Denis Charbit, professeur de sciences politiques à l’Université Ouverte d’Israël : « Netanyahou se moque des 100 000 personnes qui manifestent tous les samedis. Mais la prise de position des élites économiques pèse bien davantage. »
Du jamais vu en Israël, une « lettre d’urgence » a ainsi été signée par plus de trois cents économistes – universitaires et prix Nobel, mais aussi conseillers du ministère des Finances, préposés au budget et gouverneurs de banques centrales. Ces acteurs de premier plan, peu enclins d’ordinaire à prendre position en politique, y alertent sur le risque économique représenté par les réformes judiciaires portées par le gouvernement.
« Sur les vingt dernières années, observe Denis Charbit, toutes les recherches montrent que le passage d’une démocratie libérale vers un régime illibéral, comme en Turquie, en Hongrie ou en Pologne, par exemple, s’est traduit par une chute des investissements étrangers. C’est ce que redoutent les acteurs de l’économie israélienne, et c’est le principal argument qu’ils mettent en avant. »
Fuite des licornes.
Et ce, d’autant que les investissements étrangers en Israël sont déjà mis à rude épreuve en raison de l’insécurité régnant dans le pays et des campagnes de boycott condamnant l’occupation des Territoires palestiniens. « Y ajouter le risque d’une perte d’indépendance de la justice pourrait être la goutte d’eau, poursuit Denis Charbit. Personne ne sait si cela va effectivement se produire, mais la menace suffit pour affoler. »
Des dirigeants de licornes, ces start-ups cotées en Bourse à plus d’un milliard de dollars, ont ainsi annoncé leur intention de s’exiler et de retirer leurs investissements du pays si la réforme était adoptée. Le PDG de la licorne israélienne Verbit a incité les cadres du secteur de la high-tech à suivre son exemple et à quitter Israël pour ne plus y payer d’impôts. Papaya Global, une autre licorne basée à Tel-Aviv, a quant à elle déclaré qu’elle retirait tous ses investissements d’Israël.
Face au risque d’effet boule de neige, Nir Barkat, le ministre de l’Économie, a entrouvert pour la première fois, la porte de la négociation, en affirmant : « Je suis favorable à la discussion, mais ne mêlons pas la politique et l’économie. »