Natan Sharansky, ancien prisonnier de Sion et emblème du combat des Juifs de l’ex-Union soviétique, le dit et le répète : la refonte judiciaire qui est actuellement avancé par la coalition de Netanyahu n’entraînera pas la disparition de la démocratie en Israël.

COPYRIGHTS. TIMES OF ISRAEL.

« Est-ce que je suis inquiet à l’idée qu’Israël devienne une dictature comme l’Union soviétique ou comme la Russie de Poutine aujourd’hui ? Non », déclare Sharansky, ancien ministre dans des gouvernements qui étaient dirigés par Netanyahu et ancien président de l’Agence juive, au Times of Israel dans un entretien.

Si les réformes sont adoptées telles qu’elles sont présentées aujourd’hui par la coalition, « nous ne cesserons pas d’être une démocratie », explique-t-il. Il ajoute toutefois que « nous devrons nous battre de manière bien plus dure pour rétablir l’équilibre entre la Cour et la Knesset ».

« Le fait que cette réforme nous fasse passer d’un extrême à l’autre n’est pas une bonne chose », estime Sharansky. Et il fait part de son opposition à certains éléments spécifiques de la législation – soulignant que si les politiciens doivent avoir le dernier mot sur les affaires politiques, c’est le système judiciaire qui doit avoir le dernier mot sur toutes les questions liées aux droits de l’Homme.

Il rejette aussi la manière « brutale » qui caractérise l’avancée rapide des réformes au Parlement et il note que des projets de loi si déterminants et si amples auraient dû être conçus dans le cadre d’un dialogue, et bénéficier d’un large consensus.

En même temps, il critique néanmoins l’opposition pour ce qu’il considère comme une absence de volonté de négocier et pour sa croyance – erronée selon lui – qu’elle sera en mesure de déjouer la législation par des manifestations répétées. Il déclare que l’opposition doit établir les principes sur lesquels elle est prête à négocier et souligner les aspects des réformes dont elle estime qu’ils sont inacceptables, en présentant des arguments détaillés et cohérents au public, afin de rendre plus difficile au gouvernement l’adoption des lois telles qu’elles sont.

S’il devait conseiller Netanyahu, continue-t-il, il soulignerait l’impératif du consensus et il prônerait l’intervention de tous les experts concernés lors de l’étude en Commission des réformes. Il ajoute que les points de vue des spécialistes doivent être pris en compte.

Par exemple, précise-t-il, « ce que je dis, c’est qu’il faut inviter [Alan] Dershowitz et [Irwin] Cotler, », deux professeurs de droit reconnus et résolument pro-israéliens qui ont chacun fait part de leurs inquiétudes face au projet de refonte du système de la justice et soulevé certaines objections. « Il est très difficile de trouver des défenseurs plus fervents d’Israël. Invitons-les en commission pour savoir ce qu’ils pensent des réformes. Invitons des hommes d’affaires. Laissons-les nous expliquer ce qui leur semble problématique ».

Quand il lui est rappelé qu’une multitude d’experts avait déjà pris la parole devant la Commission judiciaire de la Knesset, il répond que Dershowitz et Cotler « sont des personnalités qu’il sera très difficile de passer au bulldozer ou d’ignorer ».

Sharansky rejette l’idée d’un Netanyahu qui aurait été le cerveau de la refonte judiciaire pour échapper à son procès pour corruption. « J’espère que ces réformes ne seront pas adoptées telles qu’elles sont. Mais penser que tout a été manigancé parce que Bibi Netanyahu voudrait échapper à son procès, je pense que c’est absolument injuste et que ce n’est pas la réalité ».

Mais si, d’aventure, la première phase de réforme devait être suivie d’un texte de loi qui extirperait le Premier ministre de ses déboires judiciaires, il faudrait l’arrêter à tout prix, dit-il. « S’il devait y avoir un projet de loi établissant qu’un Premier ministre ne peut pas être traduit devant les juges alors oui, je suis d’accord, il s’agirait spécifiquement d’une ‘loi Bibi Netanyahu’ et il faudrait l’arrêter parce qu’elle ne devra pas être rétroactive. Mais, selon moi, ce n’est pas ce qui est en train de se passer ici ».

