Après l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023, et la réplique militaire israélienne à Gaza, la plupart des cinquante-quatre chancelleries africaines sont restées silencieuses.
Si plusieurs pays ont condamné les massacres perpétrés par le parti islamiste et ses alliés, d’autres ont réaffirmé leur adhésion à la cause palestinienne.
Mais globalement, cette disparité des réactions illustre l’évolution du continent, traditionnellement attaché à la cause palestinienne, vers une normalisation.
En 1955 à la conférence de Bandung (Indonésie), dont Israël était exclu, l’accent y était mis sur la décolonisation, la lutte contre l’apartheid et l’appui aux « droits du peuple arabe de Palestine ». Le lien entre les trois causes a longtemps cimenté les positions diplomatiques.
Après les indépendances du début des années 1960, Tel-Aviv a vu dans les nouveaux régimes des partenaires potentiels. Invoquant une « communauté de souffrance », la diplomatie israélienne se tourne notamment vers l’Afrique subsaharienne. Au même moment, plusieurs accords de coopérations sont ainsi signés avec l’Éthiopie, l’Ouganda, le Zaïre (future RDC), le Kenya, le Rwanda, le Tchad et la République centrafricaine. Les kibboutzim sont alors le lieu de nombreux voyages d’études pour des ressortissants de ces pays.
Au fil du temps, la cause palestinienne s’est invitée à tous les sommets de l’Organisation de l’unité africaine puis de l’Union africaine et après la guerre d’octobre 1973, la quasi-totalité des États africains ont décidé de rompre les relations diplomatiques avec Tel-Aviv.
La position officielle de l’Union africaine suit celle de l’Organisation des Nations unies (ONU), et, après le 7 octobre 2023, le président de la Commission de l’organisation panafricaine, M. Moussa Faki Mahamat, appelle les parties à retourner à la table des négociations en vue d’une solution à deux États.
Le 27 octobre, l’Afrique a largement voté la résolution non contraignante de l’ONU en faveur d’une « trêve humanitaire » immédiate (Tunisie, Éthiopie, Soudan du Sud, Zambie et Cameroun se sont abstenus).
Mais celle-ci n’entache pas la campagne de séduction lancée par Israël depuis près de dix ans. Les échanges avec l’Afrique ne représentent certes que 1,5 % du commerce extérieur israélien (environ 1,3 milliard de dollars), dont une part importante pour l’Afrique du Sud, mais le potentiel de croissance des échanges est jugé considérable par les milieux d’affaires à Tel-Aviv, en particulier dans les secteurs technologiques et numériques (cybersécurité, e-santé, télécommunications, etc.).
Par ailleurs, des accords bilatéraux, notamment économiques ou en matière de sécurité, avec plusieurs États (Cameroun, Togo, Sénégal, Ghana, Kenya) ont certainement amoindri l’hostilité à l’égard d’Israël. Ainsi, certains partenaires de Tel-Aviv dans ces mêmes domaines (Ouganda, Rwanda, Maroc, Égypte) demeurent discrets ou soutiennent la position défendue par l’Union africaine.
Si le Maroc le partenaire le plus important d’Israël en Afrique, ce pays a appelé à mettre fin à une « escalade dangereuse » et à une « réunion d’urgence du conseil de la Ligue arabe au niveau des ministres des affaires étrangères ». Position jugée trop modérée par le Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation, qui a organisé, le 20 octobre, un rassemblement de soutien à Gaza et demandé l’annulation des accords Abraham.
Au début de l’année 2024, la question palestinienne rebondit d’une manière inattendue. Selon The Times of Israel du 3 janvier 2024, le cabinet de sécurité israélien travaillerait sur un plan de déplacement « volontaire » des Palestiniens de Gaza vers le Congo, le Rwanda ou le Tchad : « Notre problème est de trouver des pays qui sont désireux d’intégrer les Gazaouis et nous travaillons là-dessus », a déclaré M. Netanyahou. Les chancelleries africaines nient toute négociation avec Israël sur ce sujet. « Des médias évoquent, sans aucune autre forme de précision, des discussions entre le Congo et le gouvernement israélien pour l’accueil de migrants venus de Gaza, déclare le porte-parole du gouvernement de Brazzaville, M. Thierry Moungalla. Le gouvernement dément tout contact avec les autorités de ce pays sur un tel sujet. »
Source : Le Monde (résumé par Israël Valley)