Yaïr Lapid est né en 1963 à Tel Aviv. Son père, Tommy Lapid, est un survivant de la Shoah qui a émigré en Israël à la création de l’État en 1948. Il est écrivain, journaliste et producteur et sa mère est romancière. Yaïr Lapid grandit entre Paris et Londres. Autodidacte, il n’a pas l’équivalent du baccalauréat, ce qui ne l’empêche pas de se tourner vers le journalisme après son service militaire, et après avoir servi un temps dans l’armée israélienne, notamment pendant la guerre du Liban en 1982.
Pendant un temps, il vit aux États-Unis puis revient en Israël. À la fin des années 1980, il est engagé au Yediot Aharonot, le quotidien le plus populaire du pays, où il tient une chronique que l’on pourrait traduire par « Où est l’argent ? ». Par la suite, il travaille pour l’édition du Yediot à Tel Aviv, ainsi qu’au Maariv et de nouveau au Yediot Aharonot. En 1994, il a 30 ans et devient journaliste sur la première chaîne de la télévision israélienne où il présente un talk-show, une émission à succès le vendredi soir. Il part ensuite sur la deuxième chaîne en 1999, et présente un autre talk-show à son nom. Très télégénique, on le surnomme le « Georges Clooney israélien ».
Son entrée dans le monde politique
Yaïr Lapid fait son entrée dans l’arène politique en 2012, à presque 50 ans. Il fonde alors le parti de centre droit, Yesh Atid. Il marche dans les traces de son père, Tommy Lapid, qui, après une carrière d’écrivain et de journaliste, s’est tourné tardivement vers une carrière politique. Yaïr Lapid, comme son père jadis, se tourne vers les classes moyennes qui font face alors à plusieurs difficultés, notamment la crise du logement. La lutte contre la corruption, contre les déficits et la relance de l’économie sont ses chevaux de bataille. Il est laïc, souhaitant par exemple que les transports en commun circulent le jour de shabbat et que les mariages civils soient instaurés.
Yaïr Lapid est aussi très impliqué dans le conflit israélo palestinien. Il veut croire en la solution à deux États, défend la souveraineté d’Israël sur le Golan et se décrit comme un patriote et « un faucon ». Aux législatives de 2013, Yesh Atid décroche à la surprise générale 14,3% des voix et dix-neuf sièges à la Knesset.
Parmi ses députés on pouvait compter un orthodoxe, une femme handicapée, un druze, une transfuge du Parti de gauche Meretz, un ex-patron du Shin Beth et Mina Tamano, la première femme d’origine éthiopienne à siéger au parlement israélien. En quelques mois, il devient la deuxième force politique du pays derrière le Likoud et, comme conséquence de cet excellent score, il devient ministre des Finances du gouvernement de Benyamin Netanyahou alors qu’il n’était que novice en politique.
Cependant, les négociations ont été longues pour que Yaïr Lapid et les membres de Yesh Atid entrent au gouvernement. En effet, il souhaitait la réduction du nombre de ministres et l’absence de ceux venus des rangs orthodoxes.
À ce moment-là, on commence à parler du phénomène Yaïr Lapid, classé « juif le plus influent du monde » par le Jérusalem Post et dans les « 100 personnalités les plus influentes de la planète » par le magazine Time. Mais fin 2014, moins d’un an et demi après son arrivée au poste de ministre des Finances, Yaïr Lapid est démis de ses fonctions, sans surprise, tant les désaccords étaient nombreux avec Benyamin Netanyahou. Sa popularité a vite chuté, de même que pour son parti Yesh Atid.
Depuis, Yaïr Lapid entretient une profonde rivalité avec Benyamin Netanyahou mais reste réélu à chaque scrutin depuis 2013. En effet, les scores de Yesh Atid aux élections législatives israéliennes sont assez constants. En 2015, le parti de Yaïr Lapid est 4e avec 8,8% et 11 députés. Pour les deux scrutins de 2019 et de 2020, c’est dans la coalition de Benny Gantz que Yesh Atid est associé. Mais aux élections législatives du 23 mars dernier, Yaïr Lapid a décidé de faire cavalier seul et de quitter la coalition avec Benny Gantz, un choix gagnant.
Yaïr Lapid, le « Emmanuel Macron israélien »
Les liens entre Emmanuel Macron et Yaïr Lapid remontent à l’époque où l’un, était ministre de l’Économie de François Hollande et l’autre, en charge des Finances en Israël. En 2017, Yaïr Lapid avait appelé les Israéliens binationaux à voter pour « son ami » Emmanuel Macron pour le second tour de la présidentielle.
Et les deux hommes ont des points communs. Ils ne viennent pas de la branche politique, ils veulent capter toutes les sensibilités, et ont connu un succès rapide en politique. Il estime d’ailleurs incarner un centre « moderne et progressiste » comme Emmanuel Macron. Yaïr Lapid a désormais vingt-trois jours pour tenter de convaincre 61 députés de rejoindre sa coalition. Un déroulement qui sera suivi sur Radio J.
Christophe Dard