Le regard des Israéliens sur Tsahal.
L’Institut pour la Démocratie en Israël a commencé il y a quatre ans à s’intéresser à la façon dont les Israéliens considèrent leur armée. Sur l’essentiel de cette enquête 2021, rien de nouveau. Ils sont 80% à juger bonnes voire excellentes les capacités opérationnelles de Tsahal et presque autant à constater son comportement éthique au combat. La note se gâte en matière de parité hommes/femmes : là, le public israélien est seulement 43% à estimer que son armée respecte l’égalité des chances. Et c’est en matière de gestion que les forces de défense israéliennes reçoivent le plus mauvais score avec seulement 31% de satisfaits.
Ce qui conduit à une véritable surprise. Pour la première fois depuis que l’enquête de l’IDI a commencé, 47% des Israéliens estiment qu’il faudrait abolir le service militaire obligatoire, contre 42% qui veulent le maintenir. Jusqu’ici, les Israéliens avaient toujours été majoritaires à vouloir maintenir le service militaire obligatoire. Alors évidemment, ces chiffres sont à analyser, d’abord en termes de générations, puisque c’est chez les 18-45 ans que l’on trouve une majorité en faveur de la fin de la conscription, alors que c’est l’inverse chez les plus âgés. Et c’est la population ultra-orthodoxe qui constitue le groupe le plus opposé au service militaire obligatoire, à 80% et à l’opposé, moins d’un tiers chez les sionistes religieux.
Ces changements de perception sont aussi un reflet de l’évolution générale de la société israélienne et de ses changements démographiques. Et l’armée, en tant qu’institution, n’est pas en mesure d’absorber à la même vitesse ces évolutions. Tsahal n’a pas seulement une fonction opérationnelle de défense des frontières, c’est aussi un creuset social et un outil d’intégration. L’idée d’une armée uniquement professionnelle serait aberrante pour Israël. D’abord d’un point de vue stratégique. L’environnement sécuritaire est bien trop instable pour que le pays se permette de placer sa défense entre les seules mains de soldats de métier. Et avec une composition socio-économique très diverse, Israël doit conserver un lieu de brassage qui puisse consolider le sentiment d’appartenance nationale. Pas uniquement d’ailleurs dans le cadre militaire, mais aussi en élargissant le service national obligatoire à des domaines civils, comme les services de secours et de santé ou le travail associatif. Cela fait d’ailleurs partie des réformes à l’étude pour permettre l’intégration des jeunes du secteur arabe, et aussi bien sûr des juifs ultra-orthodoxes, pour qui l’âge d’exemption de service militaire devrait être abaissé.
Par ailleurs, Tsahal doit aussi se rapprocher de la périphérie. C’est le programme en cours du déménagement des grandes bases militaires, de la région de Tel Aviv vers le Néguev, mais qui entraine d’énormes contraintes logistiques de transport et de relogement des personnels concernés. Pourtant, c’est ce qui devrait permettre d’ouvrir aux jeunes de la périphérie les unités de technologie, comme la fameuse unité 8200 du renseignement militaire, qui est la voie royale vers le secteur du high-tech, et qui reste encore réservée aux jeunes de la région de Tel Aviv. Tsahal doit donc retrouver un équilibre entre une attractivité plus en phase avec la jeune génération israélienne, et le maintien de sa vocation d’origine : celle d’être l’armée du peuple.
Pascale Zonszain