Quelles conclusions est-il possible de tirer des premières décisions de Joe Biden ? Il a très vite cherché à prendre le contrepied de Donald Trump sur :
– La politique intérieure avec l’immigration (la régularisation des sans-papiers, les conditions d’entrée sur le territoire américain de ressortissants de pays musulmans, la fin de la construction du mur avec le Mexique…) auxquelles sont consacrées une dizaine de directives présidentielles, la sécurité nationale, l’égalité entre les races et les sexes avec notamment la reconnaissance des transgenres, l’éthique, la santé
– La lutte contre la pandémie avec quinze décisions présidentielles et un budget de 70 Md$
– La lutte contre le changement climatique constitue le changement le plus notable. Les États-Unis ont réintégré l’accord de Paris. Donald TRUMP a eu tort d’en sortir car l’accord signé il y a cinq ans n’est pas contraignant et que c’est un outil pour lutter contre un des plus grands pollueurs de la planète, la Chine. Mais Joe Biden veut aller plus loin avec un « green new deal » auquel seraient consacrés 2 000 Md$, et qui va concerner les transports, le bâtiment, l’agriculture, l’énergie électrique…
– La relance de l’activité économique Joe Biden a fait approuver un plan de de 900 Md$, qui prend le relais du gigantesque plan de 2.200 Md$ que Donald TRUMP a fait adopter fin mars. Sont visées : les aides aux familles, les allocations chômage, les aides alimentaires, les entreprises, et principalement les PME et celles des secteurs de la restauration, de l’hôtellerie, du transport aérien…, les aides aux crèches et établissements scolaires… Est prorogé le moratoire interdisant les expulsions de personnes ne pouvant payer leur loyer, sont suspendues les saisies immobilières…
- Comme son prédécesseur, Joe BIDEN veut défendre le “Made in America” et les emplois américains en priorité. Il a consacré une enveloppe de 300 Md$ pour obliger l’administration à acheter plus de produits américains, quel qu’en soit le coût ; dans le même temps, il refuse que certains biens ou équipements soient importés. Tout en favorisant le « Buy American », il va aider les investisseurs, notamment dans le cadre du « green new deal » qui crée des emplois américains !
Joe Biden emboite le pas de son prédécesseur pour considérer que la Chine est l’adversaire stratégique fondamental. Cela s’est très vite concrétisé par de fortes déclarations du Président, de son Secrétaire d’État et de sa Secrétaire au Trésor. Le Secrétaire d’État, M. Antony Blinken n’a pas hésité à reconnaître que Donald Trump a eu raison d’avoir une position plus ferme face à la Chine ». Néanmoins, il annonce des méthodes différentes avec deux nouvelles tactiques : – « … Respecter les règles internationales, … et participer aux institutions internationales plutôt que de s’en désengager… ». Les Américains vont se réapproprier les instances de la gouvernance mondiale, et probablement en premier l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Est déjà effectif le retour dans l’organisation mondiale de la santé (OMS) pourtant si décriée depuis le déclenchement de la pandémie. – « Travailler avec les alliés au lieu de les dénigrer … les Etats-Unis seront en bien meilleure posture pour contrer les menaces posées par la Chine, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord et pour défendre la démocratie et les droits humains », Dans cette politique de « containement », s’associer aux alliés historiques est une attitude totalement différente de celle de Trump qui n’a cessé de prendre à rebrousse-poil Européens, Japonais ou Australiens… C’est facile à dire mais plus compliqué à réaliser lorsque les intérêts sont divergents. Les premières mesures protectionnistes de Joe Biden inquiètent les partenaires des États-Unis. Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau l’a dit au locataire de la Maison Blanche ; les Européens sont, à ce stade plus discrets.
Quel sera l’impact d’un retour en arrière sur le projet d’oléoduc Keystone XL entre le Canada et les États-Unis ? Avec les Européens, le sujet de l’avenir de l’OTAN et surtout du partage du coût de la défense du Vieux continent vont très vite être à l’agenda. N’oublions pas le sujet de l’extra territorialité du Dollar, épine dans les relations entre les Alliés. De son côté, Mme Janet Yellen, la secrétaire au Trésor, a d’ores et déjà indiqué que l’administration Biden allait suivre Trump en imposant des surtaxes sur les produits chinois importés, et en recourant à tous les dispositifs disponibles pour contrer « … les pratiques abusives, … injustes, … et illégales … » de Pékin. Elle a déjà approché l’Union européenne pour aborder le sujet de la fiscalité des géants du numérique. L’opposition avec la Chine avait jusqu’à présent principalement deux composantes, une économique, et une géo stratégique. Cela fait une vingtaine d’années que nous assistons à la montée en puissance économique de la première usine du Monde ainsi que l’affirmation de l’Empire du Milieu de par le Monde, que ce soit sur les îles en mer de Chine, en Afrique ou encore en différents points par le biais des « routes de la Soie » Mais, le nouveau Président Joe Biden qui a très bien connu Xi Jinping lorsqu’il était vice-président d’Obama ouvert un nouveau front en déclarant « Il est très dur. Il n’a pas, et je ne dis pas cela comme une critique, c’est juste la réalité, il n’a pas une once de démocratie en lui. » Alors que nous étions étonnés par la rudesse des propos de Trump, comment qualifier ceux de Biden ? Il est clair que nous sommes entrés dans une nouvelle guerre froide et qu’elle sera multidimensionnelle et que la nouvelle administration, avec tambours et trompettes, va s’engager dans une lutte implacable contre Pékin.
Sans dévoiler ses plans, Joe Biden s’est engagé à combattre « …les abus économiques de Pékin… ses actes agressifs… », à défendre « les droits humains… », tout en déclarant, la main sur le cœur « son amitié » pour le Président chinois, et à chercher à travailler avec Pékin « quand c’est dans l’intérêt de l’Amérique… » Alors que se profilent les politiques de la nouvelle administration, les changements concernent principalement les sujets sociétaux et surtout la lutte contre le changement climatique. À ce stade, à l’international, il s’agit plus d’un changement de méthode que de substance, même s’il convient d’attendre les orientations relatives à l’Iran et au Proche Orient. Les fondamentaux américains semblent transcender les clivages partisans, et on y revient, une fois gommées les décisions excessives de Donald Trump.
© Dov Zerah
Dov Zerah, ancien directeur général de l’Agence française de développement, dissèque l’actualité tous les mardi pour Atlantico.