Pour Netanyahu, ajoute Sharansky, « c’est un gouvernement qui pose énormément de problèmes. Netanyahu, pour la toute première fois, est à la gauche, à l’extrême gauche de son gouvernement sur les questions politiques et sur les questions de religion et d’État. Il est religieusement et politiquement à la gauche de sa coalition, qui manœuvre à droite toute. Ce qui limite excessivement sa zone de manœuvre. Ensuite, il a une si forte dépendance par rapport à ses partenaires de coalition… Je ne le dis pas de manière positive. Je considère que c’est très négatif. »

En conséquence, dit Sharansky, « on peut constater qu’il y a un certain nombre de demandes extrêmes auxquelles il n’est pas prêt à résister, comme accorder une autorité à [Bezalel] Smotrich au sein du ministère de la Défense. Comme accorder à Ben Gvir la responsabilité des enquêtes de la police, au détriment du commissaire de police. Cela change presque entièrement la donne et je ne sais pas si les gens comprennent bien à quel point c’est problématique. Je ne crois pas que Netanyahu y croit lui-même. Il accepte tout cela afin de pouvoir conserver sa coalition en un seul morceau ».

Sharansky s’est entretenu avec le Times of Israel en visioconférence, via Zoom, dimanche. Nos échanges ont été légèrement révisés à des fins de clarté.

The Times of Israel: Je pense que vous êtes quelqu’un qui comprend ce qu’est la démocratie, qui comprend combien elle est importante à un niveau très personnel, très profond. Et je sais que vous êtes un homme qui, dans le passé, a été très proche du Premier ministre Netanyahu. Partagez-vous ce sentiment d’un Israël qui se dirige tout droit vers une crise de la démocratie ? Ou pensez-vous plutôt comme Netanyahu, à savoir que les contraintes qu’il est sur le point d’imposer à la Haute-cour aideront au contraire à renforcer la démocratie ?

Natan Sharansky : Je ne crois ni l’un, ni l’autre.

Très souvent, je croise des personnes dans la rue qui me disent que je devrais, plus que tous les autres – et [l’ancien prisonnier de Sion et député du Likud] Yuli Edelstein aussi – que je devrais comprendre combien il est dangereux que nous devenions comme la Russie, qui me disent que nous sommes en train de devenir une dictature.

Et je réponds à ces gens qu’ils ne savent pas ce qu’est la Russie et qu’ils ne savent pas ce qu’est une dictature. Dans une dictature, il n’y a pas d’élections libres. Dans une dictature, il est impossible d’écrire un article ou de faire une déclaration qui signalerait un désaccord avec les autorités. Dans une dictature, les juges ne peuvent lire que les textes qui leur sont donnés par les politiciens.

Je ne crois pas que nous allions dans cette direction. Je ne le crois vraiment pas.

D’un autre côté, le fait que le gouvernement ne soit pas prêt à avoir un dialogue sérieux – qu’il dise : « Nous avons été élus et c’est donc nous qui allons prendre les décisions dorénavant » et qu’il dise que les juges ne sont pas élus [par le public et qu’il faille en conséquence limiter fortement leur sphère d’influence] – est absolument ridicule.

Alors l’une des deux parties déclare qu’elle a remporté les élections [et qu’elle peut faire tout ce qu’elle veut]. L’autre estime qu’elle n’a pas besoin d’entrer dans un dialogue sur les propositions parce qu’elle pourra les faire abandonner par le biais de manifestations, par le biais de la mobilisation, en disant que nous sommes en train de devenir une dictature et que si elle prend part à des négociations sur tel ou tel paragraphe, cela signifiera qu’elle accepte le principe d’une réforme judiciaire nécessaire. Or, elle n’accepte pas ce principe.

Je suis donc très inquiet face à l’absence de volonté de négocier des deux parties.

Je suis très inquiet face à ce paragraphe, dans le projet de loi, qui permettrait à 61 membres de la Knesset de contourner le rejet d’une loi par la Haute-cour. Si je comprends bien, cela signifiera qu’en pratique, toute décision prise par le tribunal pourra être invalidée à la Knesset. Ceux qui disent que la Knesset a plus d’importance que la Cour parce qu’elle a été élue sont tout simplement ridicules – parce que la démocratie, cela veut dire à la fois la règle de la majorité, mais aussi des droits individuels qu’aucune majorité ne peut enlever.

