Un article de Télérama. Ilan Greilsammer, spécialiste de l’histoire du sionisme, souligne le paradoxe des tueries commises contre des communautés particulièrement opposées à la politique du gouvernement israélien.

Le 7 octobre, dans son attaque inédite contre Israël, le Hamas a commis le pire massacre de Juifs depuis la Shoah. Ce 11 octobre, 1 200 morts étaient dénombrés, dont au moins 250 au cours d’une rave party dans le désert de Néguev, au sud du pays, et plusieurs centaines d’autres dans des kibboutz de cette région proche de la bande de Gaza. Dans ces villages symboles du mouvement sioniste socialiste (kibboutz signifie « assemblée », en hébreu), les combattants palestiniens ont laissé des scènes de carnage. Le politiste franco-israélien Ilan Greilsammer, spécialiste de l’histoire du sionisme, n’est pas favorable à l’utilisation du terme « pogrom » à la suite des massacres perpétrés par le Hamas samedi 7 octobre.

Quelle est l’histoire de ces kibboutz proches de la bande de Gaza, pris pour cible par le Hamas ?

Il existe de nombreuses localités israéliennes tout le long de la bande de Gaza : des villes, mais aussi des moshav et des kibboutz. Il s’agit de communautés historiquement socialistes, les moshav sous forme agricole et les kibboutz sous forme de villages. Nombre d’entre elles ont été établies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre d’un plan de l’Agence juive nommé « les onze points du Néguev », du nom du désert au sud du territoire qui allait devenir Israël. Ces communautés assuraient une présence juive en cas de partition de la Palestine et furent fondées sur les principes d’égalité et de propriété commune des biens. Au fil des décennies, le poids idéologique et démographique des quelques 250 kibboutz a diminué et leurs aspects utopistes se sont un peu dilués.

Et leur sociologie ?
La région autour de la bande de Gaza est particulièrement verte et fertile. Ces dernières années, de nombreux jeunes parents fatigués de la ville sont venus s’installer dans ces kibboutz, tout comme des étudiants à la recherche de logements accessibles.

Malgré une privatisation progressive de ces collectivités, les services y sont bons et la vie assez paisible, malgré la menace des roquettes venues de Gaza. Environ 700 personnes vivaient à Kfar Aza et un millier à Be’eri, les deux kibboutz où ont été commis les plus grands massacres, dans un idéal de vie collective et écologiste éloigné de la politique du gouvernement israélien. Ce sont des localités toujours ancrées à gauche, qui se sont par exemple mobilisées contre la réforme de la justice portée par Benyamin Netanyahou. En s’attaquant à ces kibboutz, le Hamas est venu massacrer des Israéliens favorables à la cause palestinienne.

Assimilez-vous ces tueries à des pogroms ?
Je ne suis pas favorable à l’importation de termes hérités d’un contexte historique différent. Les pogroms furent à l’origine des tueries de Juifs en Russie, il y a plus d’un siècle. Ici en Israël, des Bédouins ont aussi été tués, des travailleurs immigrés roumains, philippins, thaïlandais, assassinés ou enlevés. Pas seulement des Juifs. Ce sont des massacres qui évoquent évidemment dans notre imaginaire les nazis et la Shoah, mais aussi les assassinats de l’État islamique.

TELERAMA. COPYRIGHTS.

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