Israël peut autofinancer la guerre avec ses propres ressources et l’aide américaine. « Nous sommes à même de financer l’État d’Israël y compris dans les scénarios les plus extrêmes », estime Yali Rothenberg, Directeur en chef du ministère des finances. Leader Capital Markets, le principal conseiller fiscal du pays, estime à 48 milliards de dollars (44,66 milliards d’euros) les besoins de financement israéliens en 2023-2024, dont les États-Unis supporteraient le tiers sous forme de livraisons de matériel militaire.

Aucune pression financière ne peut donc obliger le gouvernement à changer de politique, à la différence, par exemple, du conflit entre la Russie et le Japon au début du XXe siècle qui prit fin parce que les banques françaises et anglo-saxonnes refusaient de consentir davantage de crédits aux deux belligérants à bout de souffle.

Le secteur de haute technologie, locomotive de l’économie, est lui ultra performant. Avec 14 % des emplois, il assure plus de la moitié des exportations, notamment de services. Plus de 500 multinationales sont implantés dans le pays qui abrite une bonne centaine de start-up high-tech. À terme, une partie de l’activité pourrait s’expatrier vers des cieux plus cléments, mais pour l’instant ce n’est pas le cas en dehors d’un exode plus ou moins maitrisé des cerveaux entamé avant la guerre.

Le point faible du dispositif tient peut-être aux finances publiques. Avant la guerre, le déficit budgétaire était estimé pour 2023 par The Economist Intelligence Unit à 4,6 % du PIB, un taux proche de celui de plusieurs pays membres de l’Union européenne (UE). Il pourrait passer à environ 10 %. Le coût de la guerre est estimé par le ministre des finances Bezalel Smotrich à 270 millions de dollars (251,2 millions d’euros) par semaine, entre l’entretien de près de 300 000 soldats, le coût des bombes largement utilisées par les avions de l’Israeli Air Force et souvent importées des États-Unis ou du Royaume-Uni, et de nombreux manques à gagner nés du recul de l’activité et de la consommation des ménages. Une guerre longue ou sa généralisation à tout ou partie du Proche-Orient alourdirait la facture et provoquerait des tensions inflationnistes plus vives, à moins que le gouvernement n’adopte des mesures d’austérité (hausse des impôts, baisse des aides et subventions publiques…) guère populaires, même en temps de paix.

C’est le contraire qui a été décidé dans le budget rectificatif 2023 de 13,5 milliards de dollars (12,56 milliards d’euros) adopté après le 7 octobre et financé entièrement par emprunt. Un poste de dépenses inquiète particulièrement : le nombre des Israéliens évacués des frontières sud et nord du pays où les villes et les villages ont été abandonnés sur ordre du gouvernement. Ils sont actuellement environ 150 000 hébergés dans les grands hôtels du pays désertés par les touristes, notamment sur la mer Morte et à Eilat, le grand port sur la mer Rouge. Combien de temps y resteront-ils ? Pour l’instant, le front financier tient le choc, la demande d’obligations d’État et de bons du Trésor était la dernière semaine de novembre six fois plus élevée que les demandes du Trésor.

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Jean-Pierre Sereni

Journaliste, ancien directeur du Nouvel Économiste et ex-rédacteur en chef de l’Express.

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