Robert Badinter au Panthéon, « grand Homme » pour l’éternité. Demain samedi nous allons publier un reportage sur la cérémonie de Jeudi 9 Octobre.
LE PARISIEN. « Vingt mois après son décès, l’artisan de l’abolition de la peine de mort en France et homme de tant d’autres combats a fait son entrée au Panthéon au terme d’une cérémonie solennelle. De nombreux anonymes étaient venus aux abords de l’édifice pour lui rendre hommage.

Robert Badinter est entré au Panthéon sous la lumière déclinante du jour, ce jeudi 9 octobre, au moment même où la façade du bâtiment s’illuminait pour laisser apparaître l’inscription « aux grands Hommes la patrie reconnaissante ».
Des applaudissements soutenus ont longuement accompagné l’arrivée dans l’édifice parisien du cercueil portant le nom de l’ancien avocat et ministre de la Justice, résonnant jusque sur les balcons de la rue Soufflot où étaient perchés de nombreux curieux.
LE PLUS. FRANCE 24. « Né dans une famille juive originaire de Bessarabie, un territoire aujourd’hui situé en Moldavie, Robert Badinter a grandi à Paris. Mais en ce début d’année 1943, il est réfugié à Lyon avec ses parents et son frère pour tenter d’échapper aux arrestations. Alors que les troupes allemandes occupent la zone libre en novembre 1942, la menace se rapproche. À Lyon, le SS Klaus Barbie prend la tête de la Gestapo et lance la chasse aux juifs.
La blessure originelle
Le 9 février 1943, Simon Badinter se rend rue Sainte- Catherine à l’Union générale des Israélites de France (UGIF), une institution créée par Vichy pour assurer la représentation des juifs auprès des pouvoirs publics. Le piège se referme alors sur le père de Robert alors qu’une dizaine d’hommes en civils pénètrent dans le bâtiment. Quatre-vingt-six personnes sont arrêtées. « Quand la mère de Robert ne voit pas son mari revenir, elle demande à son fils d’aller voir ce qu’il se passe », raconte Alain Jakubowicz, qui a été avocat des parties civiles lors du procès Barbie en 1987.
« Les nazis attendaient que les gens arrivent pour les arrêter. Robert a pénétré dans l’immeuble, mais il a réussi à s’enfuir. On ne peut pas comprendre l’homme et sa complexité sans saisir ce qu’il s’est passé ce jour-là ». Il attendra 2006 pour retourner sur les lieux, se souvient Alain Jakubowicz : « La cérémonie annuelle se fait toujours dans la rue, à l’extérieur, mais il avait voulu rentrer dans l’immeuble. Il avait monté seul les marches et mis une kippa sur la tête. Il avait eu des sortes de flashes qui tenaient de l’ordre du mystique ».
Pour Dominique Missika, co-autrice de « Robert Badinter, l’homme juste » (éditions Tallandier) cette concordance des dates est aussi particulièrement « troublante ». « Cette journée du 9 février 1943, c’est la perte. Il ne s’est jamais remis d’être un orphelin. Il a toujours cherché à se souvenir s’il avait croisé le regard de son père rue Sainte-Catherine le jour de son arrestation », décrit cette historienne, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale.
Alors âgé de 14 ans, Robert Badinter ne reverra plus jamais ce père tant aimé. Transféré au camp d’internement de Drancy, ce dernier est déporté par le convoi 53 vers le centre d’extermination de Sobibor en Pologne où il est assassiné. Traquée, la famille Badinter trouve refuge dans le village de Cognin, près de Chambéry, en Savoie. Jusqu’à la fin de la guerre, le jeune garçon y suit une scolarité normale sous le faux nom de Berthet. « Il a toujours refusé toutes les décorations, mais il avait été très fier d’être fait citoyen d’honneur de Cognin », raconte Dominique Missika. « En 1994, il y était retourné au moment du procès de Paul Touvier (NDLR : un chef de la milice qui a sévi en Savoie). Il voulait dire aux enfants de ce village que leurs grands-parents avaient été des gens bien et qu’ils ne devaient pas être confondus avec ce milicien ».
LE PLUS. https://www.rcf.fr/
Robert Badinter a, lorsqu’il était ministre de la Justice en 1981, obtenu l’abolition de la peine de mort en France. Son engagement politique symbolise la défense des droits humains, la justice fondée sur la dignité et le refus de la barbarie. Ces principes acquièrent un écho tout particulier en ce 7 octobre, date à laquelle, le conflit entre Israël et la Palestine a commencé.
Un illustre avocat au Panthéon
Denis Olivennes est chef d’entreprise, essayiste et normalien. Il est l’auteur du Dictionnaire amoureux des juifs de France, dans lequel il dessine, avec sa plume, les portraits de Juifs qui ont marqué l’histoire de notre pays. Robert Badinter ne figure pas dans cette liste, puisque l’ouvrage se focalise sur des personnalités ayant mené des actions politiques jusqu’en 1945. Pour lui, l’entrée au Panthéon de Robert Badinter incarne “l’amour particulier du génie Français, la reconnaissance de certains juifs illustres”. Il ajoute que les français sont “capables d’avoir une révérence immense pour certains de nos concitoyens”. Il estime cependant que les critères religieux ne sont pas déterminants. “Vous avez le droit d’être catholique, protestant, juif ou musulman. Comme citoyen, on efface ces différences et vous n’appartenez qu’à une seule communauté, la communauté nationale. Et la communauté nationale vous reconnaît, quelles que soient vos origines et vos différences.”
Les liens qui unissent la France et les Juifs
De nombreux événements historiques ont, au fil des siècles, tissé d’étroits liens entre la France et le peuple juif. En 1791, la France reconnaît la pleine citoyenneté aux juifs : c’est le premier pays au monde à le faire. En 1848, des juifs deviennent ministres dans un gouvernement de la République. En 1870, la nationalité française est conférée aux juifs indigènes d’Algérie. Le point culminant de cette liste pourrait bien être l’affaire Dreyfus. Denis Olivennes la qualifie de “crise de l’antisémitisme”. Finalement, Dreyfus a été innocenté et réhabilité. M. Olivennes ajoute, “la réaction des Français : Péguy, Jaurès, et Guesde après lui, Zola, va confirmer cette possibilité offerte aux Juifs d’être des citoyens égaux, sans discrimination, sans persécution.”
A la suite d’une lignée d’illustres personnages, Robert Badinter reposera désormais au Panthéon. En plus de laisser un héritage pérenne dans la politique française, ce sont les mémoires de nombreux français qu’il a marqués.
