UN ARTICLE EXCEPTIONNEL. « Une lueur d’espoir au bout du cauchemar ».

Lorsqu’un groupe venu dans le cadre d’une mission de solidarité m’a demandé si les nouvelles étaient bonnes

Mardi soir, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec un groupe de dirigeants juifs venus en Israël dans le cadre d’une visite de solidarité : pour certains, c’était la première fois depuis le 7 octobre. J’ai fait en sorte de leur donner une idée de ce qu’Israël a traversé depuis les jours les plus sombres de l’histoire de notre État moderne.

En revenant sur les questions que j’aborde dans ces colonnes depuis près de six mois, je leur ai dit que l’ampleur de l’échec de la classe politique et militaire qui a permis l’invasion du Hamas et ce massacre barbare demeurait inexplicable et insondable ; que nous ne nous remettrions peut-être jamais complètement du 7 octobre et qu’alors que nos soldats et réservistes de Tsahal se battent avec intelligence pour démanteler le bras armé du Hamas à Gaza, de nombreuses divisions internes préexistantes au 7 octobre ont refait surface en Israël.

Nous avons évoqué la déformation du conflit à l’étranger — le fait que le 7 octobre a été sorti des mémoires, que les fausses déclarations du Hamas sont très relayées, y compris sur des questions aussi fondamentales que le nombre de morts ou son utilisation manifeste des hôpitaux et mosquées comme bases armées, totalement passée sous silence et enfin que l’on reproche à Israël la mort des non-combattants que le gouvernement terroriste de Gaza utilise pour protéger ses hommes armés.

Nous avons aussi un peu parlé du caractère semble-t-il inévitable de la guerre dans le Nord.

Il y a eu des moments plus légers, mais dans l’ensemble, la tonalité de la présentation et des échanges s’est avérée plutôt sombre, à l’image de la réalité et conforme au niveau d’information du groupe.

Mais à la fin, l’un d’entre eux m’a demandé de leur donner une « bonne nouvelle » –, de terminer la soirée sur une note positive et constructive, du moins le plus possible. Et je me suis surpris à m’exécuter avec une émotion qui m’a moi-même étonné.

Parce que, malgré le cauchemar du 7 octobre et de cette guerre que nous n’avons pas encore complètement gagnée, face à des armées terroristes monstrueuses à deux de nos frontières, nous luttons pour notre droit à vivre dans un contexte international toujours plus intolérant, conduit par des dirigeants défaillants et dysfonctionnels, et beaucoup de choses dans ce pays sont de nature à inspirer l’espoir.

Notre peuple est très résilient, compétent, sage et patriote – qualités que nous méritons mais dont sont dépourvus nos dirigeants actuels. Nous avons reconstruit notre ancienne patrie dans des circonstances on ne peut plus difficiles, nous avons tout misé sur l’innovation et la créativité pour la faire prospérer, et nous nous battons comme des lions pour la défendre et la remettre en sécurité depuis six mois réellement infernaux.

Les trois quarts de l’armée terroriste que nos dirigeants ont inconsciemment permis au Hamas d’établir tout à côté – et qu’Israël, pensait le Hamas, n’aurait jamais le courage d’affronter – ont été démantelés. L’armée israélienne, qui disait à qui voulait l’entendre, au début de l’offensive terrestre, qu’elle n’enverrait jamais de soldats dans les tunnels du Hamas, se bat aujourd’hui contre les hommes armés au plus profond de leurs repaires, dont elle a tardivement reconnu l’étendue et la sophistication, doublée de la nécessité de s’attaquer à l’État terroriste clandestin.

