Ces Français qui se font une place dans la tech israélienne.

Très ouverte à l’international, la start-up nation attire nombre d’entrepreneurs venus de l’Hexagone. Mais pour ces Frenchies qui permettent une connexion vers l’Europe, il faut apprendre à travailler à l’américaine.

Il ne fait jamais bon être dans le collimateur de Paul Singer. L’Argentine ou le Pérou l’ont appris à leurs dépens lorsque le patron du fonds d’investissement Elliott Management s’est intéressé à leur dette souveraine. Vivendi et Pernod Ricard l’ont compris lorsqu’il s’est mis à jouer les activistes. Mais quand il s’intéresse à Israël, l’homme d’affaires juif américain est accueilli à bras ouverts. Depuis 2013, il a donné plus de 20 millions de dollars de sa fortune personnelle pour la création de Start-up Nation Central, une organisation à but non lucratif chargée de favoriser les développements des investissements étrangers dans le pays, notamment dans la high-tech.

Recadrage culturel

Dans ses locaux défilent des délégations de femmes et d’hommes d’affaires étrangers venus tenter l’immersion totale durant plusieurs jours dans cette start-up nation. « Nous ne sommes pas financés par l’argent public et nous ne prenons pas de rémunération, explique le professeur Eugene Kandel, PDG de l’organisation. Je demande seulement aux chefs d’entreprise de me parler de leurs problèmes et de me confier leur management pour les aider à trouver des solutions en les exposant à tout l’écosystème. » Conseiller économique de Benyamin Netanyahou entre 2009 et 2015, ce professeur d’économie est une figure du monde des affaires israélien, extrêmement connecté, très ouvert sur l’international. Parmi ses récents combats, il a obtenu que les étrangers entrant dans le pays pour travailler dans l’industrie de la hightech puissent obtenir leur visa en quelques jours, au lieu de quelques mois. Une mesure dont s’est inspiré l’écosystème français et qui attise la curiosité des groupes nationaux.

« Ces dernières années, nous avons beaucoup de succès avec les entreprises françaises, observe Eugene Kandel. On cherche à leur procurer l’effet waouh ! » Les dirigeants d’Axa, de Groupama ou du Groupe Mulliez ont ainsi succombé. Et cette immersion totale est également l’occasion d’un recadrage culturel. «

Les Français commettent plusieurs erreurs, observe Jeremie Kletzkine. Ils recherchent la création d’emplois avant la création de valeur, et c’est une façon très démodée de faire du business, car ce n’est pas compatible avec le modèle start-up. Ensuite, ils se mettent en compétition avec les autres écosystèmes, alors qu’ils devraient collaborer avec eux. »

Le banquier d’affaires Philippe Guez ne commet pas ce genre de fautes. Ce proche d’Emmanuel Macron, ancien de Rothschild et de la Deutsche Bank, a voulu « faire plus pour Israël ». En août 2017, il a créé à Tel-Aviv sa société d’investissement en capital-risque, Guez Partners, spécialisée dans les entreprises à un stade plus avancé. Le fonds de 100 millions d’euros n’investit que dans des entreprises qui gagnent de l’argent. Ticket moyen : entre 3 et 5 millions d’euros. Philippe Guez s’est entouré d’une équipe de jeunes partenaires aux profils variés.

Compatibilité entrepreneuriale

Les partenaires ont rapidement trouvé leur champ d’intervention. « Les Israéliens parlent américain, pas anglais, l’écosystème est très proche des Etats-Unis, observe Roy David. Mais l’Europe est un animal particulier, avec une culture et des langues différentes, c’est un marché que les Israéliens comprennent moins bien, car ils ne sont pas très patients. » Le fonds se positionne ainsi comme une passerelle entre l’Europe et Israël, avec de premiers investissements prometteurs.

« Il y a une compatibilité dans l’esprit d’entrepreneuriat en France et en Israël », estime Philippe Bouaziz, arrivé de Paris pour s’installer à Tel-Aviv. Entrepreneur à succès, il est le fondateur de l’entreprise de logiciels Prodware et repreneur du Haras de Bernesq, en Normandie. Il s’était plutôt mis, au départ, en mode détente, mais « en Israël, il est obligatoire de faire du business », assure-t-il. Avec son petit family office, il a commencé à investir dans des startup locales, puis a ouvert un espace, à Tel-Aviv, pour les accueillir, et a finalement créé un programme entier d’accompagnement, depuis la phase d’amorçage à celle du scaleup. « Israël a dépassé le stade de la start-up, le gouvernement veut que le pays devienne une enterprise nation », s’exclame-t-il.

Bourse israélo-européenne

Chacun écrit l’histoire à sa façon. A Jérusalem, Erel Margalit veut se positionner comme la structure incontournable dans l’écosystème d’innovation israélien. Au pied de la vieille ville, il a déployé « l’un des plus gros hubs high-tech du pays », dans un bâtiment Art déco, ancien siège de l’imprimerie nationale. Dans cette petite Station F, il a aussi installé son fonds d’investissement Jerusalem Venture Partners (JVP), doté de 1,3 milliard de dollars, « le sixième plus gros fonds du monde », assure-t-il. Bpifrance est l’un de ses investisseurs. Entrepreneur tout-terrain, ancien député de la Knesset, l’homme confesse une histoire particulière avec la France. Il trouve « compliqué d’investir en France parce que les Français ne veulent travailler qu’avec des Français », mais se souvient que la Compagnie financière Jean-Paul Elkann lui a apporté ses premiers fonds.

START-UP NATION CENTRAL(AGENCE DE DÉVELOPPEMENT, TEL-AVIV) – Cette organisation à but non lucratif développe les investissements étrangers en Israël, notamment dans le secteur high-tech.

JERUSALEM VENTURE PARTNERS(FONDS D’INVESTISSEMENT, JÉRUSALEM) – Ex-député à la Knesset, Erel Margalit a déployé « l’un des plus gros hubs high-tech du pays » dans un bâtiment Art déco. Son fonds compte Bpifrance parmi ses investisseurs.

DEVELOPERS INSTITUTE(ÉCOLE, TEL-AVIV) – Ancienne de The Family, Mégane Dreyfuss s’est associée à un autre entrepreneur d’origine française, Avner Maman, pour créer un centre de formation afin de rendre le code accessible à tous, notamment à destination des ultra-religieux. Le projet est soutenu par Jeremie Berrebi, ancien associé de Xavier Niel.

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