Le parquet de Paris a ouvert une enquête sur l’espionnage de journalistes dans le cadre de l’affaire Pegasus. En Israël, on l’appelle l’affaire NSO, du nom de la société qui a développé le logiciel. Et surtout, on essaie de comprendre une réalité complexe. Les explications de Pascale Zonszain.
D’abord, comme toujours il faut relativiser et savoir de quoi on parle. La société NSO a été fondée en 2010 par Shalev Hulio, qui a réuni autour de lui la crème des geeks issus des unités de technologie et de renseignement de Tsahal, dont la fameuse unité 8200. Ensemble, ils développent une plateforme cybernétique, non pas défensive, mais offensive et inspirée des technologies déjà mises au point par l’armée israélienne.
L’idée est d’appliquer ces outils de traque et de surveillance à des fins civiles, c’est-à-dire de police et de sécurité intérieure dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité comme le trafic humain, le trafic de drogue, ou la pédophilie.
C’est donc le logiciel espion Pegasus qui permet d’aspirer toutes les données d’un téléphone et de prendre le contrôle de son micro et de sa caméra, le tout à l’insu de son détenteur et en le surveillant en temps réel.
Cette technologie est conçue pour des Etats et leurs agences gouvernementales et en aucun cas pour des acteurs privés. De plus, la société NSO entre pour Israël dans la catégorie de l’industrie de défense, autrement dit, ses exportations sont soumises à l’autorisation préalable du ministère israélien de la Défense qui contrôle les termes de la vente et son destinataire.
Car la technologie de NSO s’apparente bien à une arme, même si elle est non-conventionnelle. On comprend évidemment les risques que cette technologie soit détournée de son but initial et qu’elle soit employée à surveiller des individus ou des organisations à des fins politiques, qui n’ont rien à voir ni avec le crime, ni avec le terrorisme. C’est d’ailleurs ce dont est censé s’assurer, en premier lieu NSO, l’exportateur lui-même et ce comité du ministère de la Défense, qui comprend aussi des représentants du ministère de la Justice et des Affaires étrangères, pour couvrir l’ensemble des aspects de la transaction.
Dans le cas de NSO, son PDG et fondateur se défend de toute infraction et assure qu’il s’en tient rigoureusement au protocole requis en matière d’exportation pour ce type de technologie. On sait que NSO a de sa propre initiative annulé 5 ventes déjà conclues et repris le contrôle de sa plateforme quand la firme israélienne s’était rendu compte que ses clients avaient détourné le logiciel pour l’utiliser à des fins illégitimes. Mais comme toujours dans ce genre de transaction, il y a la règle et il y a la politique. Autoriser la vente d’une technologie à un pays non démocratique et qui ne respecte pas les droits de l’homme, alors que dans le même temps il y a des avantages stratégiques à s’en rapprocher, peut faire hésiter. Dans l’affaire de l’assassinat en 2018 du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, NSO dément en tout cas que son logiciel ait servi à traquer et repérer l’opposant au régime de Riyad.
Mais aujourd’hui, NSO préfère contre-attaquer. Pour Shalev Hulio, sur les 50.000 numéros de téléphone prétendument hackés grâce à Pegasus, seulement 12 appareils portent avec certitude des marques du logiciel espion. Ce qui explique que le Washington Post ait déjà fait un pas de côté dans l’offensive médiatique internationale contre la firme israélienne. Qui promet déjà des poursuites en diffamation.
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Pascale Zonszain