Ce sont les juges qui doivent être capables de garantir que les droits sont protégés. S’agissant des accords politiques, des politiques de l’État, des politiques économiques et autres, c’est la Knesset qui est responsable.

Et c’est la raison pour laquelle je crois que sur la question des droits de l’Homme, le dernier mot doit revenir aux juges et que sur la question des politiques, le dernier mot doit revenir à la Knesset.

Le débat ne devrait pas consister à déterminer s’il faut 61 ou 65 juges pour contourner la Haute-cour. La question, c’est de savoir sur quels sujets la Knesset aura le dernier mot et sur quels sujets la Haute-cour aura le dernier mot.

Après avoir écrit là-dessus un post sur Facebook, toutes les parties m’ont dit – notamment le gouvernement et le Kohelet Policy Forum – qu’en fait, elles souhaitaient négocier sur ce point. Mais malheureusement, il n’y a pas de dialogue (dans une publication parue sur Facebook le 6 février, Sharansky déplorait la polarisation sur les réformes proposées, prônant l’adoption des propositions de Herzog comme base de négociation urgente).

Je suis totalement d’accord sur le fait que les juges ne doivent pas avoir un droit de veto sur les nominations des magistrats et que le gouvernement, lui non plus, ne doit pas avoir un droit de veto.

Une fois encore, ce sont des points à négocier. Mais des pourparlers sont actuellement impossibles à lancer en raison des positionnements adoptés par les deux parties. Et bien sûr, avant tout, c’est le gouvernement qui doit montrer une volonté réelle de négocier.

Le fait qu’il n’y ait pas de négociations – cela montre que nous traversons une crise vraiment grave. Je peux vous donner de nombreuses idées sur la manière de mener des négociations mais la proposition faite par notre président était très positive, très bonne et pourtant, aucune des deux parties concernées n’a été prête à la soutenir.

Vous citez trois raisons pour lesquelles, selon vous, nous ne sommes pas en train de devenir une nouvelle Russie où il n’y a pas d’élections libres, aucun moyen de critiquer les dirigeants et où les juges doivent se contenter de dire ce qu’on leur dit de dire. Mais l’un des projets de loi avancés par Simcha Rothman à la Commission de la Justice à la Knesset impose des limites au droit d’intervention de la Haute-cour, des limites qui impliqueront qu’il n’y aura plus ni protection, ni ancrage de tous les droits fondamentaux, notamment concernant l’égalité, la liberté d’expression et l’organisation d’élections. Aujourd’hui, Rothman tourne en ridicule l’idée que les élections pourraient être annulées mais il reconnaît aussi que si ses propositions sont adoptées, les élections ne seront plus protégées. De plus, si la Cour est dans l’incapacité d’intervenir, la coalition actuelle pourrait bien changer les règles électorales de manière à ce que ce type de coalition ne perde jamais le pouvoir – en limitant le vote des Bédouins dans les villages non-reconnus ou, disons, en autorisant les Israéliens qui vivent à l’étranger de voter.

De plus, la nature du nouveau panel qui sera chargé de nommer les juges est constitué d’une telle façon que, comme vous le dites, ce sont les politiciens qui choisiront les magistrats de toute façon. Est-ce que ça ne s’apparente pas à ces magistrats qui lisent le texte qui leur a été donné ? Avec des juges choisis sur mesure par la coalition, dont la coalition aura le certitude qu’ils émettront des jugements conformes à ce qui est attendu d’eux ?

Et sur cette question du dialogue, sur l’opposition qui pense pouvoir prévenir la réforme du système judiciaire par le biais de manifestations – je ne suis pas sûr, pour ma part, que ce soit le cas. Mais est-ce qu’il n’est pas difficile d’attendre des gens qui se lancent dans un dialogue alors même que la première lecture du principal texte de loi s’est déjà déroulée parce que finalement, la coalition pourrait bien adopter cette législation à tout moment ?

Je pense que sur la question des droits de l’Homme et sur celle des droits des minorités, c’est la Cour qui doit avoir le dernier mot. C’est pour cela que ce chiffre de 61 députés est très problématique. Kohelet s’en rend compte et est prêt à négocier là-dessus.

