Le prix Israël, instauré en 1953 par Ben-Zion Dinur, ministre de l’éducation, est le plus prestigieux du pays et il est décerné chaque année par un comité scientifique anonyme à des personnalités israéliennes ou à des organisations ayant marqué l’année sur le plan culturel ou scientifique.
Il a distingué, entre autres, l’écrivain Aharon Appelfeld, le philosophe Gershom Scholem, le cinéaste Amos Oz ou encore l’institut Yad Vashem.
Il devait récompenser cette année Eva Illouz, Franco-Israélienne d’origine marocaine, installée en France depuis trois ans, où elle est directrice d’études à l’EHESS, après trente années passées en Israël, mais lundi dernier, Yoav Kisch ministre de l’éducation israélien, a adressé une lettre aux membres de la commission en charge du prix pour les enjoindre à réétudier leur sélection.
« Il n’y a absolument pas lieu de décerner le prix le plus prestigieux d’Israël à quelqu’un qui, en raison d’une idéologie clairement anti-israélienne, a choisi de se tourner vers une institution (la CPI) qui n’hésite pas à déposer de fausses plaintes contre des commandants et des soldats de l’armée israélienne », se justifie-t-il, sans préciser que cette pétition a été déposée avec d’autres signataires en 2021 et que depuis le 7-Octobre, Eva Illouz a écrit de nombreux textes en défense d’Israël. Elle reste critique de la politique du gouvernement Nétanyahou, mais manifeste régulièrement son inquiétude « devant le dérapage très net entre critique de la politique israélienne et remise en question de l’existence même de l’Etat ».
Aux côtés d’autres intellectuels, elle a ainsi dénoncé récemment, dans une tribune au Monde, l’usage du mot « sioniste » comme insulte au sein de la « gauche extrême ». « Seuls les juifs qui se déclarent “antisionistes” sont désormais pardonnés d’être juifs. (…) Comment une partie de la gauche en est-elle venue à délégitimer le seul Etat juif du monde ? » Ces récentes prises de position lui ont valu, dit-elle, de perdre des amis et d’être huée à des conférences
Yoav Kisch a ajouté qu’il reviendrait sur sa position « si la professeure Illouz choisit de s’excuser publiquement, de revenir sur ses déclarations et ses actes, et d’annoncer officiellement qu’elle retire sa signature de la pétition adressée à la CPI ». L’universitaire a déclaré au journal Libération avoir appris la nouvelle uniquement par les médias, sans notification officielle.
Eva Illouz est membre du département de sociologie et d’anthropologie de l’Université hébraïque de Jérusalem et elle a été présidente de l’académie Bezalel. Elle a écrit 12 livres qui ont été traduits en 23 langues et elle a remporté plusieurs prix internationaux.
Ce n’est pas la première fois qu’un conflit émerge entre un ministre de l’Éducation et des lauréats du prix Israël. En 2021, le ministre de l’Éducation de l’époque, Yoav Gallant, avait refusé de décerner le prix au professeur de mathématiques Oded Goldreich, l’accusant de soutenir les boycotts contre Israël. La commission en charge du prix avait saisi la Cour suprême, qui avait jugé que ce dernier devait être décerné à Goldreich, comme cela avait été décidé initialement.
Le prix avait finalement été remis à Goldreich – plusieurs mois après la cérémonie officielle de remise du prix – lors d’un événement privé organisé au ministère de l’Éducation, mais la ministre qui avait succédé à Yoav Gallant, Yifat Shasha-Biton, qui s’était également opposée à la nomination de Goldreich, n’avait pas assisté à l’événement.
Source : MSN, Le Monde, Times of Israël & Israël Valley