Les Etats du Golfe se démènent pour éviter un élargissement du conflit au Moyen-Orient, qui mettrait en péril leur sécurité et leurs ambitieux projets de réforme économique.

Leurs dirigeants ont amorcé une série de contacts diplomatiques après l’attaque sans précédent lancée par l’Iran samedi soir contre Israël, qui fait planer le spectre d’une conflagration régionale, sur fond de guerre entre l’armée israélienne et le groupe terroriste islamiste palestinien du Hamas à Gaza.

Géographiquement, ces pays se trouvent de l’autre côté du Golfe par rapport à l’Iran, ce qui les place en première ligne.

Par ailleurs, des installations militaires des Etats-Unis, alliés d’Israël, sont implantées dans les six Etats membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Poids lourds du Conseil, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont par ailleurs déjà été confrontés à des attaques contre des installations pétrolières de la part des rebelles houthis du Yémen, soutenus par l’Iran.

Contacts diplomatiques

En cas d’attaque contre l’Iran, Téhéran pourrait « être tenté de riposter contre le CCG compte tenu de sa proximité et de la multitude des cibles (potentielles qui sont) difficiles à protéger », pronostique Ali Shihabi, un analyste saoudien proche du Palais royal en Arabie saoudite.

Selon lui, « l’Iran vient d’apprendre à quel point il est difficile d’atteindre Israël à des milliers de kilomètres », contrairement aux pays du CCG, alors qu’Israël a dit avoir déjoué l’attaque iranienne comprenant 350 drones et missiles, dont la quasi-totalité a été interceptée par la défense anti-aérienne israélienne et des pays alliés.

Les pays du Golfe partagent une conviction: « les conflits sont mauvais pour les affaires et les éviter est désormais une priorité absolue », souligne Andreas Krieg, spécialiste du Moyen-Orient au King’s College de Londres.

Dimanche, le président émirati Mohammed ben Zayed al-Nahyane s’est entretenu avec l’émir du Qatar et les rois de Jordanie et de Bahreïn, selon les médias officiels, tandis que le prince héritier Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto de l’Arabie saoudite, a parlé au Premier ministre irakien.

Dans le cadre de ces contacts, le Premier ministre qatari et le ministre des Affaires étrangères saoudien ont échangé avec le chef de la diplomatie iranienne, tandis que le ministre saoudien de la Défense a eu des entretiens avec son homologue américain.

De son côté, l’émir du Qatar Tamim ben Hamad Al-Thani a discuté lundi avec le président iranien de la « nécessité de restreindre toutes les formes d’escalade et d’éviter l’extension du conflit dans la région », selon l’agence officielle qatarie.

L’enjeu est de taille pour les riches pays du Golfe, alliés de longue date des Etats-Unis: leurs coûteux plans de diversification économique, visant à assurer leur avenir post-pétrolier, reposent sur un environnement stable propice aux affaires et au tourisme.

Plus grand exportateur de brut au monde, l’Arabie saoudite a lancé un ambitieux programme de réformes, qui vise à transformer le royaume ultra-conservateur en un centre d’affaires, de tourisme et de sport

« Position très délicate ».

Sa « priorité absolue » est que « la crise ne s’aggrave pas », déclare à l’AFP Ali Shihabi.

L’Arabie saoudite veut par ailleurs tirer profit de ses liens renoués avec l’Iran après une longue rupture et de ses bonnes relations avec les Etats-Unis.

« L’Arabie saoudite usera de ses liens avec les Etats-Unis pour faire pression sur Israël pour un cessez-le-feu à Gaza et pour ne pas répondre à l’attaque iranienne » sur Israël, estime Umer Karim, chercheur en politique étrangère et politique saoudienne à l’Université de Birmingham.

Oman, proche de l’Iran, reste pour sa part un canal de médiation essentiel. Et le Qatar présente l’avantage d’abriter Al Udeid, plus grande base militaire américaine de la région, explique M. Krieg.

« Concernant le détroit d’Ormuz ou de Bab al-Mandeb, (les Omanais) disposent de réseaux plus profonds et sont probablement les médiateurs les plus efficaces », estime-t-il, en référence aux voies de navigation stratégiques du Golfe et de la mer Rouge.

Selon M. Karim, toute nouvelle détérioration de la situation ne laisserait aucun bon choix au Golfe.

« Le conflit est en train de générer progressivement un nouvel équilibre régional (…) avec Israël soutenu par les Etats-Unis d’un côté et l’Iran » et ses alliés de l’autre, estime-t-il.

Pendant ce temps, une escalade place les Etats du Golfe « dans une position très délicate car ils ne veulent se ranger d’aucun côté. Mais ils seront affectés quoi qu’il arrive. »

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