Les Etats ont décidé d’investir le cyclisme et son épreuve reine, la Grande Boucle. Retour sur un phénomène qui implique cette année Israël, Bahreïn, les Emirats arabes unis ou encore le Kazakhstan. Quatre « Etats-sponsors » attirés comme de nombreuses marques par l’exposition exceptionnelle offerte par une course diffusée dans 195 pays. Un article de francetvinfo.fr.
Coureur cycliste et… ambassadeur de la paix.
Forcément, quand il a enfilé pour la première fois le maillot de l’équipe Israel Cycling Academy, ancêtre de l’actuelle Israel Start-Up Nation, Clément Carisey s’est demandé ce qu’il faisait là. « Le côté israélien de l’équipe ne sautait pas aux yeux. On échangeait en anglais, la structure sportive était basée en Espagne…
Mais la direction de l’équipe a ensuite organisé un stage pour les coureurs étrangers qui n’étaient jamais venus en Israël. » Au programme, visite de kibboutz, un tour dans Tel-Aviv et à Jérusalem.
Le tout ponctué d’un briefing du grand patron, le milliardaire Sylvan Adams, qui insiste sur le rôle d’ambassadeur de la paix de tous les coureurs revêtus du maillot bleu et blanc.
« Aux coureurs israéliens, il n’avait pas besoin de le dire, ils étaient déjà comme investis d’une mission. »
Le séjour se termine dans un duplex du grand patron, au sommet d’un immeuble niché sur une artère branchée de la capitale. « Les rideaux étaient tirés, je ne me rappelle pas bien de la vue, mais quelle hauteur sous plafond ! », s’amuse Clément Carisey, aujourd’hui sous contrat avec l’équipe française Delko.
« C’est du ‘nation branding’ ? Oui, et alors ? » .
Israel Start-Up Nation, c’est la nouvelle génération des équipes nationales dans le cyclisme. Pas l’émanation directe de l’Etat, mais la volonté d’un homme d’affaires désireux de rendre à son pays une partie de ce qu’il lui doit.
« Sylvan Adams ne fait pas ça pour gagner un centime, il est en train d’écrire sa légende pour les générations futures », abonde Asaf Ackerman, qui a commenté le Tour pendant huit ans pour la chaîne de télévision Sport5il. D’où le choix du nom, qui reprend le titre du livre de deux économistes, Dan Senor et Saul Singer, sur le « miracle économique israélien ».
« C’est un message universel que les Israéliens, du gouvernement à l’homme de la rue, souhaitent mettre en avant, pour reléguer au second plan le conflit israélo-palestinien, toujours aussi clivant », remarque Yoav Dubinsky, professeur au Lundquist College of Business, dans l’Oregon, et spécialiste de la question.
Lequel ajoute : « C’est du nation branding ? Oui, et alors ? Que croyez-vous que fait la France quand elle diffuse en mondovision les vues d’hélicoptère de ses paysages, en obligeant les commentateurs du monde entier à en toucher un mot ? »
En quelques années, le message est passé. « Quand on arrivait dans le peloton, sur les courses, bien sûr que les coureurs d’autres équipes nous interrogeaient. Le respect est venu petit à petit, avec les résultats. Puis, plus personne ne nous a demandé ce qu’on fichait là. Clairement, on n’était pas la danseuse géopolitique d’un milliardaire », décrit l’Israélien Aviv Yechezkel, qui a usé ses cuissards pour l’équipe entre 2016 et 2018. « Je ne vais pas vous dire que je n’ai pas vu un drapeau palestinien ou deux au bord de la route, mais ce sont les seuls incidents qui me viennent en tête. »
Des stars pour faire progresser les locaux.
Le connaisseur de cyclisme pourrait même se dire que c’est la tête d’affiche de l’équipe, Chris Froome, débauché d’Ineos à l’intersaison, qui risque de s’attirer l’hostilité du public, vu son passif avec les spectateurs de la Grande Boucle depuis ses années de règne avec l’équipe Sky.
Le coureur britannique représente la phase 2 du programme : « Avec des Froome, des Greipel, les jeunes coureurs israéliens vont prendre un concentré d’expérience en quelques mois », s’enthousiasme notre vétéran. Car, que ce soit sur le Tour de France ou une course de seconde zone en Azerbaïdjan, il y a toujours au moins un coureur israélien dans l’équipe. On n’est pas encore au niveau de British Cycling, qui a porté sur les fonts baptismaux l’équipe Sky en 2009 en vue d’une razzia aux JO de Londres trois ans plus tard, mais on s’en approche.
Photo of Israel Start-Up Nation cycling team by Bettini Photo