Philippe Collin, producteur réputé et reconnu sur France Inter depuis plus de vingt ans est également désormais romancier. Après une bande dessinée, « le voyage de Marcel Grob » et deux essais, « le Fantôme de Philippe Pétain » et « Léon Blum, une vie héroïque », il vient de publier « le barman du Ritz », son premier roman, aux éditions Albin Michel
Basé sur des faits et des personnages réels, ce roman relate la vie de Franck Meier, Chef Barman du Ritz, ancien de Verdun et petit juif ashkénaze. Il est né en Autriche et a fait ses classes à New York avant de rejoindre la capitale et de créér en 1921 le bar Hemingway du Ritz. Il est devenu l’ami des écrivains américains et a publié « l’Art du cocktail », que Philippe Collin fait rééditer en même temps que son roman.
En juin 1940, les Allemands envahissent Paris. Le propriétaire du Ritz étant suisse, donc neutre, l’établissement demeure ouvert. Frank Meier sert les plus grands, de Coco Chanel à Sacha Guitry, en passant par Marie-Louise Ritz et Claude, Blanche Auzello, mais aussi les plus hauts dignitaires allemands, dont Hermann Goering qui réside dans une suite.
La guerre percute Franck Meier de plein fouet. « Frank a 55 ans en 1939. Il est au sommet de sa gloire, c’est le plus grand barman du monde, une célébrité dans le gotha mondain », déclare Ph Collin. « Il a construit un bar qui ressemble à un monde de raffinement, de fête, d’élégance. Mais il est juif et personne ne le sait. Il doit gérer une situation. Le Ritz, c’est un modèle réduit de la France occupée. Dans ce petit théâtre, il y a tout le monde : les collaborateurs, les profiteurs, des résistants, des courtisanes».
« Si le cocktail est l’art de la rigueur et de la mesure, tenir un bar, c’est au contraire l’art du désordre ; laisser déborder la vie, jouer avec des limites, accepter parfois de les dépasser, voilà ce qui a fait le succès de Franck Meier, plus encore sans doute que ses célèbres boissons. Voilà toute son ambiguïté aussi. Un esprit discipliné aimanté par l’anticonformisme. ».
Philippe Collin a beaucoup travaillé sur ce roman: « J’ai supprimé trois cents pages de ma première version et tout réécrit pour l’alléger de toute historiographie un peu lourde, explique Philippe Collin. J’ai amassé beaucoup de savoir historique depuis trente ans, sur la Seconde Guerre mondiale et la France occupée. Je me suis dit,que j’allais proposer autre chose, une expérience immersive, collé à Frank de la première à la dernière page. C’est une histoire extraordinaire, parce qu’il y a un personnage extraordinaire et un lieu extraordinaire. Je peux le dire parce que ce n’est pas moi qui les ai inventés. »
Celui qui a fait sa maîtrise d’histoire sur l’épuration n’en a pas fini avec 39-45. « Toutes nos familles sont liées à cette période, justifie-t-il. Dans dix ans, il n’y aura plus de survivants, que fait-on de cet héritage à transmettre ? C’est presque une mission que je me suis confiée. Les fractures françaises racontent encore ce qui s’est passé à la fin des années 1930 : l’effondrement de la République, Vichy, puis la Résistance. Les racines sont là. »
Source : Le Parisien & Israël Valley