« Dites-vous bien une chose : les plantes vous voient. Elles savent même si vous portez une chemise bleue ou rouge, si vous avez repeint votre maison ou ­déplacé leur pot d’un bout à l’autre du salon », écrit Daniel Chamovitz, biologiste à l’université de Tel-Aviv, dans son ouvrage très sérieux La Plante et ses sens (Buchet-Chastel, 2014).Elles n’ont pas d’yeux et pourtant elles voient, elles n’ont pas de nez et pourtant elles sentent, elles n’ont pas d’oreilles et pourtant elles réagissent au son… Les plantes ont une vingtaine de capacités sensorielles. Grâce à plus de 700 capteurs répertoriés dans le monde végétal, elles analysent en permanence leur environ­nement pour mesurer la température, l’humidité, la lumière, etc.
Mimosa pudica, souvent cité en exemple, est l’une des rares ­espèces végétales à réagir dès qu’on la touche en refermant ses feuilles. Contrairement à celui des plantes carni­vores, son mouvement est une ­réaction défensive. Plus insolite, la « plante qui danse » (Desmodium gyrans) est sensible à la musique ! Cette légumineuse d’Asie agite ses folioles dès que de la musique ou des ondes sonores comme la voix lui parviennent. « Plus on répète la musique, mieux elle bouge. Elle devient une ballerine, s’amuse le biologiste Francis Hallé. Mais nous ne savons pas comment ça marche ni à quoi ça sert. »
Le sujet est délicat : la communauté des biologistes est mal à l’aise lorsqu’on parle de musique et de plantes. Depuis les années 1960, diverses expériences menées par des amateurs ou des chercheurs peu estimés par leurs pairs soumettent les plantes à divers styles de musique pour étudier leur réaction.

La musique metal tuerait les plantes !

Les résultats font bondir le milieu ­académique : le classique et le jazz favoriseraient la croissance des plantes alors que le metal les tuerait ! Plus sérieusement, il est certain que les perceptions sensorielles des végétaux sont très sophistiquées et souvent beaucoup plus complexes que chez les humains.
L’arabette des dames a, par exemple, au moins onze photorécepteurs différents, situés sur différentes ­parties de la plante, alors que les humains en ont quatre, situés dans les yeux. En étudiant le phototropisme, Darwin avait déjà découvert qu’une plante dont on a coupé ou occulté le bourgeon n’est plus ­sensible à la lumière. Mais les ­recherches ­ultérieures ont montré que les feuilles jouent aussi un rôle.
Si on fait pousser une plante à l’horizontale, elle se redresse, car la plante a aussi le sens de l’orientation etcelui de la gravité. Or des expériences ont montré que cela ne suffit pas, car « les plantes combinent leurs ­perceptions », explique Bruno ­Moulia, qui travaille sur la biomécanique des plantes à l’INRA. « Ce qui est nouveau, c’est qu’elles perçoivent aussi leur état propre, par exemple leur forme, en rapport avec l’envi­ronnement. C’est ce qu’on appelle la proprioception. »
 

 

 

Partager :