Des chercheurs de l’Université de Tel-Aviv améliorent le processus de clonage naturel des plantes pour stimuler l’agriculture mondiale.

Une étude internationale réalisée sous la direction du Dr. Roy Weinstain de l’École des sciences végétales et de la sécurité alimentaire de l’Université de Tel-Aviv en collaboration avec l’Institut Volcani, a permis le développement de nouveaux composés qui améliorent considérablement le taux d’enracinement des boutures agricoles, élément essentiel de l’agriculture moderne. Selon les chercheurs, ce perfectionnement pourra contribuer à l’agriculture mondiale sous de nombreux aspects : développement de nouvelles variétés de haute qualité, baisse des prix pour les agriculteurs et les consommateurs, augmentation de la viabilité économique des plantations et adaptation des cultures aux changement des conditions climatiques.

Einat sadot roy weinstain ohad roth sela yechezkel

L’étude, réalisée en plusieurs phases sur une durée de huit ans, a été menée par le doctorant Ohad Roth de l’École des sciences végétales et de la sécurité alimentaire de l’Université de Tel-Aviv, en collaboration avec le Dr. Einat Sadot de l’Institut des sciences végétales de l’Institut Volcani. Y ont également participé le Dr. Inna Vints de l’École des sciences végétales, le Prof. Nir Ben-Tal et le Dr. Amit Kessel du Département de biochimie et de biologie moléculaire de l’UTA, Sela Yechezkel, Ori Serero, Avi Eliyahu, Pan Tzeela, Felix Shaya, le Dr. Vikas Dwivedi, le Dr. Mira Carmeli-Weissberg, et le Dr Adi Faigenboim-Doron de l’Institut Volcani, et le Prof. Joseph Riov de la Faculté d’agriculture de l’Université hébraïque de Jérusalem.

Elle a été réalisée en collaboration avec des chercheurs des États-Unis, d’Allemagne, du Danemark et d’Angleterre, et publiée dans la prestigieuse revue Nature Biotechnology.

Améliorer la nature

« La culture de nombreux arbres fruitiers ou forestiers et de plantes ornementales repose aujourd’hui sur la propagation par bouturage, c’est-à-dire la création de plantes qui sont des clones génétiques d’un spécimen possédant les caractéristiques voulues », explique le Dr. Sadot. « La multiplication végétative par bouturage est une méthode utilisée pour multiplier les plantes sans reproduction sexuée, et non par graines. Il s’agit de prélever une branche d’une plante sélectionnée pour ses propriétés (goût du fruit, résistance à la sécheresse, résistance aux maladies, etc.). Des fragments de cette branche, ou boutures, sont exposées à des conditions qui les amènent à développer des racines pour devenir des plantes indépendantes. Les nouveaux spécimens ainsi créés sont en réalité des clones, possédant le même matériel génétique que la plante mère. Les pourcentages d’enracinement varient entre les différents genres d’une même famille, les différentes espèces d’un même genre et même les différentes souches d’une même espèce. Par ailleurs, il existe des plantes agricoles importantes qui sont particulièrement difficiles à enraciner. Pour qu’une culture soit économiquement viable, son pourcentage d’enracinement doit être d’au moins 50 à 60 %, et cette donnée constitue un facteur important dans les choix des agriculteurs ».

Pour améliorer le taux d’enracinement, on expose généralement les boutures à l’auxine, une phytohormone de croissance végétale, procédé découvert il y a plus de 70 ans et qui n’a pratiquement pas changé depuis. « L’efficacité du traitement par l’auxine varie d’une plante à l’autre », explique le Dr. Weinstain. « De nombreuses cultures agricoles n’y répondent que difficilement et leur pourcentage d’enracinement reste trop faible pour que la plante soit commercialisable. Dans notre étude, nous avons cherché à augmenter l’effet de l’auxine sur les boutures. La littérature scientifique et les observations des experts dans le domaine nous ont amenés à nous poser la question : une libération lente de l’auxine dans la plante augmentera-t-elle le succès de l’enracinement des boutures ?».

Enracinement

Dans une première étape, les chercheurs ont d’abord créé une « bibliothèque » de matériaux basés sur des conjugués d’auxine synthétique, des molécules dans lesquelles l’auxine synthétique se fixe sur un autre groupe de molécules chimiques qui neutralise partiellement son activité et lui permet sa libération ralentie dans les cellules végétales. L’influence des produits a été vérifié sur des boutures d’Eucalyptus grandis, ou gommier rose, pour lequel le traitement standard à l’auxine ne provoque qu’un faible taux d’enracinement, de 10 à 15 % seulement.