C’est vrai que le gouvernement et que le ministre de la Justice Yariv Levin ne sont pas prêts à le négocier. Mais Levin a dit être prêt à rencontrer immédiatement [les dirigeants des partis d’opposition opposition Benny] Gantz et [Yair] Lapid. Ces derniers ont refusé. Au lieu de refuser, ils auraient dû dire : ‘Écoutez, en tant que processus de négociation, vous arrêtez l’avancée de la loi sur les 61 députés et nous pouvons de notre côté accepter que les juges n’aient pas un droit de veto sur les nominations.’ S’ils présentaient ce point précis de négociation et que le gouvernement refuse, leur positionnement en sortirait grandement renforcé. Mais à partir du moment où tout a commencé [lorsque Levin a fait part de ses propositions], l’opposition a dit : « Vous devez d’abord reconnaître que l’ensemble de ces réformes n’est pas bon et stopper le processus à la Knesset et ensuite seulement, nous commencerons à négocier ».

Je ne suis pas en train de défendre l’approche qui est celle de la coalition. Je n’aime pas la manière dont Levin et Rothman procèdent. La coalition fait comme si elle n’avait que deux semaines pour faire tous ces changements. Sans dialogue sérieux au sein des Commissions et sans dialogue public, des lois aussi importantes ne doivent pas pouvoir être adoptées.

Mais l’opposition n’a même pas fait l’effort minimal nécessaire pour se lancer dans des négociations sérieuses. Négocier sérieusement ne signifie pas pousser les hauts cris à la Commission mais plutôt, si la Commission ne vous écoute pas, de présenter ses arguments au public, de dire qu’on est prêt à trouver un compromis sur certains aspects tout en demandant un minimum d’autres choses – pour commencer les pourparlers de facto.

A la place de cela, nous avons une dirigeante d’un parti de gauche qui dit qu’elle préfère toutes ces manifestations à la nécessité de présenter des points de négociation spécifiques, parce qu’il faut tout abandonner et que si cela ne l’est pas, alors il y aura un million d’Israéliens dans les rues. Je ne pense pas, pour ma part, que cette approche soit avisée.

Et une fois encore, je pense qu’il est très dangereux que les juges ne puissent pas avoir le dernier mot sur la question des droits de l’Homme. C’est absolument essentiel.

Je ne sais pas si les élections seraient en danger. Mais dans ma publication sur Facebook, j’ai présenté plusieurs autres exemples de ce qui pourrait arriver [sur des questions où la Cour se serait interposée] – que cette coalition décide que tous ceux qui soutiennent le BDS n’auront plus le droit de voter, ou que la gauche, si elle arrive au pouvoir, déclare que tous les Israéliens qui vivent en Judée-Samarie n’ont pas le droit de vote. On ne peut donc pas laisser une Knesset de droite ou de gauche adopter une loi limitant les droits de personnes qui ont seulement des opinions différentes.

Mais on ne pourra pas trouver une solution sans négociation.

Vous pensez que l’opposition se comporte de manière absurde, contre-productive et qu’elle devrait riposter différemment. Mais le fait est qu’une majorité a pris le pouvoir et que seulement six jours plus tard, le ministre de la Justice a présenté des propositions radicales, amplifiées par d’autres propositions. Et alors que des personnalités déterminantes de la coalition affirment qu’elles sont prêtes à faire des négociations, la législation continue d’avancer et la coalition continue à répéter que même s’il y a des négociations, les projets de loi seront adoptés sans délais et très largement sous leur forme initiale.

Suis-je inquiet de ce qu’Israël devienne une dictature comme l’Union soviétique ou comme la Russie de Poutine aujourd’hui ? Non. Suis-je inquiet par le fait que des lois aussi déterminantes soient imposées de manière si rapide et si brutale ? Oui.

Mais une fois encore, le problème réel est que jusqu’à présent, aucune négociation n’a commencé. Et si le gouvernement est le premier à blâmer, l’opposition ne fait pas ne serait-ce que le minimum pour montrer qu’elle est prête à trouver un compromis, à discuter.

Après tout, la majorité écrasante des Israéliens conviennent de la nécessité de réformes. Pendant la totalité ou presque de toutes les années que j’ai pu passer en Israël, je l’ai entendu de la bouche de la droite et de la gauche.

