ISRAELVALLEY SPECIAL. Avant de traiter des cultures d’affaires d’Israël et du Maroc faisons le point de la situation diplomatique entre les deux pays. Le Gouvernement israélien a approuvé cette semaine l’accord visant à établir les relations avec le Maroc. Cet accord sera soumis très vite au parlement israélien pour ratification. Dimanche dernier : « Aujourd’hui, nous soumettons l’accord historique sur l’établissement des relations entre Israël et le Maroc. En effet, c’est un moment historique, après quatre accords de paix avec quatre pays islamiques et arabes en quatre mois. », a déclaré le Premier ministre israélien.
Par ailleurs, le ministère israélien de l’Économie a annoncé que les 2 pays étaient parvenus à un accord pour promouvoir la collaboration commerciale et économique dans des domaines tels que la réglementation et l’innovation. Le ministère a déclaré que les deux parties étaient intéressées à signer l’accord dans environ deux semaines.
De nombreux hommes d’affaires israéliens vont bientôt se rendre au Maroc pour réaliser des affaires, après cette période très dure de Covid-19 où les voyages sont très limités. Il est clair que les cultures d’affaires entre le Maroc et Israël sont bien différentes. Beaucoup d’israéliens ont été des touristes au Maroc. 99% d’entre eux n’ont jamais engagé des relations d’affaires au Maroc. Tout est à faire.
Faisons le point :
A. La relation avec le temps est différente entre Israël et le Maroc :
Israël : Les Israéliens veulent les choses aujourd’hui, maintenant. Si vous ne voulez pas perdre votre partenaire israélien, ne lui parlez pas en termes de mois et certainement pas d’années ; il pourrait penser que vous n’êtes pas sérieux. Il faut parler en termes de jours et de semaines. Les négociations sont souvent menées tambour battant et l’Israélien voudra les conclure rapidement. Les rendez-vous sont souvent spontanés et la ponctualité, qui n’est pas le fort des Israéliens en règle générale, est plutôt respectée pour un rendez-vous d’affaires.
l’Israélien peut parfois apparaitre agressif et arrogant. Il est plus juste de dire qu’il va droit au but et ne s’encombre d’aucun complexe. Afin de réussir dans les affaires avec les Israéliens, il faut comprendre d’où ils viennent. Israël se caractérise par de nombreux groupes ethniques et culturels. Il faut en tenir compte et savoir faire face a toutes situations.
L’Israélien entamera la conversation en disant « shalom » ou « hello » et se présentera tout en donnant une poignée de main. Il approchera son interlocuteur de près, le contact physique ne lui fait pas peur. Passionné et expressif, il donnera libre cours à ses émotions et à ses sentiments et haussera vite le ton lors de conversations. Curieux de tout, il peut poser des questions assez « intimes » à des gens qu’il connaît à peine, tel que le montant de votre salaire, ou votre état civil. Répondez en circonvenant la question, de manière polie. Lors de discussion d’affaires, l’Israélien aime la négociation. Ne soyez pas offensé par ce qui vous semble une offre ridicule.
B. Maroc. La gestion du temps.
Les contacts commerciaux marocains ont généralement une perception du temps plus libre que dans la plupart des pays occidentaux. La ponctualité n’est pas nécessairement considérée comme une vertu. Néanmoins, arriver à l’heure aux réunions est important même si vous pouvez être obligé d’attendre. Un agenda de négociation est rarement fixé à l’avance et les réunions peuvent commencer et se terminer beaucoup plus tard que prévu.
La culture des affaires au Maroc (1) : « Le mélange des cultures arabe, musulmane, berbère et française a donné au Maroc une étiquette commerciale riche et complexe. Comme la plupart des marocains sont musulmans pratiquants, les valeurs islamiques ont une influence sur la culture des affaires. Néanmoins, le Maroc est également un ancien protectorat français et bon nombre de ses pratiques commerciales s’inspirent du système français. Comme dans la plupart des autres pays riverains de la Méditerranée, une forte hiérarchie et des relations personnelles étroites sont les principales caractéristiques de la culture d’entreprise marocaine.
