Zoom Israël par Pascale Zonszain : L’Iran s’avance en mer Rouge.
C’est photos satellites à l’appui que Benny Gantz a révélé mercredi à ses homologues grec et chypriote la présence de la marine iranienne en mer Rouge. Une activité d’une ampleur que l’on n’a pas vue depuis une décennie, a confirmé le ministre israélien de la Défense, qui a exposé les images de quatre bâtiments de guerre : deux navires auxiliaires, une frégate et un navire d’opérations amphibies. Que l’Iran soit présent dans le golfe persique, et dans l’océan indien jusqu’à l’est de l’Afrique, ça n’est pas une nouveauté. En revanche qu’il fasse remonter sa marine de guerre si loin au nord est inédit, en tout cas à cette échelle. La mer Rouge est une zone vitale pour Israël, puisque c’est la seule voie d’accès vers Eilat, mais aussi à cause de son entrée sur le canal de Suez, que les navires israéliens, mais aussi toute la navigation commerciale emprunte pour rallier la Méditerranée depuis l’Asie et par où transite 25% du trafic maritime mondial. La présence de l’Iran dans cette région est donc une source de préoccupation supplémentaire, et pas seulement pour Israël, car cela peut sérieusement perturber la liberté de navigation, que ce soit l’acheminement de marchandises ou de pétrole vers l’Europe.
L’Iran n’a aucune justification à se trouver dans cette zone, sauf à menacer Israël par le sud et à défier les pays occidentaux en se donnant les moyens de bloquer par exemple l’accès au canal de Suez, voire d’attaquer des tankers ou des cargos, comme il l’a déjà fait dans d’autres régions. Ce qui lui donne un levier de plus dans les négociations avec les grandes puissances sur son programme nucléaire militaire. Mais cette présence iranienne en mer Rouge inquiète aussi les responsables de la défense israélienne qui prennent en compte la possibilité d’attaques contre des navires israéliens. Et si Benny Gantz a choisi de rendre ces informations publiques, c’est aussi pour faire savoir à Téhéran que les forces de défense israéliennes scrutent les moindres mouvements de son armée et de ses milices, y compris ceux de l’organisation des Gardiens de la Révolution. Et c’est aussi dans ce contexte que la normalisation des relations entre Israël et plusieurs Etats sunnites trouve son avantage, par la coopération de défense régionale qui se met en place. C’est notamment grâce à la normalisation, même non aboutie avec le Soudan, que l’Iran a perdu une base portuaire dans la corne de l’Afrique. Mais c’est surtout grâce à la coopération entre Israël, les Emirats, le Bahreïn et plus discrètement avec l’Arabie Saoudite, que ces nouveaux partenaires renforcent leur protection face à l’Iran. Et on comprend mieux pourquoi la rétrocession des îles du détroit de Tiran de l’Egypte à l’Arabie Saoudite intéresse au premier chef Israël, car le dispositif qui doit préserver la liberté de navigation doit être à la hauteur de l’enjeu. C’est parce qu’elle contrôlait Tiran et Sanafir, que l’Egypte de Nasser avait bloqué le détroit de Tiran en mai 1967, obligeant Israël à précipiter la guerre pour rouvrir son seul passage vers l’océan Indien. On verra à ce propos ce que les Etats-Unis ont élaboré lors de la visite la semaine prochaine de Joe Biden à Jérusalem.
Pascale Zonszain
RADIO J.