C’est aujourd’hui à 18h15 qu’Emmanuel Macron présidera la cérémonie d’entrée au Panthéon de Missak Manouchian et sa femme, Mélinée, tous deux résistants et membres des FTP-MOI [Francs-tireurs et Partisans-Main-d’oeuvre immigrée].
Le premier fut fusillé le 21 février 1944, avec 21 de ses camarades de l’«armée des ombres» et trois lycéens bretons – dans la clairière du Mont Valérien par l’occupant allemand et les forces nazis lancèrent à la suite une campagne d’affichage contre les résistants communistes étrangers issus de la Main-d’œuvre immigrée (MOI) et, plus particulièrement, ceux du groupe Manoukian, pris et jugés après une série d’attentats.
15 000 affiches rouges de propagande sont alors placardées dans toute la France qui découvre le visage de ces résistants. « Ceux que l’on voit dans cette affiche rouge, c’est le caractère matriciel de l’antisémitisme de l’idéologie nazi », affirme l’historienne Annette Wiervorka.
Sur fond écarlate, 10 portraits de visages patibulaires et farouches s’affichaient sous le titre « Des libérateurs ? La Libération par l’armée du crime ! », pour jouer sur la peur et la xénophobie. Cette affiche eut cependant un effet contraire sur la population à celui cherché par les Allemands. De nombreux anonymes déposèrent des fleurs au pied des affiches et collèrent des bandeaux sur lesquels on peut lire : « Oui, l’armée de la résistance », « Morts pour la France », ou « Des martyrs ».
Mais si seul le couple seul Manouchian est officiellement panthéonisé, l’hommage sera collectif, comme en témoignera la plaque apposée à l’entrée du caveau. Elle mentionnera les noms des membres du «réseau Manouchian» et Joseph Epstein, chef militaire des Francs Tireurs et Partisans (FTP), qui seront honorés symboliquement avec lui, et trois vers d’Aragon : «Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant / Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir/Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant».
Et parmi ceux-ci, la majorité d’entre eux étaient juifs et selon certains historiens, la propagande nazie qui s’exprime dans l’affiche rouge n’était pas xénophobe mais antisémite.
D’ailleurs, les Juifs ont joué un grand rôle dans les actions des FTP-MOI, créé par le Parti Communistes Français. Ils furent placés sous une double direction nationale : politique, avec à sa tête Louis Gronowski – juif d’origine polonaise – sous les ordres directs de Jacques Duclos, le chef du PCF clandestin – et militaire, dirigée par Charles Tillon, avec sous ses ordres le responsable de la région parisienne, Joseph Epstein – juif d’origine polonaise – aidé de ses adjoints – Boris Bruhman, dit Holban, juif bessarabien et commissaire militaire, Joseph Davidovitch, juif polonais et commissaire politique, et Mihaly Grünsperger, dit Patriciu, juif de Transylvanie.
Avec l’intensification par l’occupant, en zone nord, de la persécution des Juifs, la section juive – formée surtout d’originaires de Pologne pratiquant le yiddish – acquit de l’importance et bénéficia d’une presse clandestine spécifique. Assez puissante à Paris en raison même de la présence d’une forte immigration juive dans la capitale, cette section fut chargée d’orienter des militants vers les FTP-MOI.
Ensuite, le PCF décida d’occulter en partie cette participation juive qui refait maintenant surface. On peut aussi citer qu’en 2007, le président Jacques Chirac a décidé de panthéoniser les 2.700 «Justes de France», ainsi que tous les héros anonymes, qui ont «incarné l’honneur de la France» en sauvant des milliers de juifs durant l’occupation allemande.
Le chanteur Patrick Bruel, membre du comité de soutien à la « panthéonisation » de Manouchian, ouvrira la cérémonie par la lecture de la lettre d’adieu à Mélinée, qui inspira dans les années 1950 Aragon et Léo Ferré, faisant entrer le résistant dans la légende.
« Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée, dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas, mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais« , a écrit Missak Manouchian, 37 ans.
Sur le chemin du Panthéon, le souvenir de Charles Aznavour, dont les parents cachèrent les Manouchian durant l’Occupation à Paris, sera aussi au rendez-vous avec sa chanson « Ils sont tombés ». Et des textes de Missak Manouchian seront lus.
Enfin, la chanson « L’affiche rouge » (Strophes pour se souvenir), dont le texte a été écrit par Louis Aragon, lors de l’inauguration en 1955 de la rue du Groupe-Manouchian, dans le 20ème arrondissement, et qui fut mis admirablement en musique et chanté par Léo Ferré sera reprise demain par Arthur Teboul, chanteur du groupe Feu Chatterton.