La prise de décision dans les entreprises marocaines se fait principalement par le haut et la participation des employés est plutôt limitée. Les employés subalternes peuvent être consultés. Toutefois, leur contribution n’a pas nécessairement une incidence sur la décision. Par conséquent, les patrons sont généralement seuls responsables des décisions prises en interne. Les décisions ne sont pas prises rapidement et nécessitent plusieurs tours de négociations. Les relations personnelles jouent un rôle important dans la conclusion d’un accord avec des partenaires commerciaux marocains. La plupart préfèrent apprendre à connaître leurs homologues étrangers avant de faire affaire avec eux.
Le premier contact.
Certains Marocains peuvent être réticents à faire des affaires avec des personnes qu’ils ne connaissent pas, il peut donc être important de faire bonne impression lorsque vous rencontrez des contacts commerciaux marocains pour la première fois. Lors d’une première réunion, les partenaires marocains peuvent poser des questions pouvant être considérées comme personnelles ou non pertinentes dans les sociétés occidentales.
Les Marocains appartenant à la classe socio-économique supérieure peuvent être plus réservés et certains n’apprécient pas nécessairement que les gens soient trop familiers lors de leur première rencontre. Il est conseillé de faire appel à un interprète car la plupart des négociations se déroulent en français. Les heures de travail étant réduites pendant le mois de Ramadan, il est conseillé d’organiser les premières réunions avant ou après cette période.
Les salutations et les titres.
La manière de saluer un contact commercial marocain varie en fonction de son sexe. Lorsque vous rencontrez une personne du même sexe, les poignées de main sont courantes. Les femmes peuvent aussi se saluer en s’embrassant sur la joue, en changeant de joue trois fois. Lorsque vous rencontrez une personne du sexe opposé, il est préférable de permettre à votre homologue de vous tendre la main. Certains musulmans sont plus susceptibles de s’abstenir de serrer la main à quelqu’un du sexe opposé. Dans ce cas, un signe de tête et un sourire devraient suffire. Il est conseillé de vous adresser à vos partenaires commerciaux en utilisant M., Mme ou Mlle sauf si vous avez commencé à vous appeler par vos prénoms.
Les réunions de travail ont tendance à être longues et il est difficile de prévoir quand elles vont se terminer. Il est recommandé de faire appel à un interprète, car la plupart des négociations se déroulent en français (ainsi qu’en arabe, rarement en anglais). La plupart des réunions commencent par de petites discussions. Les sujets appropriés incluent : la famille, le sport, la météo. Vous devriez éviter de parler de sexe, de religion et de la famille royale marocaine.
Les Marocains ne s’engagent généralement pas dans une communication directe, surtout dans un contexte négatif. Sauver la face est en règle générale important et les désaccords sont souvent minimisés, ainsi que les échecs à honorer un engagement. Il est conseillé d’être vigilant et de chercher des allusions subtiles qui témoigneraient de désaccord ou qui pourraient signifier une réponse négative. Par conséquent, les ventes acharnées et la confrontation ne seront pas bien reçues.
Les contacts professionnels étranger devraient s’assurer que la personne la plus âgée de la salle porte une attention particulière à leur point de vue et devraient lui faire directement leur offre. Les négociations, en particulier lorsqu’il est question de tarification, peuvent prendre un certain temps, car vos homologues peuvent vouloir avoir le dernier mot et l’impression d’avoir gagné. Par conséquent, il est important de commencer à un niveau de prix qui vous permet de descendre et de donner l’impression qu’ils ont gagné la négociation. Interrompre quelqu’un est assez banal et n’est pas considéré comme impoli. Comme les gens ont tendance à parler en même temps, il est recommandé de revenir à la conversation un peu plus tard afin de s’assurer que tout le monde a bien compris ce que vous disiez.
(1) /rbcglobalconnect.rbc.com. Global Affairs Canada – La culture d’entreprise marocaine (en anglais)
LE PLUS.
