Il existe pourtant des lois qui garantissent théoriquement un salaire minimum, le droit de grève, etc. En 2011, Israël et la Thaïlande ont également signé un accord bilatéral, la «coopération […] sur le déplacement des travailleurs» (TIC), qui réduit la somme d’argent que les ouvriers agricoles thaïlandais doivent payer pour obtenir un visa. Il s’agissait de réduire la «vulnérabilité au travail forcé». Mais d’après les deux ONG, la réalité est toute autre. Les lois ne sont que faiblement appliquées.
«Mort subite nocturne»
Outre les horaires excessifs, les conditions de travail dangereuses, les logements insalubres, les bas salaires (certains disent gagner moins de 700 euros par mois), HRW s’inquiète des décès «troublants» de nombreux ouvriers agricoles. Selon le journal israélien Haaretz, les chiffres officiels font état de la mort de 122 personnes entre 2008 et 2013, dont 43 pendant leur sommeil, victimes du syndrome de «mort subite nocturne».
Une vidéo en anglais, dans laquelle interviennent à la fois des membres de HRW et de Worker’s Hotline, résume la situation.
Elle revient notamment sur la mort de Praiwan Seesuhka, un travailleur thaïlandais, survenue le 22 mai 2014. Selon Nicholas McGeehan de HRW, il travaillait 17 heures par jour, sept jours sur sept, et avait droit à quatre jours feriés par an. On découvre aussi l’intérieur de certains baraquements, les dangers liés aux pesticides et à la chaleur écrasante. «En été, lorsque dehors il fait 35 ou 40 degrés, à l’intérieur [sous les serres] la température monte jusqu’à 60 degrés, explique Noa Shauer, coordinatrice pour Worker’s Hotline. C’est très dur de respirer dans cette situation».
«Parfois on se couvre juste la figure avec un tee-shirt», expliquait en octobre 2014 un travailleur thaïlandais au site d’information Middle East Eye. Certains d’entre nous ont souffert de vertiges, de nausées et ont vomi à cause de l’épandage [de produits chimiques].» Dans le même article, un autre témoin raconte : «J’hésite à me plaindre ou à parler des conditions ici. […] Je ne veux pas avoir de problèmes. Je veux aller dans un meilleur endroit mais je ne sais pas qui est prêt à m’aider.»
Dans une précédente publication, en décembre 2013, Worker’s Hotline avait également dénoncé les conditions de vie des femmes étrangères dans les exploitations agricoles. Alors qu’elles ne représentent qu’une petite minorité des personnes qui travaillent dans les fermes, elles sont les premières exposées aux mauvais traitements. On découvre par exemple le témoignage d’une femme de 23 ans, qui aurait été agressée sexuellement par d’autres ouvriers.
Le travail que personne ne veut faire
Le rapport de HRW nous apprend que l’immigration asiatique a commencé en 1993, après que le gouvernement a réduit le nombre de Palestiniens autorisés à venir travailler en Israël. Sous la pression des employeurs, l’Etat a autorisé certains secteurs à recruter des étrangers pour compenser le manque à gagner.
«Pratiquement tous nos ouvriers sont thaïlandais, expliquait en 2010 à la BBC Roni Keidar, un fermier israélien qui gère un moshav. Nous avons essayé d’embaucher des Israéliens […], mais c’est trop difficile. Il fait trop chaud pour eux dans les serres.»
Sarah Leah Whitson, directrice pour HRW de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord, déplore que le gouvernement ne fasse «pas grand-chose pour défendre les droits des travailleurs migrants thaïlandais», alors qu’Israël «dépend en grande partie de cette main-d’œuvre». Vingt-cinq mille seraient présents en Israël.