Mais le fait qu’une réforme si importante soit imposée, sans négociations, c’est ça qui est alarmant. Je demande à certaines personnes qui m’arrêtent dans la rue : « Mais que voulez-vous exactement ?. » Très peu me répondent qu’ils veulent des négociations. Les gens me disent plutôt qu’ils veulent que ces propositions soient abandonnées.

Je reconnais que cette proposition a été présentée de manière brutale, très agressive. Je conviens également du fait que la coalition en avait en pratique le droit. Le seul moyen de s’opposer, c’est la négociation.

De mon point de vue, un contournement avec seulement 61 députés est absolument inacceptable et là, il faut qu’on en parle. Quel genre de Commission chargée de la nomination des juges est le plus acceptable . Les juges ne devraient pas avoir un droit de veto mais la coalition ne devrait pas en avoir non plus. Je n’ai entendu aucune proposition de compromis – ne serait-ce que sur ce qui ne peut pas être touché ou sur ce qui est inacceptable.

Parce que ces propositions sont trop extrêmes. Cela fait longtemps que de nombreuses personnes s’inquiètent de ce que la Haute-cour n’est pas suffisamment diversifiée et de ce qu’elle est outrageusement interventionniste…

Mais il ne s’agit pas de diversité. Il s’agit de conséquences. Du fait que les juges décident eux-mêmes qui sera le prochain magistrat, ce qui est totalement inacceptable.

Dans l’état actuel des choses, dans le panel tel qu’il est établi, les juges et les politiciens doivent s’accorder sur un candidat. Les changements qu’ils proposent offrent une majorité écrasante à la coalition. Les changements qu’ils proposent en termes de contournement des verdicts rendus par les juges signifient que si ces derniers parviennent, d’une manière ou d’une autre, à rejeter une loi, ils pourront la relégiférer – mais en définitive, ils restreignent tellement les capacités des juges en premier lieu que c’est presque inutile.

Je comprends pourquoi, du plus profond de votre âme, parce que vous êtes un démocrate et que vous aimez la justice, vous considérez qu’il faut négocier. Mais la coalition fait avancer ces législations à toute vitesse. Elle dit qu’elle veut discuter mais sans mettre en pause le processus législatif, et elle explique que le texte de loi final devra être largement similaire à ce qu’elle a d’ores et déjà proposé, et qu’il faudra qu’il soit définitivement adopté d’ici Pessah.

Je suis d’accord sur le fait qu’elle est avancée de façon brutale. Mais la question, pour ses détracteurs, est de savoir comment rendre plus difficile son adoption sous cette forme initiale. C’est en présentant des propositions de compromis. Vous n’êtes pas le gouvernement. Vous ne pouvez pas établir vos propositions et les mettre en œuvre. Que vous le vouliez ou non, une majorité d’Israéliens reconnaît qu’il faut une réforme. Une majorité reconnaît, je pense, que les juges ne doivent pas avoir un droit de veto sur les nominations des juges. Il faut donc choisir les éléments sur lesquels une majorité s’accorde et faire la différence entre ceux que vous considérez comme absolument inacceptables et ceux sur lesquels vous êtes prêts à négocier.

Je ne dis pas que le gouvernement sera d’accord. La manière dont se comportent Levin et Rothman laissent penser que cela ne sera pas le cas. Mais vous leur rendrez la tâche beaucoup plus difficile. Après tout, je suis convaincu que parmi ceux qui ont voté pour la coalition, la majorité veut le dialogue, la majorité veut que des lois d’une telle importance soient avancées avec un large consensus. On le constate dans les sondages. Je n’en ai vu qu’un seul dont les résultats laissaient entendre que les nombreuses personnes qui avaient voté pour la coalition ne le feraient pas si un scrutin devait avoir lieu aujourd’hui. Il faut rendre l’adoption de ces lois, sous leur forme initiale, plus compliquée pour le gouvernement. C’est tout ce que je dis.

Je ne suis pas en train de montrer du doigt l’opposition mais il faut dire que ces cris affirmant que ce serait la fin de la démocratie n’aident en rien. Il faut offrir une proposition de compromis. La rendre publique. Il faut dire : « C’est ce que nous demandons et là-dessus, nous sommes prêts à négocier. Il faut rendre les choses plus difficiles pour le gouvernement. On ne les rend pas difficiles simplement en organisant de grandes manifestations.

