
En les empêchant de quitter Gaza, les pays arabes et la communauté internationale commettent une injustice. Il n’y a aucune raison pour que celles et ceux qui désirent quitter cet endroit pour aller vivre ailleurs n’y soient pas autorisés. Et ils sont légion.
Depuis une vingtaine d’années, des dizaines de milliers de Palestiniens sont néanmoins parvenus à sortir et réaliser leur rêve d’un futur meilleur pour eux et leurs enfants. Certains ont obtenu des permis de sortie pour des raisons professionnelles ou encore des études à l’étranger. Des médecins conviés à un colloque, par exemple, ont emmené femmes et enfants avec eux en prétendues vacances et ne sont jamais revenus. Des étudiants ont décroché des bourses, parfois pour des travaux de recherche. Des sportifs ont été invités à des compétitions internationales. Des artistes ont pu aller participer à des festivals. Tout cela a occasionné une fuite des élites et des cerveaux.
Depuis une vingtaine d’années, des dizaines de milliers de Palestiniens sont parvenus à sortir et réaliser leur rêve d’un futur meilleur
Mais qu’en est-il de la jeunesse non qualifiée, désœuvrée, défavorisée, qui elle aussi rêve de bâtir une vie ailleurs ? Cette jeunesse connaît un chômage endémique grave qui la rend aisément manipulable.
Rejoindre les rangs des factions terroristes est parfois un calcul économique. Cela procure une source de revenus à la famille. Il est clair que la situation économique à Gaza n’offre aucune perspective d’emploi et de bien-être social pour des centaines de milliers de demandeurs d’emploi. Et donc, comme des millions d’autres jeunes de par le monde, ceux de Gaza devraient avoir le droit et la possibilité de tenter leur chance à l’étranger.
Ce droit leur étant refusé, ils ont recours à la corruption et l’évasion clandestine depuis des années. Il existe tout un commerce illégal basé en Égypte pour organiser des départs hors de Gaza. Avant le 7 octobre, quelques centaines de dollars suffisaient à soudoyer un membre du Hamas et s’assurer les services d’un passeur bédouin du Sinaï pour gagner le sol égyptien. Pour quelques centaines de dollars de plus, on pouvait atteindre la Libye et de là l’Europe. Aujourd’hui, le tarif est passé à dix mille dollars ! Il inclut des pots-de-vin à verser à des policiers, douaniers et fonctionnaires égyptiens.
Avant le 7 octobre, quelques centaines de dollars suffisaient pour gagner le sol égyptien.
Plusieurs agences basées principalement au Caire gèrent ce trafic. Il serait tout de même préférable que la frontière avec l’Égypte soit ouverte et accessible comme n’importe où ailleurs dans le monde. D’autant plus que, du point de vue historique, les habitants de Gaza ont été des citoyens égyptiens. Jérusalem a proposé plus d’une fois au Caire de lui restituer la bande de Gaza qu’Israël a dû occuper, tout comme le Sinaï, des suites de conflits militaires. Géographiquement parlant, la bande de Gaza n’est pas plus terre de Palestine que ne l’est le Sinaï.
Sur le plan culturel et humain, les pays arabes devraient leur ouvrir les bras plutôt que de leur claquer la porte au nez.
N’oublions pas que de très nombreux Gazaouis possèdent plus d’une nationalité. D’autres ont de la famille plus ou moins proche à l’étranger où réside une diaspora palestinienne aisée et bien intégrée, surtout en Amérique latine. Sur le plan culturel et humain, les pays arabes devraient leur ouvrir les bras plutôt que de leur claquer la porte au nez, à commencer par la Jordanie dont la population se définit dans sa grande majorité comme palestinienne.
Rappelons que, de même que les Gazaouis sont égyptiens, la population arabe de Judée-Samarie était jordanienne jusqu’à ce que le roi Hussein décide de les priver de leur nationalité, afin d’éviter justement un afflux de masse vers son royaume hachémite. Car c’est là l’essentiel de l’hypocrisie internationale : ce n’est pas pour leur bien que l’on verrouille les gens de Gaza dans ce mouchoir de poche surpeuplé. C’est parce que personne n’en veut. Ne parle-t-on pas aujourd’hui de « submersion migratoire » ?
Bien sûr, de nombreux résidents de la bande de Gaza tiennent à rester chez eux et sont heureux de pouvoir regagner leur quartier, même endommagé, après des mois de guerre. Bien sûr, beaucoup d’entre eux soutiennent les djihadistes. Mais pas tous. Peu importe combien il y a d’opposants au Hamas, de chrétiens et homosexuels brimés, ou encore de jeunes tout simplement désireux d’un mode de vie différent, à l’occidental. Ce qui importe, c’est le principe moral qui ne peut admettre que ces personnes soient privées de leurs droits les plus élémentaires, dont celui de la libre circulation. Ils sont aujourd’hui des dizaines de milliers à qui l’on refuse des visas et, a fortiori, des permis de séjour.
Le monde, qui se méfie d’eux, prétend s’offusquer lorsque l’on parle de les déplacer en masse pour résoudre une situation de crise.
À la place de leur liberté, le monde promet aux Gazaouis de l’argent et une splendide reconstruction, à condition qu’ils restent dans la cage où il les a enfermés. Beaucoup acceptent ce marché de dupes, préférant vivre aux crochets de la charité que de prendre leur destin en mains. Charité et bonté d’âmes qui entretiennent cette condition, ce statut de réfugié, d’assisté, que certains membres de la jeune génération rejettent aujourd’hui. Pour l’avenir de Gaza, il faudrait sans doute envisager d’en chasser à jamais les terroristes et leurs sympathisants, tous autant qu’ils sont, et faire venir à leur place des migrants ayant réellement besoin de secours humanitaires.
Nous prions pour que tous les otages détenus à Gaza depuis le 7 octobre 2023 retrouvent leur liberté. Ils sont aux mains d’horribles terroristes. Alors que ceux des Gazaouis qu’on empêche de partir sont séquestrés par un monde qui se dit bienveillant. Dans toute son hypocrisie.