreuses sociétés israéliennes, à l’image de Algatech ont commencé à s’intéresser à la filière de l’algoculture. Nombreuses en sont encore au stade de la recherche et des expérimentations mais elles sont encouragées à investir dans ce secteur.  Une étude élaborée pour le ministère de l’Agriculture par le Dr. Adi Levy, directeur scientifique de I’ONG Israel Society of Ecology and Environmental vante les mérites des algues, riches en composants et principes actifs et « préconise de cultiver et d’investir dans cette filière pour en exploiter les bénéfices en utilisant toutes ses propriétés (pigments, antioxydants, protéines, acides gras…)”.

Il y a deux ans la première conférence sur la culture des algues s’est déroulé en Israël et en 2018, 16 entreprises ont annoncé la formation d’une Association pour réguler l’activité du secteur.

Israël dont le climat est adapté à l’exploitation des algues a un rôle important à jouer dans cette filière “L’aridité du climat, la forte luminosité, et un air non pollué sont des éléments essentiels pour assurer le succès de la culture des algues », indique la direction d’Algatech. Un exemple prometteur pour toutes les autres sociétés désireuses de s’engager dans l’algoculture.

Ben Yishai Danieli pour ZAVIT

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