Le mouvement de protestation actuel avait été dessiné dans les détails par Ehud Barak en 2020

Une vidéo d’une conférence tenue par Ehud Barak en 2020 met en lumière le mouvement de protestation actuelle sous un angle qui interpelle.

A l’époque l’ancien Premier ministre s’exprime devant un forum de réservistes de l’armée de l’air: le forum 555. Ce forum, créé en 2020, a commencé ses activités par l’envoi d’une lettre au Président de l’époque, Reuven Rivlin, lui demandant de ne pas donner le mandat pour former le gouvernement à Netanyahou. Notons que la plupart des noms qui figuraient sur cette lettre sont ceux qui appellent au refus de servir aujourd’hui.

Nous sommes donc en juillet 2020 et ce forum organise une vidéo conférence avec comme invité d’honneur, l’ancien Chef d’Etat-majot et ancien Premier ministre, Ehud Barak. Parmi les auditeurs, des membres du forum 555 mais aussi des personnalités qui sont aujourd’hui à la tête du mouvement de protestation: Shikma Bressler, Orly Lev, Amir Haskel, Ishay Hadas ou encore le dénommé Costa Black.

Ehud Barak déroule devant eux sa théorie pour parvenir à faire tomber Netanyahou. Rappelons qu’à l’époque, il n’y aucune réforme judiciaire en vue. Le vocabulaire employé est absolument identique à celui qui est utilisé aujourd’hui par les organisateurs des manifestations contre la réforme judiciaire, qui, il s’avère, ne devient qu’un prétexte pour mettre en oeuvre un plan dont les contours ont été dessinés, il y a trois ans.

 

Dans son intervention, Ehud Barak affirme que Netanyahou veut procéder à un renversement de régime et instaurer une dictature. A l’époque, il estime qu’il le fait ”sous couvert de la crise du Corona”.

”La principale occupation de Netanyahou aujourd’hui est de terminer le processus de renversement de régime”, déclare Barak, ”et de s’assurer que la Knesset est bien morte tout en diffamant le système judiciaire”.

Barak résume: ”La première chose est donc une direction corrompue avec un chef qui n’a aucune limite qui s’efforce de détruire la démocratie et de créer ici une démoctaturat, comme je l’appelle. Comme en Hongrie, en Pologne: cela ressemble à une démocratie mais dans les faits, les trois pouvoirs ne sont plus séparés”.

 

Ehud Barak exprime son souhait de voir les manifestations qui se déroulaient déjà à l’époque dans le centre du pays et rue Balfour à Jérusalem, prendre de l’ampleur, gagner des villes comme Beer Sheva et Kiryat Shmona. Il suggère d’amener des nouvelles personnes et de mettre une femme à la tête du mouvement.

Dans cette intervention, Barak parle déjà de rebellion civile, à laquelle il appelle sans cesse ces dernières semaines. Il cite un ouvrage de Max Weber qui explique quand la désobéissance civile est possible ”même face à un gouvernant totalitaire” et quand il convient de la déclencher.

Puis il affirme: ”La chute de Bibi sera un pas important, c’est pour cela que nous devons continuer à agir dans ce sens”. Et il explique comment: ”Nous devons parler avec les Russes (israéliens d’origine russe, ndlr), les séfarades, les gens de la périphérie”. Il explique doctement que la ligne qui doit être présentée n’est pas celle de gauche/droite mais de pour la démocratie ou contre la démocratie: ”C’est une meilleure défintion, c’est une meilleure ligne de partage. Quand on vous demande ce que vous êtes, vous dites: ‘je suis démocrate. Et toi? Tu n’es pas démocrate?’ Le soutien ou l’opposition à la démocratie sont des notions beaucoup plus profondes. Nous devons être guidés par quatre principes: la sécurité avant tout, l’intégrité du peuple avant celle de la terre, la Déclaration d’Indépendance est la constitution de facto de l’Etat d’Israël (concept martelé par Yaïr Lapid ces derniers mois et par tous les manifestants, ndlr) et enfin les succès de l’Etat sont ceux des citoyens et non ceux de Netanyahou”.

Puis il décrit: ”Plus la police réprime les manifestations plus elles se renforcent. C’est ce qu’écrit Max Weber, là où l’armée tire sur les citoyens, et chez nous c’est même pour beaucoup moins que ça, le pouvoir s’effondre. La violence policière ne fait que renforcer la protestation”.

 

L’un des organisateurs de la conférence lui demande: ”Beaucoup pensent que vous êtes le seul dont Bibi a peur. Quelle est la probabilité pour que vous essayiez de réitérer votre victoire de 1999?”.

Barak répond: ”Comme vous le savez je ne péche pas par excès d’humilité. Je peux donc vous dire qu’objectivement, si, à Dieu ne plaise, Bibi disparaissait un jour la semaine prochaine et qu’il existe un risque de détérioration de la situation face au Hezbollah ou aux Iraniens et que la crise socio-économique se poursuit, alors objectivement, je suis la personne la plus adaptée et la mieux préparée pour prendre les commandes dans le pays”.

Et il ajoute: ”J’ai un ami historien qui m’a dit un jour, Ehud, toi on t’appellera le jour où des corps flotteront dans le Yarkon. Je tiens à préciser, il ne s’agit pas de corps de clandestins des territoires ou d’Arabes israéliens mais de corps de Juifs que des Juifs auront tués”.

 

Ehud Barak évoque ensuite l’aspect financier de la protestation: ”Je fais tout ce qui est en mon pouvoir, y compris pour récupérer des fonds pour que la protestation atteigne son objectif. Il n’est pas correct que les organisateurs dépensent de leur argent pour les drapeaux, les affiches, les pancartes. C’est pourquoi je les aide et je continuerai à les aider par tous les moyens en ma possession”.

 

Ce discours tenu en 2020 résonne aujourd’hui face aux images et aux propos tenus par les manifestants et leurs leaders mais aussi par l’opposition au gouvernement actuel.

LPH. COPYRIGHTS.

Partager :