Ils viennent d’arriver au pouvoir. Ils peuvent rester au pouvoir pendant quatre ans. Mais vous avez le pouvoir de sérieusement compliquer les choses pour les membres du Likud dès lors qu’ils prendront conscience du prix politique élevé qu’ils risquent de devoir payer s’ils refusent de négocier. Le fait que Lapid ait dit au tout début – je ne sais pas ce qu’il a dit par la suite – qu’il ne poserait pas de conditions particulières parce que cela indiquerait une acceptation plus large [était une erreur]. Vous avez perdu les élections. Vous devez faire tout ce que vous pouvez depuis l’opposition. Négocier. Dites que, d’une part, vous estimez que telle ou telle clause présente un très grand danger pour les droits de l’homme, mais que, d’autre part, la majorité de la population souhaite une réforme.

Je ne pense pas que quiconque était réellement opposé à ce que les juges aient le dernier mot en matière de droits de l’homme. J’espère que la majorité comprend ce que signifient les droits de l’homme. Mais les gens sont perplexes à l’idée que des juges votent pour leurs collègues [au sein de la commission de sélection].

Il existe, à mon avis, de nombreuses façons de procéder [à la réforme judiciaire] sans donner un tel pouvoir excessif au Premier ministre et au gouvernement, surtout si l’on tient compte du fait qu’ici, j’en conviens, nous n’avons pas de système de poids et contrepoids [hormis la Haute Cour]. En Amérique, le président nomme les juges, mais il existe de nombreux freins et contrepoids, et des discussions au Sénat, etc. Et les membres du Sénat sont élus personnellement, et non choisis par les chefs de parti. Ainsi, le président ne [décide pas de tout]. Tout cela doit être expliqué.

Je ne pense pas que les gens, quel que soit leur camp, comprennent la nature des débats. Je veux dire, Levin comprend, Rothman comprend, mais nous devons l’expliquer clairement au grand public.

Quand les gens disent, nous sommes en train de perdre tous nos droits, je leur demande de m’expliquer pourquoi c’est le cas. Personne ne peut m’expliquer. Tout ce qu’ils « savent », c’est que nous sommes en train de devenir une deuxième Russie.

Le dialogue entre la coalition et l’opposition, dans les commissions de la Knesset, et même dans la presse, est brisé.

Si je devais soumettre une proposition au Premier ministre aujourd’hui, je dirais qu’il est très important, sur la base de mon expérience, que lorsqu’une commission de la Knesset adopte une loi, toutes les parties concernées soient invitées. Il y a quelques années, une loi stupide a été adoptée concernant le mouvement BDS, stipulant que toute personne qui soutient le mouvement BDS ne sera pas autorisée à entrer dans le pays. J’avais conseillé à l’époque d’appeler les personnes qui sont contre le mouvement BDS, et de parler aux émissaires de l’Agence juive sur les campus, de parler au mouvement d’étudiants Hillel, et de leur demander si cette loi les aidera dans leur lutte contre le mouvement BDS [ou si cela aura l’effet inverse]. Mais aucun de ces intervenants n’a été invité aux commissions. Personne n’a été sollicité. Et, au final, cela s’est avéré être très problématique.

La même chose vaut ici. Ce que je dis, c’est qu’il faut inviter Dershowitz et Cotler. Il est très difficile de trouver des défenseurs plus fervents d’Israël. Invitons-les en commission pour savoir ce qu’ils pensent des réformes. Invitons des hommes d’affaires. Laissons-les nous expliquer ce qui leur semble problématique.

L’opposition peut exiger que ces personnalités soient conviées. Lorsque j’étais ministre de l’Industrie et du Commerce, aucune loi sur le commerce ne pouvait être approuvée sans que tous les acteurs du secteur soient invités, ni aucune loi sur les syndicats sans que les représentants syndicaux ne soient entendus.

Si j’étais dans l’opposition, je ne commencerais pas les négociations uniquement par le biais de la presse, en disant, ok, nous sommes prêts maintenant. Vous voulez [commencer dans] 24 heures. Très bien, 24 heures. Voici nos propositions… Je tenterais également d’insister pour que telle ou telle personne respectée soit invitée aux auditions de la commission, et non juste interviewée dans les médias.

