Essai. David Grossman. The New York Times.
Dans un essai publié par “The New York Times” et traduit pour “Courrier international”, le célèbre écrivain israélien confie ses doutes et son désespoir sur l’état de la société israélienne et sur la guerre à Gaza. Il s’accroche à la possibilité d’une “résolution éthique, raisonnable et humaine” d’un conflit qui dure depuis plus d’un siècle.
À mesure que s’éloigne la date du 7 octobre, l’horreur semble paradoxalement s’amplifier. Nous, les Israéliens, passons notre temps à nous repasser ce qui fait désormais partie intégrante de l’histoire constitutive de notre identité et de notre destinée : des heures durant, les terroristes du Hamas ont pris d’assaut des maisons israéliennes, assassinant quelque 1 200 personnes, violant, kidnappant, pillant et brûlant. Pendant ces heures cauchemardesques, avant que Tsahal ne s’arrache à son état de choc, les Israéliens ont eu un aperçu concret, cuisant, de ce qui se passerait si leur pays subissait non seulement une épreuve terrible, mais cessait d’exister. Si Israël n’était plus.
J’ai parlé à des Juifs vivant hors d’Israël, qui m’ont confié qu’ils s’étaient sentis vulnérables, à la fois physiquement et spirituellement, pendant ces heures noires. Mais ce n’est pas tout : ils m’ont dit aussi qu’une partie de leur force vitale leur avait été arrachée, et pour toujours. Certains étaient même surpris de constater à quel point ils avaient besoin qu’Israël existe, à la fois en tant qu’idée et en tant qu’entité concrète.
À l’heure où l’armée israélienne lançait la contre-attaque, la société civile s’impliquait déjà massivement dans les opérations de sauvetage et de logistique, les Israéliens s’étant portés volontaires par milliers pour faire ce que le gouvernement aurait dû faire s’il ne s’était pas trouvé dans un état de torpeur paralysante.