Plongé dans un conflit majeur, Israël voit son économie fléchir. Jusqu’à quel point ? La secousse a d’abord été financière, mais la rupture ne viendra pas de là : le principal indice boursier de la place de Tel-Aviv a décroché avant de se redresser pour finalement se rapprocher de sa valeur initiale. Le taux de change a suivi le même type de trajectoire. Le shekel est tombé fin octobre à son plus bas niveau face au dollar depuis plus de 14 ans, forçant la banque centrale à intervenir. Depuis, la devise israélienne s’est reprise et dépasse son niveau d’avant le début des hostilités. C’est du côté de l’offre que se situe le gros point de vulnérabilité de l’économie israélienne.
Impacts de la mobilisation.
Bien plus pénalisantes sont, en effet, les conséquences de la mobilisation de 360 000 réservistes (quasi 10 % de la population active) mais aussi de l’interdiction de séjour de 140 000 Palestiniens de Cisjordanie détenteurs d’un permis de travail, auxquels s’ajoutent le départ des travailleurs asiatiques. Or, facteur aggravant, l’économie israélienne était proche avant la guerre du plein emploi. Avec un taux de chômage à peine supérieur à 3%, moins de 140 000 Israéliens se retrouvaient sans emploi avant le conflit. En d’autres termes, le réservoir de main-d’œuvre était presque vide et les entreprises se retrouvent avec la mobilisation en pénurie aiguë de personnel. Les perturbations liées aux déplacements d’au moins 125 000 Israéliens contraints de quitter leurs domiciles dans le sud d’Israël ou au nord à la frontière du Liban accentuent ces difficultés.
Tous les secteurs sont touchés, certains plus que d’autres. Le BTP, l’agriculture sont à l’arrêt sans la main-d’œuvre palestinienne. Porté par des jeunes gens à la tête ou employés dans des « start-up », le secteur de la « tech » est également fortement entravé : entre 20 et 30% des effectifs se retrouveraient sur le front. Certaines filières doivent en outre composer avec le défaut partiel ou quasi-total de leur demande. C’est le cas du tourisme, important créateur de richesse et d’emplois. En chute de 80%, le nombre de visiteurs étrangers est quasiment tombé à ses planchers de la crise de la Covid-19.
Au-delà de cet exemple, c’est toute la demande des ménages qui est plombée par un moral en berne : peu après l’attaque du Hamas, le volume des transactions par carte de crédit a chuté de 10% et jusqu’à 20% après le début de l’opération militaire à Gaza. Certaines dépenses pourront bénéficier d’un effet report, mais pour d’autres dans les services il ne peut être que marginal. Autre courroie de transmission des dérèglements de l’offre : la hausse des prix. L’inflation, sur le point de retrouver ses valeurs standards, va se réanimer : Moody’s anticipe un rebond à 6,4% en 2024, après 4% en 2023, un coup de massue sur le pouvoir d’achat.
Les comptes publics vont basculer dans le rouge.
L’économie israélienne n’échappera donc pas à la récession fin 2023, début 2024. Quant à la suite, elle est suspendue à la durée du conflit. Il faut bien entendu compléter ce tableau par la répercussion du coût de la guerre (solde des réservistes, armements, munitions, carburants, etc.) sur les finances publiques. La facture est estimée à environ 1 milliard de shekels par jour (soit 270 millions de dollars), 6 mois de conflits représentant un coût cumulé proche de 50 milliards de dollars, soit environ 10 % du PIB.
Pour amortir ce dernier, Israël peut compter sur le soutien massif des États-Unis : 14,3 milliards de dollars d’aides d’urgence, auxquels s’ajoutent 3,8 milliards d’aides récurrentes. Cette enveloppe couvrirait plus du tiers du coût total d’un conflit s’étendant sur 6 mois. Israël dispose aussi d’importantes réserves de change et était faiblement endettée avant le conflit. Malgré ces digues, les comptes publics, à l’équilibre en 2022, vont basculer dans le rouge (entre 7 et 10% de PIB de déficit attendu), entraînant un bond de l’endettement.
Récession, dérapage des finances publiques, Israël subira inévitablement les lourdes retombées économiques de la guerre. Malgré tout, le pays a déjà fait la preuve de sa capacité à se relever. Construit comme une économie de guerre, il sait fonctionner même lors des conflits et rebondir quand ils s’achèvent.
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