Le gouvernement est à juste titre le premier à être tenu pour responsable du fait que nous n’avons pas de dialogue normal. Mais je ne pense pas que l’opposition fasse tout ce qui est en son pouvoir à cet égard. Or, c’est le rôle de l’opposition. Le rôle de l’opposition n’est pas de faire adopter ses propres lois, mais d’empêcher autant que possible le gouvernement de se comporter de manière aussi brutale sur la place publique. Je ne suis pas sûr que des manifestations répétées, sans autre forme de dialogue, puissent résoudre le problème.

Des manifestants bloquant l’autoroute Ayalon lors d’un rassemblement anti-gouvernement, à Tel Aviv, le 25 février 2023. (Crédit : Times of Israel)

Je suis sûr que vous avez raison de constater que ni Dershowitz ni Cotler n’ont été entendus, mais il y a eu beaucoup d’experts qui ont été invités à présenter leur position et la commission a continué sur sa lancée sans aucun égards pour eux.

Mais [Dershowitz et Cotler] sont des personnalités qu’il sera très difficile de passer au bulldozer ou d’ignorer.

Pensez-vous que Netanyahu a abordé et initié ce processus en bonne foi ? Pensez-vous qu’il croit sincèrement que ce projet est bénéfique, comme il le dit, et qu’il renforce la démocratie ?

Je ne saurais le dire pour ce dossier, mais je peux dire que pendant de nombreuses années, j’ai entendu Netanyahu, et de nombreuses personnes bien avant lui, dire qu’à l’époque d’Aharon Barak, tout était devenu judicieux et que les juges se nommaient eux-mêmes. J’ai entendu de nombreuses personnes le dire, y compris celles qui s’opposent catégoriquement à cette réforme.

« J’espère que ces réformes ne seront pas adoptées telles qu’elles sont. Mais penser que tout a été manigancé parce que Bibi Netanyahu voudrait échapper à son procès, je pense que c’est absolument injuste et que ce n’est pas la réalité »

Et Netanyahu, bien sûr, bien avant son procès, il y a 15 ans, 20 ans, était un ardent défenseur des tribunaux. Il était conscient du grand respect dont jouissait la Cour suprême dans l’arène internationale, ce qui nous aide. Mais il croyait aussi, comme Dershowitz et Cotler, que certains aspects devaient être rectifiés. Le fait que cette réforme fasse passer la Cour d’un extrême à l’autre n’est pas bon.

Je ne pense pas que Netanyahu agisse de la sorte uniquement pour échapper à son procès. Même si la réforme est adoptée, et j’espère qu’elle ne le sera pas sous cette forme, imaginer que la Cour suprême sera reformée aussi rapidement pour changer la position de la Cour sur les résultats de ce procès… Il pourrait y avoir deux, trois nouveaux juges d’ici la fin du procès…

Encore une fois, J’espère que ces réformes ne seront pas adoptées telles qu’elles sont. Mais penser que tout a été manigancé parce que Bibi Netanyahu voudrait échapper à son procès, je pense que c’est absolument injuste et que ce n’est pas la réalité.

Dans le cadre des différentes législations en cours, il serait très facile de faire échapper Netanyahu à son procès.

Peut-être. Mais je ne parle pas des différentes législations. Je parle de ce [paquet de réformes] spécifique. S’il devait y avoir un projet de loi établissant qu’un Premier ministre ne peut pas être traduit devant les juges alors oui, je suis d’accord, il s’agirait spécifiquement d’une ‘loi Bibi Netanyahu’ et il faudrait l’arrêter parce qu’elle ne devra pas être rétroactive. Mais, selon moi, ce n’est pas ce qui est en train de se passer ici

En effet, il s’agit ici de propositions qui limiteraient radicalement la capacité d’intervention du tribunal, ce qui ouvrirait ensuite la porte à toutes sortes de lois qui pourraient aisément faire annuler le procès de Netanyahu.

