JACQUES BENDeLAC. La mise en place d’un gouvernement d’urgence à Jérusalem doit rapidement s’accompagner de mesures économiques exceptionnelles, notamment un budget d’urgence.

La guerre d’Israël contre le Hamas de Gaza sera longue et donc coûteuse ; pour y faire face dans les meilleures conditions, il devient urgent de débloquer un budget exceptionnel qui permette de prendre en charge le coût économique élevé du conflit (reconstruction et indemnisations) et pas seulement son coût militaire.

D’emblée, soyons clair ; l’argent ne manque pas en Israël pour faire face à un conflit militaire, même long et coûteux. En revanche, il ne faut pas attendre la fin du conflit pour préparer le financement de la reconstruction.

Solides réserves.

L’économie israélienne de 2023 est solide ; elle dispose de bonnes bases financières qui garantissent sa crédibilité, notamment de confortables réserves en devises d’un total de 198,6 milliards de dollars, soit l’équivalent de 38 % de son PIB annuel.

Israël dispose aussi de réserves gazières qui lui garantissent des revenus futurs importants ; ces revenus sont conservés dans un fonds souverain qui a dépassé le milliard de dollars à la mi-2023.

Quant à l’endettement extérieur du pays, il est contenu à 60 % du PIB : une proportion considérée comme raisonnable puisque la majorité des pays occidentaux ont un niveau d’endettement supérieur à 100 % de leur PIB.

Si l’argent ne manque pas, il est mal réparti. Les dépenses militaires sont relativement bien couvertes alors que le coût civil de cette guerre sera particulièrement élevé ; très vite, le gouvernement doit mettre de côté les budgets nécessaires pour y faire face.

Les grands moyens.

Sur le plan militaire, le budget israélien de la Défense est de 64 milliards de shekels en 2023 soit 16 milliards de dollars ; s’ajoute l’aide militaire américaine de 3,8 milliards de dollars par an et une aide exceptionnelle de 8 milliards annoncée par le président Biden.

Sur le plan civil, les pertes économiques, humaines et matérielles, seront élevées ; s’il est impossible pour l’instant de les évaluer, on peut estimer qu’elles seront plus élevées que celle provoquées par la seconde guerre du Liban (2006) qui avait entraîné une perte estimée à 2 % du PIB (soit 36 milliards de shekels d’aujourd’hui ou 9 milliards de dollars).

La Banque d’Israël a vite réagi en employant les grands moyens ; elle a décidé de puiser dans ses réserves et de vendre 30 milliards de dollars pour fournir des liquidités au gouvernement et encore 15 milliards de dollars qui sont à disposition pour assurer la liquidité des échanges. Des montants considérables et exceptionnels, qui représentent presque le quart de ses réserves.

Après-guerre.

Pour garantir un redémarrage de l’économie à la fin de la guerre, le gouvernement israélien doit lancer rapidement un plan de reconstruction pour réparer les dégâts matériels, compenser les pertes économiques et indemniser les pertes humaines ; sans compter les 360 000 réservistes mobilisés (8 % de la population active du pays) à qui il faudra verser un salaire pour les journées de travail perdues.

A cette fin, le gouvernement d’urgence doit débloquer dès aujourd’hui un budget d’exception, que l’on peut estimer entre 15 et 20 milliards de shekels (4-5 milliards $), et annoncer les grandes orientations de son affectation ; les Israéliens qui ont perdu tous leurs biens lors de l’attaque du Hamas doivent savoir très vite qu’ils peuvent compter sur l’aide publique pour se reconstruire.

Pour financer ces dépenses exceptionnelles, il sera inutile d’augmenter les impôts ni d’aggraver l’endettement extérieur ; le budget en cours est suffisamment large (484 milliards de shekels en 2023 et 514 milliards en 2024) et les avoirs en devises sont suffisants pour permettre au gouvernement israélien de débloquer immédiatement des réserves, quitte à reporter certaines dépenses moins urgentes.

En cas de besoin, le gouvernement ne devra pas hésiter à laisser filer le déficit budgétaire qui tourne aujourd’hui autour de 1,5 % du produit intérieur brut ; le creusement du déficit (3 ou 4 ou 5 % du PIB) n’a pas d’importance dans la mesure ou l’argent sera consacré à des dépenses productives de reconstruction et d’indemnisation des victimes.

Une guerre en Israël, aussi grave soit-elle, est toujours suivie d’un boom économique : celui-ci sera d’autant plus rapide et fort que les jalons en seront posés au plus tôt.

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à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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