Défense, économie : un pays dépendant du monde extérieur.
Israël a beau être un pays riche, c’est un petit pays, et son marché intérieur ne peut justifier la production sur place de la plupart des produits dont il a besoin, qu’il s’agisse de voitures ou du pétrole qui les alimente, d’acier pour la construction ou de smartphones. Le commerce extérieur représente 61 % de son PIB. Les substitutions d’importations mises en place, avec plus ou moins de succès, par la Russie et l’Iran, deux pays sanctionnés beaucoup plus grands, ne sont pas envisageables en Israël. Ces dix dernières années, les investissements directs étrangers ont dépassé les 4 % du PIB, ce qui est bien supérieur à la moyenne des pays membres de l’OCDE.
Le secteur des hautes technologies, moteur de la croissance économique israélienne de ces vingt dernières années et qui est devenu sa marque de fabrique, n’a pas d’avenir dans un autre cadre que celui d’une économie mondialisée. Ces trois dernières années, les capitaux étrangers représentaient les trois quarts des investissements des start-up israéliennes. Les entreprises de la tech en Israël sont entièrement tournées vers les marchés étrangers, et les plus importantes sont cotées à Wall Street.
L’industrie israélienne de l’armement a beau être très importante et très sophistiquée sur le plan technologique, elle ne pourra jamais répondre aux besoins du pays en matière d’avions de chasse, de sous-marins et de bombes. La guerre contre le Hamas à Gaza, qui nécessité des quantités énormes de munitions fournies par les États-Unis, ne fait qu’accentuer cette dépendance. Si la confrontation s’étend au Liban contre le Hezbollah, Israël aura besoin d’encore plus d’armes américaines.
Même un boycott économique ou d’armes de faible ampleur représenterait une menace sérieuse pour Israël. Mais, jusqu’à présent, cela n’a pas été le cas.
Mise au ban culturelle.
En revanche, Israël est confronté à des appels au boycott et aux sanctions sur les campus universitaires et dans les cercles artistiques et littéraires. Cependant, malgré l’importante couverture médiatique dont ils ont bénéficié, ces appels n’ont pas vraiment été entendus.
Seules 12 des institutions universitaires ont rencontré les dirigeants des mouvements étudiants propalestiniens, et écouté leurs revendications (la fin des partenariats avec les entreprises qui feraient des affaires avec le gouvernement israélien ou son armée). Mais aucune université ne s’est engagée pour l’instant de manière ferme et définitive. À moins que les manifestations ne reprennent avec la même vigueur après les vacances d’été, et que les obstacles légaux et institutionnels soient surmontés, ces demandes risquent probablement de ne jamais aboutir.
L’opinion mondiale peut bouger
En revanche, il est peu probable que les opposants d’Israël réussissent à mobiliser les consommateurs et les entreprises. L’opinion publique n’est pas hostile à Israël. Dans un sondage réalisé en mars dernier par le Pew Research Center auprès des Américains, 58 % des personnes interrogées ont déclaré qu’Israël avait des raisons valables de se battre contre le Hamas. Même quand les pertes palestiniennes ont atteint les 32 000 morts, selon les chiffres du Hamas, le nombre d’Américains qui trouvaient que la gestion de la guerre par Israël était acceptable restait supérieur à ceux qui la trouvaient inacceptable.
Mais surtout, chez les Américains de 50 ans et plus – soit la tranche d’âge la plus susceptible de siéger dans les conseils d’administration des universités ou d’occuper des postes de direction dans les entreprises –, le soutien à la guerre menée par Israël était bien plus élevé que dans l’ensemble des sondés (78 % contre 67 %)
Il est trop tôt pour dire si la réquisition d’un mandat d’arrêt va entraîner un basculement de l’opinion publique. Mais elle va certainement renforcer les sentiments propalestiniens et anti-israéliens qui existent déjà dans certaines communautés, et galvaniser leur ferveur morale.
Ce qui est possible – mais là encore il est trop tôt pour le dire –, c’est que certaines entreprises se montrent réticentes à faire des affaires avec Israël. Mais ce sont les sanctions officielles qui poseront le plus de problèmes. Les gouvernements – et surtout le gouvernement américain, avec sa capacité de se servir du dollar pour imposer sa volonté dans le monde – détiennent le pouvoir d’imposer et de faire appliquer des mesures coercitives.
Pour le moment, Israël n’a pas encore de souci à se faire. La réaction européenne à l’annonce de Khan a été mitigée mais guère enthousiaste, et l’administration Biden s’est insurgée contre ces mandats d’arrêt visant des dirigeants israéliens.
La balle est dans le camp d’Israël.
Les perspectives à plus long terme pour Israël sont moins réjouissantes. Chez les jeunes Américains âgés de 18 à 29 ans, le soutien à Israël est beaucoup plus tiède. Ils sont plus nombreux à avoir une opinion plus favorable des Palestiniens que des Israéliens. Si les jeunes conservent cette opinion en vieillissant et en accédant à des postes de pouvoir et d’influence (et en supposant que la dynamique israélo-palestinienne reste inchangée), Israël pourrait connaître des temps difficiles.
La balle est donc dans le camp d’Israël. Le pays a une chance de se racheter. Malheureusement, le gouvernement israélien actuel n’a ni la volonté ni la possibilité de le faire. Il est coincé par sa composante d’extrême droite qui définit ses priorités. Et pour l’aile ultranationaliste, l’opinion du reste du monde est complètement accessoire.
Sans changement de gouvernement, Israël va se retrouver mis au ban des nations sans même avoir essayé de l’éviter.