Avions ravitailleurs. Nouvelle bataille en vue entre Boeing et Airbus qui est observée à la loupe en Israël, qui allié à Boeing risque de perdre des millions d’euros de commandes vitales. En effet des sous-traitants israéliens du secteur aéronautique, « prisonniers de Boeing », sont directement concernés.
Selon (1) :
L’armée de l’Air américaine s’apprête en effet à rouvrir les hostilités entre Boeing et Airbus pour lui fournir des avions ravitailleurs, dix ans après une âpre compétition remportée par l’avionneur américain. Il avait fallu un troisième appel d’offres, après deux annulations, pour que Boeing obtienne finalement en 2011 un contrat évalué à 35 milliards de dollars pour développer et fournir 179 ravitailleurs KC-46 d’ici 2029, les jeux semblaient faits pour l’étape suivante. Celle-ci devait porter sur 179 appareils supplémentaires pour continuer de remplacer la flotte de KC-135 remontant aux années 1950 et était promise à Boeing, selon le service de recherche du Congrès (CRS). Mais le Pentagone a changé ses plans.
L’US Air Force a publié le 16 juin un avis de marché pour la fourniture à partir de 2029 de 140 à 160 appareils au rythme de 12 à 15 par an. Le modèle retenu devra être dérivé d’un avion commercial et déjà exister. L’appel d’offres doit suivre d’ici la fin de l’an prochain. Celui-ci devrait donc opposer une nouvelle fois Airbus et son A330 MRTT vendu à une dizaine de pays, à Boeing avec son KC-46 Pegasus, dérivé du B767, exporté au Japon et en Israël. « Même si on a déjà quelques cicatrices des campagnes précédentes, on va évidemment regarder ça avec beaucoup d’intérêt et essayer de s’organiser pour faire une offre qui soit compétitive », a confié le patron d’Airbus Guillaume Faury.
Attribué à Boeing en 2003, ce méga-contrat avait été annulé après la révélation d’une affaire d’espionnage et de conflit d’intérêts d’une responsable du Pentagone passée à Boeing. La compétition avait été relancée en 2007 et remportée l’année suivante par EADS (depuis rebaptisé Airbus), alors allié à l’américain Northrop Grumman… avant d’être elle aussi annulée pour des « erreurs significatives » dans l’évaluation de l’offre constatées par la Cour des comptes américaines (GAO). Rouverte en 2009, elle avait finalement été remportée deux ans plus tard par le géant de Seattle, contraint de casser les prix.
Depuis, le programme KC-46 accumule les problèmes, qui ont déjà coûté plus de 5 milliards de dollars à Boeing. Le premier appareil a été livré à l’Air Force en 2019 avec deux ans de retard. Entre un système de distribution de carburant défectueux, un autre de vision à distance qui ne permet pas à l’opérateur de distinguer le bout de la perche de ravitaillement ou encore un logiciel de gestion de vol à revoir, les 46 avions actuellement en service ne pourront être pleinement opérationnels avant 2023. La future compétition s’annonce stratégique pour les deux avionneurs, qui s’attendent à plusieurs années atones de ventes pour leurs gros porteurs, les plus affectés par la pandémie de Covid-19.
Airbus n’a ainsi livré que 19 A330 l’an passé, contre 53 en 2019, et a enregistré un solde négatif de 14 commandes pour ce biréacteur, tandis que Boeing ne produit plus son B767 que dans ses dérivés cargo et ravitailleur. Pour Richard Aboulafia, expert aéronautique pour Teal Group, avec son nouveau projet, « l’US Air Force semble chercher à mettre une pression concurrentielle sur Boeing et détourner les critiques portant sur le choix du KC-46 ». « En d’autres termes, Boeing a encore une chance. A condition de remettre son programme sur les rails et de soumettre une offre compétitive », explique-t-il.
Mais Airbus pourrait aussi tenir sa revanche selon lui, « surtout s’il s’allie à Lockheed Martin ». L’avionneur européen et le numéro un mondial de la défense coopèrent dans le domaine des ravitailleurs depuis fin 2018. Si Airbus l’emporte, « il y aura une très forte américanisation de ce programme », anticipe Guillaume Faury. La loi américaine impose en effet au gouvernement l’achat de biens produits sur le territoire américain. Mais même avec une production à Mobile, dans le sud des États-Unis, comme Airbus comptait le faire il y a dix ans, « ce serait une très bonne nouvelle pour les niveaux de production et pour toute la ‘supply chain' » constituée de multiples fournisseurs européens, estime-t-il. »
(1) Capital.fr