Géopolitique : le retour du pétrole.
En Europe, l’Allemagne et les Pays Bas en reviennent au charbon pour compenser la baisse des livraisons de gaz russe. Les ambitions de l’Union Européenne et des Etats-Unis en matière d’environnement et de transition énergétique sont-elles durablement compromises ?
La guerre en Ukraine continue de charrier son flot d’horreurs et de destructions, elle s’installe dans la durée, au risque de disparaître de nos écrans et de nos émotions, mais elle entraîne d’autres affrontements qui frappent directement nos modes de vie.
Niveaux record
Les hydrocarbures représentent un vrai front de guerre, le pétrole et le gaz sont des armes qu’utilisent les pays producteurs pour pousser leurs intérêts, et ils sont d’autant mieux servis que la demande mondiale, et donc les prix, ont renoué avec les niveaux record enregistrés avant la pandémie.
Vladimir Poutine le sait, qui a choisi ce moment pour envahir l’Ukraine, Mohammed Ben Salman le sait qui remplit les coffres du royaume saoudien en renâclant comme ses voisins du Golfe à augmenter sa production, Joe Biden le sait qui dans quelques jours devra lui en faire la demande en personne en Arabie Saoudite – cet état qu’il qualifiait de pariah pour avoir assassiné le journaliste Jamal Khashoggi.
Le président américain est aujourd’hui en Bavière pour participer au sommet du G7, consacré évidemment aux multiples fronts de guerre militaire, économique, alimentaire, énergétique sur lesquels les Occidentaux s’efforcent d’opérer de manière coordonnée avant de se retrouver à Madrid mercredi prochain pour le sommet de l’Otan. Comment faire face à l’augmentation des prix du pétrole et du gaz qui contribuent puissamment à la flambée de l’inflation ?
En Europe, l’Allemagne et les Pays Bas en reviennent au charbon pour compenser la baisse des livraisons de gaz russe. Les ambitions de l’Union Européenne et des Etats-Unis en matière d’environnement et de transition énergétique sont-elles durablement compromises ? Quels seront les arguments de Joe Biden pour arrimer à nouveau le Moyen Orient et Israël à la stratégie américaine ? Les exportations de pétrole russe sont en principe frappées de sanctions mais la production augmente grâce à la Chine et l’Inde. Depuis près d’un siècle, le pétrole est un puissant marqueur des rapports de force internationaux ; le nouvel ordre du monde qui se précise en ces temps de guerre en Europe ne serait déjà plus celui qu’imposaient jusqu’ici les Occidentaux ?
Avec :
Fatiha Dazi-Héni (Chercheuse en sciences politiques à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM), spécialistes des questions de sécurité dans le Golfe)
Maya Kandel (historienne des Etats-Unis, chercheuse à l’Université Sorbonne Nouvelle et responsable du programme Etats-Unis à l’Institut Montaigne)
Jacques Bendelac (économiste, chercheur en sciences sociales à Jérusalem, enseignant au Collège académique de Netanya)
Marc-Antoine Eyl-Mazzega (Directeur du Centre Energie et Climat de l’Ifri, spécialiste des échanges gaziers entre la Russie, l’Ukraine et l’Union européenne).