La santé florissante de l’industrie de défense israélienne.

Les exportations israéliennes d’armement ont atteint un record de 11,5 milliards d’euros en 2022 contre 6,8 milliards en 2019 ; Israël est le 9e exportateur mondial du secteur

 

Illustration : Un missile Arrow 3 lancé depuis la base aérienne de Palmachim dans le centre d'Israël, le 10 décembre 2015. (Crédit : Ministère de la Défense)

Illustration : Un missile Arrow 3 lancé depuis la base aérienne de Palmachim dans le centre d’Israël, le 10 décembre 2015. (Crédit : Ministère de la Défense)

Elle se nourrit d’un état de conflit permanent depuis 1948 et surfe sur la course aux armements, relancée notamment par la guerre en Ukraine : l’industrie de défense israélienne jouit d’une croissance soutenue et d’une image flatteuse auprès de ses clients.

Les exportations israéliennes d’armement ont atteint un record de 11,5 milliards d’euros en 2022 contre 6,8 milliards en 2019. L’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) classe Israël comme le 9e exportateur mondial du secteur.

En août, les États-Unis ont validé la vente du système américano-israélien de défense antimissiles Arrow-3 à l’Allemagne, un contrat de 3,5 milliards de dollars présenté comme « le plus gros jamais signé » par l’Israël.

Berlin l’a intégré dans son projet, combattu par Paris, de « bouclier du ciel européen » composé de son système antiaérien Iris-T (courte portée), du Patriot américain (moyenne portée) et d’Arrow-3 (longue portée).

Développé par Israel Aerospace Industries (IAI) avec l’Américain Boeing, Arrow-3 est censé intercepter des engins – éventuellement porteurs d’ogives nucléaires – au-dessus de l’atmosphère avec une portée qui irait jusqu’à 2 400 km.

Autre contrat de prestige, la Finlande, le lendemain de son adhésion à l’Otan en avril, a annoncé convoiter le système anti-missile israélien « Fronde de David » pour 316 millions d’euros, pour contrer missiles de croisières, drones et roquettes à une distance comprise entre 40 et 300 kilomètres.

Le système de défense antimissile israélien « Fronde de David ». (Crédit : Ministère de la Défense)

« Capables et efficaces ».

Des succès largement soutenus par Washington. En 2021, le Département d’État évoquait plus de 125 milliards de dollars versés depuis la création d’Israël en 1948 dans le cadre de l’assistance militaire bilatérale. Ces programmes ont permis « la transformation des forces de défense israéliennes en une des armées les plus capables et les plus efficaces », assurait-il alors.

En février 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a douché les espoirs de paix en Europe. Israël s’est abstenu de vendre des armes à l’Ukraine.

Mais la guerre « a créé une demande pour les systèmes militaires partout dans le monde, bénéficiant à toutes les industries de défense occidentales, de même qu’à Israël », explique Uzi Rubin, expert à l’Institut de Jérusalem pour la stratégie et la sécurité (JISS) et père du programme de défense anti-missiles israélien.

Elliot Chapman, analyste Moyen-Orient et Afrique du Nord pour la société britannique de renseignement Janes, relève que 41 % des pays ciblés à l’export par Israël en 2019 étaient des pays européens.

Pour autant, ces derniers « sont plus attentifs que jamais à la conservation de leurs capacités propres », tempère-t-il. Notamment Paris, dont le président Emmanuel Macron défend avec ardeur « l’autonomie stratégique » du vieux continent.

Enjeux régionaux.

L’affrontement entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, dont le dernier avatar a tourné à la victoire éclair de Bakou, a aussi permis à Israël de s’illustrer : ses drones vendus à l’Azerbaïdjan ont démontré leur efficacité lors de leur précédent affrontement en 2020.

Le président américain de l’époque, Donald Trump, au centre, avec, de gauche à droite, le ministre des Affaires étrangères de Bahreïn, Khalid ben Ahmed al-Khalifa, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, Trump et le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis, Abdallah ben Zayed al-Nahyan, lors de la cérémonie de signature des Accords d’Abraham sur la pelouse sud de la Maison Blanche, le 15 septembre 2020, à Washington. (Crédit : Alex Brandon/AP)

La normalisation depuis 2020, sous l’impulsion des États-Unis, des relations entre Israël et les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan dans le cadre des Accords d’Abraham, a aussi largement pesé. Les ventes d’armes vers ces pays ont représenté 24 % du total des exportations en 2022.

Mais sur le long-terme, Israël, en situation de guerre quasi-permanente depuis 1948, recueille le bénéfice de sa propre situation géopolitique.

Groupe public, IAI défend ainsi sa capacité d’adaptation par la nécessité de défendre son propre territoire. « Chaque guerre apporte de nouvelles compétences, de nouvelles capacités et nous ne devons pas nous laisser surprendre », résume Boaz Levy, PDG de l’IAI.

Yuval Steinitz, patron de Rafael, l’autre mastodonte public des industries de défense israéliennes, relève pour sa part que son groupe dépense annuellement jusqu’à 5 milliards de shekels pour la recherche. « Nous avons toujours été dans une course aux armements avec nos ennemis, c’est quelque chose que nous savons gérer. »

Rubin confirme à cet égard qu’Israël exporte « des systèmes militaires développés pour sa propre défense, basés sur les leçons de ses guerres récentes et souvent déjà éprouvés au combat ».

Reste à gérer l’adéquation entre les besoins d’un tout petit pays – l’Ukraine a une superficie 30 fois supérieure – et les logiques des puissances occidentales.

« La priorité de l’industrie de défense d’Israël est de répondre avant toute chose à ses besoins stratégiques. Là où ces exigences divergent de celles de l’Europe, il est peu probable qu’elle fasse des adaptations significatives pour répondre aux marchés à l’exportation », estime Chapman.

Times of Israël

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