La guerre entre Israël et le Hamas risque d’avoir de « graves » conséquences économiques, a averti ce mardi 24 octobre le président de la Banque mondiale, lors d’une conférence d’investisseurs à Ryad en Arabie saoudite. « Je pense que ce qui se passe en Israël et à Gaza (…) aura un grave impact sur le développement économique », a déclaré Ajay Banga. Avant d’ajouter : « Je pense que nous nous trouvons à un moment très dangereux ».
Le président de la Banque mondiale s’exprimait à l’ouverture de la conférence annuelle « Future Investment Initiative », souvent appelée le « Davos du désert ». Plus de 6.000 délégués participent à ce forum de trois jours, au cours duquel interviendront des dirigeants de grandes banques et entreprises internationales et les présidents de la Corée du Sud, du Kenya et du Rwanda, selon les organisateurs. L’innovation et la transformation économique, thèmes de cette 7e édition, ont été éclipsés par la guerre en cours entre Israël et le Hamas.
Pessimisme ambiant.
« Si ces problèmes ne sont pas résolus, cela signifiera probablement plus de terrorisme mondial, plus d’insécurité, plus de peur et moins d’espoir », a ainsi pointé Larry Fink, PDG du géant de la gestion d’actifs BlackRock. « Et quand il y a moins d’espoir, nous voyons des contractions dans nos économies ».
Même tonalité pour Jane Fraser, PDG du géant financier Citi : « Nous sommes assis ici avec en toile de fond, et je pense que nous le reconnaissons tous, les conséquences de l’attaque terroriste en Israël et les événements qui se déroulent depuis, et c’est désespérément triste. Il est donc difficile de ne pas être un peu pessimiste. »
Pas d’allusion à la guerre du côté saoudien
Yasir al-Rumayyan, patron du fonds souverain saoudien, lui, n’a fait qu’une allusion indirecte à la guerre entre Israël et le Hamas dans son intervention, et mis en garde contre les défis posés par les taux d’intérêt élevés. Il s’est cependant montré optimiste en soulignant que « même dans un environnement de taux d’intérêt élevés, nous pouvons observer une accélération de la croissance et de la productivité ».
Pour l’Arabie Saoudite, qui travaille en ce moment à diversifier son économie et ouvrir sa diplomatie, la guerre au Proche-Orient tombe mal. « Il est plus difficile d’inciter les gens à investir, à jouer au golf à Ryad ou à bronzer sur la côte de la mer Rouge lorsque la région est associée à la guerre et au terrorisme », a exprimé à ce sujet Kristin Diwan, de l’Institut des États arabes du Golfe à Washington.
Risques sur l’économie mondiale
Depuis le début du conflit, la Banque mondiale et le FMI s’interrogent sur l’impact que peut avoir un tel conflit sur une économie internationale, déjà confrontée à son rythme de croissance le plus faible depuis plusieurs décennies. Parmi les régions plus spécifiquement touchées, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Pour autant, difficile pour l’instant de déterminer précisément les impacts, a jugé Kristalina Georgieva, même si le FMI « suit de très près la situation ».
« Nous avons vu quelques réactions sur le marché pétrolier, mais il est trop tôt pour en dire plus, on voit des hausses et des baisses se succéder », a-t-elle précisé. Lors de la présentation du rapport annuel sur l’économie mondiale du FMI, son chef-économiste, Pierre-Olivier Gourinchas, avait rappelé qu’une hausse de 10 dollars des prix du pétrole, si elle était persistante, pouvait entraîner une perte de 0,15 point de pourcentage de PIB au niveau mondial.
Un impact soumis à la durée du conflit.
Dans la foulée de l’attaque du Hamas, le pétrole a bondi de cinq dollars, avant de reculer légèrement les jours suivants, le conflit n’ayant pas entraîné de défaut d’approvisionnement. Pour le FMI, Ia vraie difficulté pour l’économie mondiale est que ces nouvelles vives tensions viennent s’ajouter aux « chocs sévères » auxquels elle a déjà été confrontée depuis trois ans et qui deviennent « la nouvelle norme venant encore fragiliser un monde déjà fragilisé par une croissance faible et la fragmentation de son économie », a pointé Kristalina Georgieva.
L’impact sur l’économie mondiale dépendra surtout de la durée du conflit, ainsi que de son amplitude. Il pourrait être nettement plus marqué et immédiat pour l’économie d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, qui subissent déjà les conséquences économiques de la guerre civile au Soudan. En 2023, cette zone devraient connaître une croissance en deçà de la croissance mondiale (2% contre 3%) avant de remonter en 2024 à 3,4%, une reprise potentielle désormais en péril.
Certes, une hausse des prix du pétrole serait favorable aux pays producteurs, à l’image de l’Arabie Saoudite, qui a besoin d’un baril à au moins 80 dollars pour équilibrer son budget. Mais ailleurs l’impact sera tout autre, en particulier pour les pays déjà en difficulté, comme l’Egypte, le Liban ou la Tunisie, où les marges budgétaires sont déjà faibles et un soutien supplémentaire aux subventions au carburant quasi impossible.
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(Avec AFP)