Raphaël Jerusalmy, Ancien officier du renseignement militaire israélien. « Six mois ont passé depuis le 7 octobre. Cela offre suffisamment de recul pour juger des résultats obtenus par Israël dans sa guerre contre le Hamas, mais aussi pour juger des erreurs commises. Sur le plan tactique, l’offensive militaire menée par Tsahal est une réussite indiscutable, surtout lorsque l’on prend en compte les innombrables difficultés et obstacles auxquels l’armée israélienne a été confrontée. Mais ce succès sur le terrain suffit-il pour changer la donne et assurer la victoire ? Oui, s’il est suivi d’initiatives réfléchies au niveau politique, dans le cadre d’une stratégie d’ensemble.

Or, six mois après le début des hostilités, et malgré une insistante pression américaine, le gouvernement israélien n’est toujours pas en mesure d’exposer son plan pour l’après-guerre. Va-t-on vraiment parvenir à démanteler le Hamas ? Et même si cela arrive, comment s’assure-t-on qu’il ne pourra pas régner à nouveau sur Gaza ?

Le 7 octobre a placé tout Israël en état de choc, y compris ses dirigeants qui n’ont pas fait preuve du sang-froid que la nation était en droit d’escompter d’eux. Leur réaction à vif, impulsive, s’est révélée malavisée sur bien des points extrêmement critiques. La première chose à faire, le 8 octobre, aurait été d’instituer un gouvernement d’union nationale. Lors de toutes les guerres d’Israël, les factions politiques ont montré un front uni et solidaire, sans hésitation aucune.

Alors que le cabinet de sécurité actuel se perd en tractations et marchandages bassement politiciens, un gouvernement d’union nationale aurait eu pour avantage de réduire le pouvoir de nuisance des petits partis, particulièrement ceux de l’extrême droite qui causent à Israël des risques sécuritaires et des dommages diplomatiques dont le pays se passerait bien en ces temps d’urgence.

La classe politique israélienne, en se montrant incapable de former cette union consensuelle, tant avant le 7 octobre qu’après, enhardit l’ennemi qui voit là une faiblesse institutionnelle et des divisions dont il faut profiter.

La seconde erreur majeure a été celle des objectifs. Il aurait fallu établir un ordre de priorité clair plutôt que de laisser planer des ambiguïtés. On a mené « de front » la destruction militaire du Hamas et les tentatives de libérer les otages. Une première trêve a permis d’en libérer certains. Grâce à la pression militaire ? C’est cette même pression qui motive aujourd’hui le Hamas à garder précieusement l’atout que représentent les otages, comme assurance-vie et bouclier humain. Si l’on avait fixé comme objectif primordial la libération des otages, Tsahal n’aurait entamé son offensive terrestre que par la suite, sans être constamment freiné par la crainte de détruire des tunnels ou des positions où pourraient se trouver des otages. Entre-temps, des bombardements et incursions ponctuels et chirurgicaux auraient suffi. Et surtout des éliminations ciblées de dirigeants et commandants ennemis qui sont la seule vraie pression qui puisse les inquiéter.

Troisième point qui laisse songeur : la logique militaire classique aurait voulu que l’on lance une attaque simultanée au nord et au sud de la bande de Gaza, resserrant ensuite l’étau vers le centre, prenant ainsi l’ennemi en sandwich. Et sinon, il semble qu’il aurait été plus efficace de commencer par le sud, par Rafah, pour couper toute voie d’échappée des terroristes vers l’Égypte et bloquer l’approvisionnement clandestin en armement venu du Sinaï.

Le dernier point reste à débattre. Les responsables politiques et militaires de l’immense gaffe du 7 octobre sont-ils les plus habilités à gérer la nation et l’armée durant cette guerre ? N’auraient-ils pas dû être limogés d’office et remplacés par du « sang nouveau » ?

Une liste des erreurs est facile à établir lorsqu’on a un recul de six mois. Mais n’oublions pas l’autre face de la médaille : la bravoure sans pareille de nos troupes, la résilience et le courage de toute la population israélienne, du plus petit au plus âgé, l’héroïsme des familles des otages, des survivants des massacres, des veuves et des orphelins de guerre, des grands blessés. Depuis le 7 octobre, soldats et citoyens d’Israël ont montré l’exemple de la résilience et de l’entraide dont leurs dirigeants feraient bien de s’inspirer ».

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