Libération : « Emmanuel Macron, dernier atout des centristes israéliens ? Vendredi matin, à quatre jours des législatives anticipées en Israël, Yaïr Lapid, numéro 2 de l’alliance «Bleu et Blanc» cherchant à détrôner Benyamin Nétanyahou, a sauté dans un avion en direction de Paris après avoir décroché la promesse d’un entretien «bref et informel» avec le Président, dixit l’Elysée.
Selon le parti Bleu et Blanc du général Benny Gantz, Emmanuel Macron et Yaïr Lapid ont évoqué «la situation au Moyen-Orient, l’Iran et la montée de l’antisémitisme en Europe». Mais c’est surtout une photo souvenir auprès d’un des derniers fers de lance du «progressisme» qu’était venu chercher le politicien israélien à qui a été promis le ministère des Affaires étrangères en cas de victoire, afin de riposter au world tour des dirigeants populistes bouclé par Nétanyahou en cette fin de campagne.
En quinze jours, le Premier ministre israélien s’est affiché à Washington avec Donald Trump, s’est rendu à Moscou auprès de Vladimir Poutine et a reçu en grande pompe le Brésilien Javier Bolsonaro. Chacun lui a fait un petit cadeau de campagne : le plateau du Golan pour l’Américain ; la dépouille d’un soldat israélien disparu depuis la guerre du Liban en 1982 retrouvée en Syrie pour le Russe ; et enfin une apparition conjointe aussi historique que polémique au mur des Lamentations pour le Sud-Américain.
Clivage
Les liens entre Macron et Lapid ne sont pas nouveaux. Ces deux derniers se sont croisés lorsque le président français était ministre de l’Economie et l’Israélien son homologue en charge des Finances auprès de Benyamin Nétanyahou, en 2014. Cette halte parisienne prend même une forme de réciproque. En 2017, Lapid avait appelé les Israéliens binationaux à voter pour «son ami Emmanuel Macron» contre Marine Le Pen. «Il s’agit d’un affrontement entre le bon sens du centre et le populisme dangereux», déclarait-il alors.
En affichant sa proximité avec Macron, Lapid veut rejouer cette bataille idéologique en Israël. Imposer ce clivage est indispensable pour Lapid, en tant que seul civil à la tête de son parti encadré par trois généraux, et dont les divergences avec Nétanyahou portent moins sur le fond (que ce soit en matière d’économie ou de politique sécuritaire) que sur le style de gouvernance. L’image de progressistes fréquentables est l’une des principales cartes du duo, alors que Nétanyahou s’est sculpté une stature de mentor populiste. Détail cocasse, Yaïr Lapid n’avait cependant pas hésité à enfiler un gilet jaune à l’hiver lors d’une tentative ratée d’importer le mouvement de protestation français en Israël…
Du côté de l’Elysée, on laisse à l’imagination des journalistes l’interprétation électorale de cette rencontre, dont le Premier ministre israélien a été averti en amont et à qui, lors de son dernier passage à Paris, Macron donnait encore du «mon cher Bibi». Ce coup de pouce de Macron est risqué, les sondages annonçant un résultat très serré mais a priori toujours favorable à Nétanyahou, en passe de battre tous les records de longévité à la tête de l’Etat hébreu.