D’une manière ou d’une autre, ai-je dit, Tsahal va devoir attaquer les quatre bataillons du Hamas à Rafah, où il se pourrait bien que le barbare Yahya Sinwar et ses principaux acolytes se soient retranchés avec des otages. Israël doit démanteler le bras armé du Hamas pour qu’il ne s’en relève pas. Pour que tous les habitants de ce qu’on appelle ridiculement la « périphérie » – à 80 minutes de route de l’endroit où je me trouve, à Jérusalem – puissent reconstruire leurs maisons et leurs vies en toute sécurité. Pour dissuader d’autres ennemis. Et, oui, pour que nous, en tant que vainqueurs, puissions écrire l’histoire de cette guerre, et souligner qu’Israël a détruit une armée terroriste largement soutenue par la population de Gaza, dans le cadre d’un conflit imposé de manière meurtrière par le gouvernement d’un territoire capturé par la guerre et dont Israël s’est retiré, sans revendications.

D’une manière ou d’une autre, ce peuple remarquable qui est le nôtre et dont l’armée est composée de centaines de milliers d’individus, ai-je insisté auprès du groupe, réussit à la fois à faire la guerre et à maintenir un semblant de normalité.

Combien de temps l’économie israélienne pourra-t-elle endurer cette crise, m’a demandé l’un des membres du groupe. Je ne connais pas la réponse macro à cette question, mais je connais de manière anecdotique des soldats d’unités d’élite qui, d’une manière qui me paraît insensée, tutoient la mort dans les trous de l’enfer du Hamas à Gaza le matin tout en gérant leur startup depuis le centre d’Israël en fin d’après-midi.

Je me suis souvenu d’avoir écrit, il y a de cela quatre mois, à propos du groupe de soldats que j’avais rencontré au Moshav Netiv Haasara – littéralement à un jet de cailloux de la frontière de Gaza – et dont l’officier avait quitté son emploi de technicien à Tel Aviv pour partir au combat sans préavis ni grand temps de réflexion. Il avait appelé son ancien camarade d’armée, un soldat seul américain de Denver, qu’il avait connu il y a une quinzaine d’années. Ce dernier avait pris le premier avion pour le rejoindre, avec la bénédiction de sa femme, pourtant enceinte de leur quatrième enfant.

C’est un pays, ai-je rappelé au groupe et à moi-même mardi soir, qui n’a pas fait la chose « logique » – c’est-à-dire partir – lorsqu’il a été confronté aux attentats-suicides lors de la Seconde Intifada, mais qui s’est accroché et s’est battu. Et même si des Israéliens ont quitté le pays ces derniers mois, un grand nombre d’anciens soldats de Tsahal installés à l’étranger se sont précipités en Israël pour aider la réserve, certains sans même avoir été rappelés.

Obstinément, alors que cela fait des dizaines d’années que la situation pose problème et qu’elle est devenue ingérable, nos épouvantables dirigeants politiques continuent de s’accrocher au traitement préférentiel dont bénéficie le judaïsme orthodoxe, en vertu duquel la communauté haredi n’effectue ni service militaire ni service national, mais là aussi, ai-je prédit, il ne pourra y avoir que de bonnes nouvelles, même s’il faudra du temps pour qu’elles arrivent : les enjeux sont aujourd’hui beaucoup trop importants, l’armée israélienne est trop sollicitée, les réservistes non-haredim font l’objet d’une discrimination bien trop scandaleuse, pour que la partie de la population qui croît le plus rapidement n’assume pas sa part de responsabilité dans la protection de ce pays. Et si les dirigeants politiques haredim actuels ne reconnaissent pas la nécessité d’abandonner cette révolution anti-conscription irréligieuse, et que leurs partenaires de coalition ne mettent pas fin à ce système d’indulgences réellement inéquitable, alors d’autres dirigeants vont le faire pour parvenir à une solution.

Cela vaut pour les dirigeants politiques en général, ai-je dit au groupe : Benjamin Netanyahu, désespérément égoïste – le symbole et la principale cause de l’échec du 7 octobre, qui continue de creuser le fossé avec une administration Biden, essentielle mais plus tout à fait fiable, et de s’aliéner d’autres soutiens – anciens ou potentiels – ne sera pas capable de rassembler ce pays dans l’après-guerre. Ses moindres faits et gestes ne font que creuser nos divisions.

