Les entrepreneurs israéliens sont tout d’abord formés à la meilleure des écoles: l’armée. Dans un pays où presque tout le monde doit faire trois ans de service obligatoire, une formule magique a été créée. «Il y a une très grande sélection des enfants dès 8 ans avec des programmes supplémentaires de maths et sciences pour les plus doués», raconte Michael Bloch, senior partner de McKinsey à Tel-Aviv. Quand ils ont 16 ans, l’armée prend les meilleurs: elle les placera dans des sections d’élite, appelées aussi unités technologiques, où ils créeront leur start-up au sein même de l’institution. «Les héros ont longtemps été ici les généraux: maintenant, ce sont les entrepreneurs, détaille Benjamin Stoffer de T3, l’organe de transfert de technologie de Technion, une des grandes unis du pays. Nous n’avons pas de grandes écoles de commerce, tout passe par l’armée.»
Un jeune sorti d’une unité d’élite commence avec un salaire mensuel de 12 000 euros par mois
En trois ans, ces jeunes font du management dans un cadre militaire, ils ont élaboré un projet avec leurs copains d’unité. «On parle toujours de l’unité 8200 mais il y en a bien d’autres», selon Michael Bloch. Celle-ci compte chaque année des milliers de membres alors que d’autres n’en ont que quelques dizaines, comme Talpiot, la crème de la crème, 32 recrues par an. Ces jeunes Israéliens sont plus matures et plus charismatiques que nos jeunes entrepreneurs grâce à l’expérience de conduite. Ils savent dénouer des problèmes complexes qui ont autant trait à la technologie qu’aux relations humaines. Tout ce qui fait le quotidien d’une entreprise high-tech. Mais la compétence se paie: «Un jeune sorti d’une unité d’élite commence avec un salaire mensuel de 12 000 euros par mois», prévient Moises Cohen de l’incubateur fintech The Floor à Tel-Aviv.
Nous n’avons pas d’industrie automobile mais nous comptons déjà 400 start-up dans la voiture autonome, c’est l’agilité à l’israélienne!
L’excellence en technologie permet, par ailleurs, d’accomplir des miracles. «Nous n’avons pas d’industrie automobile mais nous comptons déjà 400 start-up dans la voiture autonome, c’est l’agilité à l’israélienne!», s’enthousiasme Avi Zeevi, patron du plus grand fonds de capital-risque du pays, Viola. Les entrepreneurs s’intéressent rapidement aux domaines dont ils pressentent qu’ils vont devenir porteurs: en quatre ans, le nombre d’entreprises actives dans le secteur automobile a ainsi triplé. On y trouve des leaders dans la technologie pour la mobilité (comme Waze, racheté par Google en 2013, ou Gett, un très sérieux concurrent d’Uber), des acteurs traditionnels comme Porsche et BMW qui achètent de la technologie locale quand d’autres investissent sur place, à l’instar de GM et Mercedes, à travers des fonds d’investissement. Cette capacité à saisir rapidement les nouvelles opportunités est fondamentale: «Tout va très vite dans un pays où les gens n’avaient pas l’air conditionné il y a vingt ans, analyse Michael Bloch. Nous comptons environ 430 fintechs contre quelque 200 en Suisse. Dans la foodtech, il y a déjà 400 start-up.»
Des drones dans le bâtiment
Cet attrait des grandes entreprises internationales contribue à verrouiller sur place une scène très active dans l’innovation. Dans l’accélérateur d’entreprises Sosa de Tel-Aviv, on croise le réassureur allemand Munich Re, le spécialiste de l’énergie Enel mais aussi la ville de Cologne et le gouvernement australien. «Nous pratiquons l’open innovation, glisse la responsable du développement du lieu, Roni Kenet Harmelin. Nos clients nous indiquent les verticales qui les intéressent et nous les mettons en contact avec l’écosystème local. C’est très stimulant pour tout le monde.»
En général, ces entreprises envoient des équipes différentes tous les deux mois et voient des start-up, des CEO qui ont réussi et résolvent des problèmes de technologie comme de modèles d’affaires. «Les Suisses sont très frileux sur l’open innovation, regrette Michael Bloch, alors que des grandes boîtes pourraient créer des incubateurs et envoyer des employés comme coaches.» Un bon moyen de densifier l’écosystème helvétique, selon notre interlocuteur. De nouveaux secteurs, jusqu’ici peu exposés à la technologie, font leur apparition chez Sosa, comme la construction: «Le Ministère de l’économie nous a demandé de l’aide à ce sujet: la réalité virtuelle mais aussi les drones peuvent amener beaucoup à une industrie très arriérée en termes de technologie.»
Source : https://www.letemps.ch/economie/2017/09/08/decollage-startup-nation