Le gouvernement syrien a chuté dans la nuit. Le président Bachar al-Assad, avait perdu vendredi le contrôle d’une nouvelle ville au sud de Damas au profit de factions locales. Le président syrien Bachar al-Assad, qui selon une ONG a pris la fuite dimanche, a pendant près d’un quart de siècle dirigé la Syrie d’une main de fer, réprimant dans le sang une rébellion qui s’est muée en guerre civile, l’une des plus brutales du XXIe siècle.

Abandonné par ses alliés russe et iranien eux-mêmes très affaiblis, il a toutefois dû selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) fuir le pays dimanche, onze jours après le lancement le 27 novembre d’une offensive éclair par les rebelles, à laquelle ses forces n’ont opposé quasiment aucune résistance.

Parmi les symboles les plus forts de la chute de Damas figure la libération de la sinistre prison de Sednaya, où furent emprisonnés, torturés et assassinés des milliers d’opposants aux pouvoir de la dynastie al-Assad.

Des combattants antigouvernementaux montent sur un avion de l'armée syrienne après avoir pris le contrôle d'une base aérienne militaire près de la ville centrale de Hama, le 6 décembre 2024

Après la Russie, les Etats-Unis ont appelé leurs ressortissant à évacuer. Après avoir pris Alep, la grande ville du nord, et Hama, dans le centre, en moins d’une semaine, les rebelles étaient vendredi aux portes de Homs, à 150 kilomètres au nord de la capitale, l’avancée la plus spectaculaire en 13 ans de guerre.

Les combattants de la coalition menée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) se sont emparés de dizaines de localités et de villes-clefs lors d’une offensive fulgurante à laquelle la Turquie a apporté son soutien. Au sud de la capitale, près de la frontière jordanienne, les troupes gouvernementales ont également perdu vendredi le contrôle de la ville de Deraa, berceau du soulèvement de 2011, au profit de forces locales, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).

« Les factions locales ont pris le contrôle de davantage de zones dans la province de Deraa, y compris la ville de Deraa. Elles contrôlent désormais plus de 90% de la province, alors que les forces du régime se sont retirées », a précisé cette ONG. Réunis à Bagdad vendredi, les ministres des Affaires étrangères d’Irak, d’Iran et de Syrie ont mis en garde contre le « danger général pour la stabilité de toute la région » que représente le conflit en Syrie. Samedi, ce sont les chefs de la diplomatie turque, russe et iranienne qui doivent se sont retrouvés à Doha, pour une autre rencontré dédiée à cette crise. Les trois pays sont partenaires depuis 2017 du processus d’Astana initié pour faire taire les armes en Syrie mais ont soutenus des camps rivaux dans le pays.

Protéger les « minorités ».

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a insisté vendredi sur « l’importance de protéger les civils, dont les membres de minorités, en Syrie », lors d’une conversation téléphonique son homologue turc Hakan Fidan, selon le Département d’Etat. Les autorités américaines avaient peu avant appelé leurs ressortissants à évacuer le pays « sur le champ », tant qu’il y a encore des possibilités de vols commerciaux, alors que la Russie, principal allié du pouvoir syrien, avait plus tôt demandé à ses concitoyens de quitter le pays où elle dispose de bases militaires.

Autre soutien clé du régime, Téhéran avait aussi commencé à évacuer son personnel militaire et des diplomates, a indiqué vendredi le New York Times, citant plusieurs responsables iraniens et de la région sous couvert de l’anonymat. Meurtrie par une guerre qui a fait un demi-million de morts depuis 2011, et l’a morcelée en zones d’influence, avec des belligérants soutenus par différentes puissances étrangères, la Syrie n’avait pas connus de combats aussi intense depuis 13 ans.

Face à l’offensive lancée à la surprise générale le 27 novembre à partir de la province d’Idleb, fief des rebelles dans le nord-ouest syrien, les forces gouvernementales se sont retirées de plusieurs régions ou mené des raids aériens avec l’allié russe et des opérations au sol contre les secteurs insurgés. En 2015, l’aide militaire russe avait été cruciale pour inverser le cours de la guerre et permettre à M. Assad de reprendre une grande partie du territoire. Mais les ressources de Moscou sont à présent mobilisée par son offensive en Ukraine.

Le Hezbollah et l’Iran avaient aussi apporté un énorme soutien militaire à M. Assad mais ces deux acteurs sont considérablement affaiblis depuis la guerre à gaza et au Liban. Si les rebelles s’emparent de Homs, la troisième ville du pays située dans le centre, seules Damas et la côte méditerranéenne seront encore aux mains des forces de M. Assad, dont la famille est au pouvoir depuis plus de cinq décennies.

« Lorsque nous parlons d’objectifs, le but de la révolution, c’est de renverser ce régime. Nous avons le droit d’utiliser tous les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif », a dit à CNN Abou Mohammed al-Jolani, le chef du HTS, qui mène la coalition rebelle. HTS est considéré comme terroriste par l’ONU, les Etats-Unis et certains pays européens.

« Objectif, Damas »

« Idleb, Hama, Homs et bien sûr l’objectif, Damas: l’avancée des opposants continue. Nous souhaitons que cette avancée se poursuive sans incident », a déclaré le président turc, Recep Tayyip Erdogan, dont le pays est un soutien majeur des rebelles. Après la chute de Hama, des dizaines de milliers d’habitants de Homs, craignant le même scénario, principalement des membres de la minorité alaouite dont est issu M. Assad, ont fui vers la côte occidentale, d’après l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). « La peur couvre Homs », a affirmé Haidar, un habitant.

Selon l’OSDH, l’armée s’est retirée de Homs vendredi, et les rebelles sont proches de la ville. Mais le pouvoir a démenti tout retrait et affirmé avoir envoyé des renforts à Homs. D’après l’OSDH, des frappes russes et syriennes ont tué 20 civils, dont cinq enfants, dans des villages proches de Homs. L’armée syrienne a dit mener une « opération dans le nord de la province de Homs, sous la couverture de l’aviation conjointe syro-russe et de l’artillerie ».

Depuis le 27 novembre, les violences ont fait au moins 826 morts dont une centaine de civils, selon l’OSDH, et au moins 370.000 personnes ont été déplacées d’après l’ONU. Sur un autre front, dans l’est syrien, les forces gouvernementales se sont retirées sous leur contrôle dans l’ouest de la province de Deir Ezzor, a déclaré Rami Abdel Rahmane, directeur de l’OSDH. Peu après, les Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les Kurdes, qui contrôlent l’est de Deir Ezzor, ont indiqué s’être déployées dans les secteurs évacués.

Et dans le sud de la Syrie, les forces syriennes ont abandonné plusieurs positions dans la province de Deraa, berceau de la révolte, où des rebelles locaux se sont emparés notamment de bâtiments administratifs, d’après l’Observatoire. Toujours dans le sud, des responsables syriens, dont le gouverneur, ont quitté des bâtiments gouvernementaux à Soueida, selon l’OSDH. Des groupes armés ont aussi pris un poste frontière avec la Jordanie peu après sa fermeture par le royaume.

Challenges (avec AFP)

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