Israël Valley en avait parlé au mois de mars dernier, si au Portugal, les descendants des juifs portugais expulsés il y a plus de 500 ans du territoire pouvaient obtenir la nationalité du pays, une série de scandales a conduit à un durcissement des conditions et une loi en ce sens a été votée vendredi 5 janvier.

Rappel des faits : En 2013, le Portugal s’est doté d’une loi favorisant l’obtention, par les juifs séfarades, de la nationalité portugaise. Les séfarades sont ces juifs présents depuis l’époque romaine sur le territoire ibérique, et contraints de quitter l’Espagne et le Portugal par des édits d’expulsion. D’abord en 1492 par les rois d’Espagne, puis par l’édit de 1496 du roi portugais Manuel Ier, qui pourtant avait accueilli de nombreux fugitifs d’Espagne sur son territoire.

Des raisons diplomatiques, d’alliance et de mariages royaux avaient alors dicté au roi lusitanien sa conduite. Beaucoup de juifs avaient alors pris le chemin de l’exil, certains étaient restés et s’étaient convertis au christianisme quand d’autres encore avaient choisi de vivre clandestinement leur croyance et leur culture.

Lorsqu’en 2013 le Portugal adopte sa loi de concession de la naturalisation aux descendants séfarades, l’esprit qui domine est celui du pardon demandé, de la réparation du préjudice découlant de ces expulsions ordonnées il y a 532 ans.

Cette loi de concession de la naturalisation accordait aux Communautés israélites de Porto et de Lisbonne la primeur de l’étude des dossiers de demandes de nationalité. Ces dossiers, une fois acceptés, transitaient vers le registre notarial. C’est ainsi que la Communauté israélite de Porto (CIP) – qui au fil du temps recevait l’essentiel de ces demandes – s’est retrouvé au cœur du scandale.

Le président de la CIP qui vit en Israël et son avocat qui le représente au Portugal – ce dernier n’est autre que le neveu de la députée Maria de Belém, co-auteure de la loi – ont été accusés d’enrichissements illicites. Le dossier de naturalisation coûte 250 euros versés à la CIP (et 250 supplémentaires au registre notarial). C’est en soi une bonne affaire compte tenu des milliers de dossiers déposés. Mais les soupçons pesaient sur l’attribution de dons généreux en contrepartie d’avancée de la demande. Soupçons nourris par la prospérité soudaine de la communauté de Porto, jusque-là bien modeste.

Ce sera surtout l’affaire Abramovitch qui va scandaliser l’opinion. Le richissime homme d’affaires russe, autrefois proche de Poutine et ancien président du Chelsea Football Club, a obtenu la nationalité portugaise en 2021. Mais les circonstances sont plus que douteuses : la loi prévoit qu’il faut prouver une ascendance portugaise, or les ancêtres trouvés par Abramovitch semblent n’avoir jamais existé. Ces soupçons de corruption font toujours l’objet d’une enquête au Portugal.

Toujours est-il que ces scandales et l’augmentation exponentielle des demandes de naturalisation (50 000 à 70 000 par an) ont poussé le gouvernement, qui considère que le « pardon » a largement été accordé, à envisager la fin de la loi – il avait déjà durci les conditions d’obtention par décret. Mais beaucoup ont fait valoir l’intérêt économique, notamment touristique, de juifs vivant désormais au Maroc, en Turquie, en Hollande, au Brésil et aux États-Unis, et qui viennent visiter et investir au Portugal. Le pouvoir a donc opté pour une nouvelle loi, nettement plus restrictive.

Les communautés juives seront dorénavant simples membres d’une commission de spécialistes placée sous la tutelle du ministère de la Justice. Par ailleurs, toute personne faisant l’objet de sanctions par l’ONU ou l’Union européenne sera écartée du processus. Il faudra attendre les décrets d’application pour connaître tous les méandres de ce nouveau texte. Cela prendra sans doute du temps : une nouvelle Assemblée nationale verra le jour en mars prochain.

Source : RFI International

https://www.rfi.fr/fr/europe/20240107-le-portugal-durcit-les-conditions-de-naturalisation-des-juifs-s%C3%A9farades

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