EDITORIAL de Dr Daniel Rouach. Excellente nouvelle afin de démarrer cet éditorial de manière positive : l’administration de Joe Biden a décidé de soutenir l’accord de normalisation maroco-israélien. « C’est la première sortie officielle sur la question. L’administration Biden va maintenir le soutien indéfectible à Israël et s’appuiera sur les accords de normalisation, dont celui avec le Maroc ».
ECONOMIE ET HIGHTECH. Lors d’un récent micro-trottoir, j’ai posé une question à mes amis du monde industriel et hightech israélien. Que savez-vous de la puissance de frappe hightech et industrielle du Maroc? Réponse : un silence embarrassant…
Les israéliens ne lisent pas le Français et la presse économique israélienne en hébreu ne parle pratiquement jamais du Maroc. Les experts israéliens du hightech que j’ai interrogé pour IsraelValley ignorent que les écoles publiques du Maroc produisent environ 5.000 ingénieurs par an, les établissements privés quelques 2.500.
Personne ne sait en Israël que « Maroc Magazine » organise sa passionnante seconde édition de son business forum «Global Industry 4.0 Conference». « Placé sous le thème «L’industrie 4.0 au service d’une économie résiliente», cet événement réunira le mercredi 27 janvier à l’Université euro-méditerranéenne de Fès, acteurs, professionnels et experts de l’industrie pour un échange d’expérience et un partage des pratiques les plus efficientes du moment dans le domaine de l’industrie 4.0″.
Seules quelques personnes interrogées dans mon micro-trottoir m’ont parlé des « Phosphates et du Tourisme Marocain ». Il faut le reconnaître : ce que savent les israéliens sur le tissu économique et technologique du Maroc est faible. Peu d’israéliens savent que le Maroc compte aujourd’hui entre 30.000 et 40 000 ingénieurs, soit un taux de 8,6 ingénieurs pour 10.000 habitants.
Personne ne sait en Israël que le centre du groupe STMicroelectronics, champion mondial des microprocesseurs, qui a été ouvert à Madinat Al Irfane à Rabat, emploie plusieurs centaines de cadres supérieurs, notamment des ingénieurs. Les israéliens ignorent que l’économie du Maroc est en train de se diversifier et de drainer plusieurs investissements dans des secteurs porteurs tels que les NTIC, l’offshore, l’aéronautique, les services, les métiers de la mer…
Les amoureux du Maroc en Israël n’ont jamais vraiment fait l’effort de découvrir les atouts du Maroc sur les plans économiques et technologiques.
Un point d’actualité. En Israël personne ne sait que Nexans, l’expert mondial des câbles, a ouvert une nouvelle usine au Maroc. « Inaugurée le mardi 19 janvier, l’infrastructure située dans la zone industrielle de Nouaceur est dédiée à l’activité « Business Unit Telecom Systems » de l’entreprise. Elle produira des accessoires de connectorisation de câbles de fibre optique, 5G, data center et réseau informatique local. A travers cette nouvelle unité, le groupe Nexans compte augmenter sa capacité de production, élargir sa gamme de produits et proposer de nouveaux services pour conquérir le marché nord-africain et au-delà ».
CONCLUSIONS. Ainsi, la première action de la Chambre de Commerce Israël-France (CCIIF qui est en train de se construire sous un label officiel émis par l’Autorité israélienne) pourrait être selon moi : l’organisation de réunions professionnelles et conférences d’expert dans toutes les Universités du pays. Objectif : présenter, sous un mode Consulting, « le Maroc économique et hightech, tel qu’il est ».
Un « Think Tank » Israël-Maroc est indispensable à mettre en route pour formaliser une stratégie sur les dix ans à venir entre Israël et le Maroc. Thème N°1 de ce « Groupe de réflexion » : identifier les complémentarités économiques et technologiques entre le Maroc et Israël. J’ai donc décidé avec mes amis israéliens, de mettre en place, dès à présent, sans attendre la mise en place légale et formelle de la CCIIF (au moins six mois), de créer une Task-Force informelle, sous le nom de « IMC – ISRAËL MAROC COOPERATION ».
Dr Daniel Rouach. (le 25/01/2021)