Se pourrait-il vraiment qu’il ait souhaité que Benny Gantz se fasse arrêter lors de son déplacement au Royaume-Uni le mois dernier ? Est-il possible qu’à l’instigation de sa femme, il ait renoncé à son principal – et plus efficace – atout en matière de diplomatie publique parce qu’avant la guerre, Eylon Levy manifestait contre les projets du gouvernement de limitation de notre indépendance judiciaire ? Apparemment, oui. Et c’est certainement Netanyahu qui a interdit à ses deux proches collaborateurs de se rendre aux États-Unis, cette semaine, pour coordonner la nécessaire opération à Rafah, comme pour punir l’administration Biden de ne pas avoir opposé son veto à l’appel au cessez-le-feu de l’ONU, alors que les seuls peuples et intérêts qu’il punit réellement sont ceux d’Israël.

De manière anecdotique, encore une fois, je me suis porté garant mardi soir. Je sais que parmi les Israéliens rappelés dans la réserve, ces derniers mois, nombreux sont ceux qui regrettent de ne pas être restés dans l’armée israélienne après leur service, au lieu de partir travailler dans des entreprises prospères, et qui se demandent si, toutes ces années, ils n’ont pas un peu contribué à alimenter la complaisance et les erreurs de jugement des milieux de la sécurité sur Gaza qui ont abouti au 7 octobre. Certains sont arrivés à la conclusion que la politique nationale est trop vitale, existentielle même, pour la laisser entre les mains de cette génération de politiciens ratés.

Il y a plus de dix ans, à l’occasion des manifestations contre le coût de la vie, quelques militants sont entrés en politique sur la scène israélienne, mais sans grand résultat. Cette fois-ci, ai-je dit, je crois qu’il y aura beaucoup plus de nouveaux visages en politique, avec un impact plus important, souhaitons-le, capables de maîtriser les deux compétences nécessaires, à savoir vaincre les machineries politiques vérolées de Netanyahu pour se faire élire et s’élever pour gouverner Israël dans le sens de l’intérêt national consensuel.

Personne ne devrait douter que c’est ce que le courant dominant israélien veut et ce dont il a besoin. C’est pourquoi le parti Kakhol lavan de Gantz ne cesse de gagner des points dans les sondages, avec son collègue Gadi Eisenkot à ses côtés : tous deux ont été chef d’État-major, Eisenkot a perdu son fils pendant la guerre lors d’une mission pour récupérer les corps d’otages et il connaît les chefs d’État et témoigne d’un engagement à l’ancienne envers le bien d’Israël.

Une dernière question posée par le groupe concernait les otages. Il ne peut y avoir de victoire pour Israël sans leur retour, ai-je soutenu, mais pas à n’importe quel prix. En effet, les deux objectifs clés de la guerre devront être atteints : le retour des otages et le démantèlement du Hamas afin qu’il ne puisse jamais renaître, les otages l’emportant dans ce double impératif.

Nous avons terminé par une brève discussion sur la vie au sein de la diaspora – l’antisémitisme dans le monde et la renaissance, après des décennies de relatif effacement, d’une réalité dans laquelle se dire juif, et plus encore sioniste, est une nouvelle fois un acte de courage. Ils voient une lueur d’espoir dans le fait que de nombreux Juifs redécouvrent et/ou réaffirment cette identité juive, et se battent d’une manière ou d’une autre – dans les médias, les manifestations, leur choix d’université et d’activisme sur le campus – pour défier et marginaliser les haineux, et faire acte de communication auprès des personnes mal informées.

Ce groupe admirable était venu en visite de solidarité, je n’ai donc pas eu besoin de les inviter à considérer Israël comme un endroit auquel ils sont liés et dont – sans oublier ses défauts, ni ignorer ses dangereux extrémistes, ni minimiser ses luttes pour survivre en tant que démocratie juive majoritaire – ils peuvent être fiers.

Je leur ai dit que ce serait merveilleux si certains d’entre eux venaient s’installer ici par choix, comme je l’ai fait il y a de cela 40 ans. J’espère et je ne veux pas croire qu’ils viendront ici faute de choix.

Israël doit être ici de toute façon, bien sûr. Bonne nouvelle ? C’est en tout cas ce que veut son peuple.

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