6 fois plus que la méthode standard

« Lors de l’examen initial, nous avons pu identifier plusieurs composés ayant un effet positif sur le processus d’enracinement, et avons concentré nos recherches sur le plus efficace », explique Ohad Roth. « Nous avons découvert que ce composé permet à la fois une pénétration élevée dans la plante et une libération prolongée de la substance active, l’auxine synthétique, de sorte que celle-ci reste dans la plante beaucoup plus longtemps, jusqu’à une semaine et demie ». Et en effet, le traitement amélioré a augmenté le pourcentage d’enracinement des boutures d’Eucalyptus grandis à 60 %, soit jusqu’à 6 fois plus que la méthode standard.

Par la suite, pour mieux comprendre le mode d’action du nouveau composé, les chercheurs ont utilisé la plante modèle Arabidopsis thaliana. Ils ont découvert que l’auxine synthétique utilisée dans le nouveau composé est plus stable (c’est-à-dire se décompose plus lentement) dans les cellules végétales que l’auxine utilisée dans le traitement standard. De plus, les chercheurs ont identifié dans la plante une famille d’enzymes qui régulent la libération de l’auxine synthétique. En modélisant la structure et les propriétés biochimiques de ces enzymes, ils ont identifié des caractéristiques importantes de leur activité.

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Dans l’étape suivante, les chercheurs ont voulu vérifier si des enzymes similaires étaient également présentes dans d’autres plantes, permettant d’utiliser le nouveau composé également pour d’autres cultures. Ils ont découvert que cette famille d’enzymes est très ancienne et s’est préservée tout au long de l’évolution dans tous les arbres observés. À la lumière de ces résultats encourageants, ils ont commencé à tester l’efficacité des composés qu’ils avaient développés sur diverses cultures.

Transformer l’arganier en une culture agricole

L’une des principales cultures examinées est l’arganier, dont les fruits produisent l’huile d’argan. « La demande mondiale pour l’huile d’argan augmente régulièrement en raison de ses multiples usages dans l’alimentation, les médicaments et les produits cosmétiques », expliquent les chercheurs. « La source quasi exclusive de production de cette huile sont les fruits des arganiers qui poussent de manière endémique au Maroc et se multiplient par reproduction sexuée, c’est-à-dire par graines. Tous les efforts visant à transformer l’arganier en une culture agricole, pouvant se multiplier par bouturage, ont échoué, y compris les tentatives en Israël. Nous avons donc prélevé des boutures de plusieurs arganiers poussant en Israël, les avons exposées au composé que nous avons développé et avons pu produire ainsi un grand nombre de plants. En collaboration avec les kibboutzim Ketura, Beit Kama, Hatzerim et Samar, nous avons réalisé des plantations d’arganiers à partir de boutures de spécimens qui ont été enracinés à l’aide du nouveau composé, et nous étudions actuellement la possibilité de les transformer en culture agricole ».

Des résultats encourageants ont également été observés lors d’expérimentations réalisées avec des boutures de pommiers, de peupliers et d’autres variétés d’eucalyptus. Pour chacun d’eux, le taux d’enracinement obtenu a été au moins deux fois plus élevés qu’avec le traitement à l’auxine standard.

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« Au cours de notre étude, nous avons développé un composé qui améliore considérablement le taux d’enracinement des boutures agricoles », concluent les chercheurs. « Cette évolution pourrait être significative pour l’agriculture mondiale à trois égards. Tout d’abord, l’amélioration de l’efficacité de la procédure d’enracinement peut réduire considérablement le coût des plants pour les agriculteurs et, en fin de compte, des produits agricoles pour les consommateurs. Deuxièmement, grâce à la nouvelle méthode, davantage de souches de qualité pourront être développées et commercialisées, et il ne sera plus nécessaire de se rabattre sur des variétés de moindre qualité simplement parce qu’elles ont un taux d’enracinement élevé. Et enfin, la méthode permettra le développement plus efficace de nouvelles souches adaptées aux changements rapides du climat. Dans les études de suivi, nous prévoyons d’approfondir la compréhension des mécanismes d’action des nouvelles substances et de rechercher d’autres composés, peut-être encore plus efficaces, qui peuvent être utilisés pour ralentir la libération de l’auxine dans la plante ».

 

Photo du haut, de gauche à droite : le Dr. Einat sadot, le Dr. Roy Weinstain, Ohad Roth et Sela Yechezkel (crédit : Institut Volcani)

 

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