« Propagande du Hamas », Frères musulmans… Ce qu’il faut savoir de la fermeture d’Al-Jazeera en Israël
Écran noir.
Ce dimanche 5 mai, le gouvernement israélien a « décidé à l’unanimité » de « fermer en Israël » la chaîne qatarie Al-Jazeera, a annoncé le Premier ministre Benyamin Netanyahou. La chaîne, qu’il accuse d’être un « organe de propagande du Hamas », n’est désormais plus accessible sur les télévisions du pays.
La diffusion télévisée d’Al-Jazeera en Israël a été coupée par les autorités israéliennes ce dimanche 5 mai, après une décision du gouvernement de « fermer » la chaîne qatarie dans le pays et de saisir son matériel. Les chaînes en arabe et en anglais d’Al-Jazeera affichent désormais un message sur fond noir disant : « Conformément à la décision du gouvernement, la diffusion de la chaîne Al-Jazeera a été suspendue en Israël ». Les sites internet de la chaîne restaient pour l’heure accessibles via le réseau mobile israélien.
La chaîne qatarie s’est attiré les foudres du gouvernement de Benyamin Netanyahou pour sa couverture de la guerre dans la bande de Gaza. Netanyahou a accusé sur X le bureau d’Al-Jazeera en Israël de « menacer la sécurité » du pays, affirmant que son gouvernement avait « décidé à l’unanimité » de le fermer. Mais la chaîne était dans le viseur de l’administration de Benyamin Netanyahou, depuis bien avant le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre.
De son côté, le Hamas n’a pas tardé à réagir en qualifiant cette décision du gouvernement israélien de fermer la chaîne qatarie Al-Jazeera de « violation flagrante de la liberté de la presse » visant « à cacher la vérité » sur la guerre dans la bande de Gaza. Il s’agit d’« une mesure de rétorsion contre le rôle (…) que joue Al-Jazeera dans la mise en lumière des crimes » de l’armée israélienne dans la bande de Gaza et en Cisjordanie occupée, a estimé le mouvement islamiste palestinien dans un communiqué sur Telegram, dénonçant « l’apogée d’une guerre contre les journalistes de la part d’Israël ».
« Nous condamnons et dénonçons cet acte criminel d’Israël qui viole le droit humain de l’accès à l’information », a également déclaré Al-Jazeera en arabe dans un communiqué publié sur le réseau social X, à la suite de la fermeture de son bureau en Israël ce dimanche 5 mai.
« 1re chaîne d’info du monde arabe ».
Al-Jazeera a été créée à Doha en 1996 par un décret de l’ancien émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa Al-Thani. Tout en stipulant que la chaîne devait être « totalement indépendante de toute influence », le décret prévoyait un prêt gouvernemental de 150 millions de dollars (environ 140 millions d’euros) pour « sa mise en place et la couverture de ses coûts de fonctionnement pendant cinq ans ».
Le gouvernement qatari a continué toutefois à financer une partie du budget de la chaîne, soulevant parfois des questions sur son indépendance éditoriale par rapport à Doha. Al-Jazeera s’est immédiatement imposée comme un rival des géants internationaux des médias, mais sa couverture en tant que « première chaîne d’information indépendante du monde arabe » a également suscité des tensions dans la région.
La chaîne affirme qu’elle couvre 95 pays avec 70 bureaux et une équipe de 3 000 employés, et dit toucher 430 millions de foyers. Al-Jazeera qui diffusait seulement en arabe a lancé en 2006 un service en anglais, Al-Jazeera English. Le réseau comprend également une chaîne diffusant des événements en direct, Al-Jazeera Mubasher, et la chaîne AJ+, uniquement numérique et en ligne, qui s’adresse à un jeune public.
Alors qu’une vague de soulèvements populaires a balayé le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord en 2011, Al-Jazeera a été considérée comme un acteur clé dans le façonnement de l’opinion publique, ayant accordé un temps d’antenne sans précédent aux groupes d’opposition – en particulier au mouvement islamiste des Frères musulmans. La chaîne a subi alors des pressions de la part des gouvernements de toute la région. Le Caire a par exemple considéré Al-Jazeera comme un porte-parole des Frères musulmans et les autorités égyptiennes ont arrêté trois journalistes de la chaîne.
Une couverture accrue depuis le 7 octobre.
En 2017, les voisins du Qatar, au premier rang desquels l’Arabie saoudite, ont imposé un blocus diplomatique et économique de trois ans à la monarchie du Golfe. En plus d’exiger du Qatar qu’il coupe ses liens avec les Frères musulmans et le Hamas (le Qatar héberge le bureau politique du mouvement islamiste palestinien), ils ont également appelé à la fermeture d’Al-Jazeera et de toutes ses filiales. La chaîne avait qualifié ces pressions de tentative de « réduire au silence la liberté d’expression ».
Le Qatar est l’un des pays médiateurs dans la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza. Depuis le 7 octobre, Al-Jazeera diffuse en continu des reportages sur les conséquences des opérations militaires israéliennes dans le territoire palestinien. Ses émissions ont été parmi les plus suivies au Moyen-Orient, dans un contexte de désenchantement généralisé à l’égard de la couverture médiatique occidentale.