59 % des jeunes musulmans en France souhaitent l’application de la charia, selon un sondage. En Israël ce sondage ne surprend personne…
Une enquête réalisée par l’Ifop pour le magazine Écran de veille fait état d’une radicalité croissante des fidèles en France, ainsi que de l’adhésion progressive aux courants de pensée islamistes.
Dans son ouvrage majeur Le Choc des Civilisations, paru en 1996, Samuel Huntington théorise une « Résurgence de l’islam » à l’œuvre dans le monde arabo-musulman et s’étendant vers l’Occident. L’universitaire américain emploie délibérément le R majuscule pour souligner la rupture majeure qu’induit ce phénomène, « au même titre que la Révolution française ». En l’espace de 40 ans, l’islam a gagné une place croissante au sein de la société française, comme le suggèrent les résultats de l’enquête effectuée par l’Ifop pour le magazine Écran de veille, intitulée « État des lieux du rapport à l’islam et à l’islamisme des musulmans de France : entre réislamisation et tentation islamiste ». Longue de 60 pages, cette étude fouillée offre un éclairage inédit sur ces deux phénomènes qui gagnent en importance, au sein d’une nouvelle génération plus radicale que les précédentes.
Religiosité croissante
Entre 1985 et 2025, la France a connu une recomposition complète de son paysage confessionnel. La part des musulmans dans la population française est passée de 0,5 à 7 %, tandis que celle des catholiques a chuté de 83 à 43 %. L’islam est devenu la deuxième religion de France, devant le protestantisme (4 %), et alors que la part de Français ne se réclamant d’aucune religion a connu une augmentation constante, pour atteindre 37,5 % de la population. Cette proportion croissante des fidèles musulmans en France va de pair avec une forte religiosité, c’est-à-dire une pratique régulière du culte par ses membres. 80 % des musulmans vivant dans l’Hexagone se déclarent religieux, contre 48 % des habitants se réclamant d’une autre religion. En sus, près des deux-tiers des fidèles à l’islam affirment prier tous les jours, contre une moyenne de 18 % pour les adeptes des autres religions. Entre 1989, année de la très médiatique affaire du « voile de Creil », et 2025, le taux de fréquentation des mosquées a plus que doublé, passant de 16 % à 35 %, signe d’une « réislamisation ».
Ce phénomène se traduit dans la vie quotidienne par une primauté des pratiques prescrites par la religion sur celles de la société, témoignant d’une « capacité croissante de l’islam à fixer des règles de vie quotidienne ». Ainsi, le jeûne quotidien pendant le mois saint du Ramadan est aujourd’hui observé par 73 % des fidèles, contre 60 % en 1989. 79 % des musulmans en France s’abstiennent de consommer de l’alcool ; ils étaient moins de 65 % en 1989. La prépondérance du religieux sur le scientifique dans la conception même du monde est éloquente. 65 % des musulmans estiment que la religion « a plutôt raison » par rapport à la science sur la question de la création du monde, contre 19 % pour les Français se réclamant d’autres religions.
Radicalité de la jeune génération
Cette orthopraxie entraîne une rupture progressive avec les mœurs de la société. 43 % des musulmans refusent par exemple le contact visuel ou physique avec une personne du sexe opposé. Dans ce registre, notons une plus forte radicalité chez les femmes que chez les hommes. À titre d’exemple, si 30 % des hommes musulmans refusent de faire la bise, c’est le cas pour 39 % des femmes. 14 % des femmes musulmanes n’écoutent pas de musique non islamique, contre 8 % des hommes. L’étude révèle en outre que l’adhésion à certaines pratiques relève moins de la coercition que du choix personnel. Ainsi, 80 % des femmes portant le voile affirment se vêtir ainsi pour respecter une obligation religieuse, et 44 % pour ne pas attirer le regard des hommes. A fortiori, seulement 2 % des femmes concernées estiment se couvrir la tête du fait d’une pression imposée par leurs proches.
Dans la plupart des pratiques, les jeunes font montre d’une plus grande assiduité que leurs aînés. 59 % des musulmans âgés de 15 à 24 ans sont par exemple favorables à l’application de la charia (la loi islamique) dans les pays non musulmans, contre 38 % des fidèles âgés de plus de 50 ans. Entre 1989 et 2025, la proportion de musulmans âgés de moins de 25 ans affirmant prier tous les jours est passée de 26 à 67 %, alors que ce taux a chuté de 80 % à 53 % chez les plus de 50 ans. En outre, 21 % des musulmans souhaitent ainsi que l’islam se modernise, contre 48 % en 1998. Si 49 % pensent que la loi française doit prévaloir sur les règles islamiques, ils étaient 62 % il y a trente ans.
24 % des musulmans interrogés affirment éprouver de la « sympathie » à l’égard des Frères musulmans
Corollaire d’une radicalité accrue, le nombre de fidèles affichant leur proximité avec des courants de pensée intégristes est en constante augmentation. 38 % des Français musulmans approuvent « tout ou partie des positions islamistes en France », deux fois plus qu’en 1998 (19 %). 24 % des interrogés affirment éprouver de la « sympathie » à l’égard des Frères musulmans, 9 % pour le salafisme, et 3 % pour le djihadisme. En additionnant tous les courants de pensée islamistes (Takfir, wahhabisme, salafisme, Tabligh…), 33 % des adeptes de l’islam se sentent proches d’au moins une mouvance islamiste. Cette « revanche de Dieu », évoquée en 1991 par Gilles Kepel dans son ouvrage éponyme, s’incarne en France dans les Frères musulmans. À travers un réseau tentaculaire d’associations et d’initiatives, ces derniers ont développé de véritables « écosystèmes » dans certains quartiers du pays, comme l’a révélé un rapport déclassifié par l’Élysée au mois de mai dernier.