Je conviens qu’il est très dangereux de créer une situation dans laquelle la Cour suprême n’a pas voix au chapitre. Il faut la contester immédiatement, et dire qu’il y a des éléments sur lesquels nous sommes prêts à négocier, mais nous ne sommes pas prêts à accepter que le Premier ministre ou la coalition nomme les juges. Ça, c’est certain. Ni qu’ils invalident toutes les décisions de la Cour suprême. Ce sont des éléments qui doivent être pris en compte dans le cadre de cette législation [réforme actuelle] – à savoir qu’il y a des éléments sur lesquels nous sommes prêts à faire des compromis, mais nous ne sommes pas prêts à faire des compromis sur ces deux points.

J’aimerais revenir à la question de savoir si Netanyahu est de bonne foi. Vous indiquez que cela fait longtemps que vous l’entendez soutenir les réformes. Mais vous dites également que les propositions qui ont été présentées par son ministre de la Justice passent d’un extrême à l’autre. Alors pourquoi Netanyahu initie-t-il, défend-il et fait-il avancer ce changement radical vers l’autre extrême ?

C’est un gouvernement qui pose énormément de problèmes. Netanyahu, pour la toute première fois, est à la gauche, à l’extrême gauche de son gouvernement sur les questions politiques et sur les questions de religion et d’État. Il est religieusement et politiquement à la gauche de sa coalition, qui reste à droite toute. Ce qui limite excessivement sa zone de manœuvre. Ensuite, il a une si forte dépendance par rapport à ses partenaires de coalition… Je ne le dis pas de manière positive. Je considère que c’est très négatif.

On peut constater qu’il y a un certain nombre de demandes extrêmes auxquelles il n’est pas prêt à résister, comme accorder une autorité à [Bezalel] Smotrich au sein du ministère de la Défense. Comme accorder à Ben Gvir la responsabilité des enquêtes de la police, au détriment du commissaire de police. Cela change presque entièrement la donne et je ne sais pas si les gens comprennent bien à quel point c’est problématique. Je ne crois pas que Netanyahu y croit lui-même. Il accepte tout cela afin de pouvoir conserver sa coalition en un seul morceau.

Levin, lui, avait déjà préparé tout cela à l’avance. Je n’ai pas parlé à Netanyahu depuis longtemps. Je ne sais pas s’il est entièrement d’accord avec Levin, ce dont je doute, ou s’il a simplement peur de trop mettre à mal ce gouvernement.

Le Netanyahu que je connais souhaiterait ardemment un consensus plus large. Des positions comme une annulation avec juste 61 parlementaires, je ne pense pas qu’idéologiquement il y croit. Pourquoi n’intervient-il pas ? Pourquoi les laisse-t-il les choses aller si loin ? Je pense que c’est lié à ces deux raisons : Il ne veut pas saboter cette coalition à ses débuts, et peut-être il a changé d’avis. Peut-être il croit vraiment que la réforme doive être moins radical, mais pense que pour arriver à ce qu’il veut, il doit d’abord frôler [initialement] les limites. Peut-être que tout cela a pour seul but d’entamer les négociations au tout dernier moment et d’ainsi arriver à un compromis très avantageux pour lui plutôt qu’un mauvais compromis. C’est une possibilité.

Je veux espérer qu’il reste convaincu, comme par le passé, qu’une décision aussi importante ne peut être prise de manière aussi brutale, mais je ne sais pas.

Si le projet de loi était adopté tel qu’il le prévoit, vous ne craignez toujours pas que ce pays devienne très différent de l’Israël que nous connaissons et que son caractère démocratique soit fortement ébranlé ?

Si la réforme devait être adoptée telle quelle, et j’espère que cela ne sera pas le cas, il est clair que certains des éléments qui la composent auraient dû être modifiés depuis longtemps. Et il y a un risque très sérieux que la Cour suprême perde son autorité sur les questions de droits de l’homme.

Mais je pense que nous disposerions encore des moyens de lutter, de corriger, de réparer, moyens qui n’existent pas dans une dictature. C’est pourquoi cette conclusion, selon laquelle si ce [paquet] est adopté, nous cesserions d’être une démocratie, est erronée. Nous ne cesserions pas d’être une démocratie. Mais oui, nous devrons nous battre de manière plus acharnée afin de rétablir un équilibre entre la Cour et la Knesset.

Times of Israël

Partager :