Le président du Shas, Aryeh Deri, est agacé et frustré, et il a de bonnes raisons de l’être. Il a décidé cette semaine de ne plus assister aux réunions du cabinet de sécurité.

Suite à la décision de la Cour suprême de justice de démettre Deri de ses fonctions de ministre de la Santé et de l’Intérieur en janvier, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a décidé – pour compenser – de l’inviter à participer en tant qu’observateur aux réunions du cabinet de sécurité.

Il n’aura fallu que trois réunions à Deri pour décider qu’il ne veut plus y participer. Il n’appréciait pas son statut de simple observateur et n’était pas certain d’avoir une influence quelconque sur la composition extrêmiste du cabinet.

Lors des votes des ministres, les observateurs sont priés de quitter la salle. Pour Deri, qui, au début de l’année, siégeait à côté de Netanyahu et était une figure centrale du gouvernement, cette situation était quelque peu humiliante.

De plus, Deri est favorable au maintien du ministre de la Défense, Yoav Gallant, à son poste. Depuis la formation du gouvernement, Deri redoute l’influence des personnalités d’extrême droite telles que le ministre des Finances Bezalel Smotrich et le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, en matière de sécurité.

Lors des négociations de coalition, Deri avait insisté pour obtenir le poste de ministre de la Défense que Smotrich convoitait aussi, jusqu’à ce que ce dernier accepte le portefeuille des Finances.

Deri craint à l’heure actuelle que le Premier ministre ne mette en œuvre sa décision de limoger Gallant, suite aux inquiétudes exprimées samedi soir par le ministre de la Défense concernant le danger immédiat que représentent pour la sécurité du pays les projets de réforme judiciaire de la coalition.

Deri craint que dans un tel cas, le portefeuille de la Défense ne soit confié à un candidat faible et inexpérimenté, qui s’effondrera sous la campagne de pression sans fin et sous le poids des autres ministres chargés de la Sécurité nationale, Ben Gvir et Smotrich.

Au cours de conversations privées, Deri reste très critique à l’égard de ce qui se passe en Cisjordanie, à Huwara, sur le site emblématique du mont Temple, ainsi qu’en ce qui concerne les relations entre Israël et les États-Unis, et ce en raison de l’extrémisme régnant au sein du gouvernement.

Deri s’est lancé à corps perdu dans la résolution de l’affaire Gallant. Lundi, après une nuit de manifestations nationales spontanées dans les rues suite à l’annonce du limogeage de Gallant, Deri est allé voir le Premier ministre et l’a exhorté à mettre en veilleuse la législation judiciaire et à revenir sur sa décision de licencier le ministre de la Défense.

« Vous n’obtiendrez rien de cette façon. Vous êtes en train de vous effondrer », lui aurait dit Deri.

Netanyahu a effectivement mis en pause le processus législatif, mais sur la question de Gallant, il refuse de céder. Netanyahu est furieux contre son ministre de la Défense parce qu’il s’est adressé directement à la population avec son importante déclaration samedi soir, alors que le Premier ministre se préparait à rentrer de Londres.

Du point de vue de Netanyahu, cette décision constitue une trahison personnelle. Le Premier ministre a déclaré qu’il s’était battu pour nommer Gallant au poste de ministre de la Défense et écarter Smotrich qui convoitait ce poste, et que Gallant avait travaillé derrière son dos et envoyé des centaines de milliers de personnes dans la rue.

Gallant, lui, estime avoir été escroqué par Netanyahu : ce dernier lui aurait promis d’arrêter le projet de loi le même week-end, mais n’a pas tenu parole.

Si Netanyahu a annoncé le limogeage de Gallant, ce dernier n’a toujours pas reçu de lettre officielle comme l’exige la loi, laissant la situation en suspens, avec Gallant continuant à exercer ses fonctions pour l’instant.

Quoi qu’il advienne, Deri refuse de baisser les bras. Mercredi dernier, il a rencontré le chef d’état-major de l’armée israélienne, Herzi Halevi, avec qui il s’est longuement entretenu. Jeudi, j’ai demandé à Deri de quoi ils avaient parlé, mais il a refusé de répondre.

Selon les collaborateurs de Deri, le chef d’état-major lui aurait fait part de ses inquiétudes concernant l’extrémisme au sein des forces de sécurité et du gouvernement. Halevi, selon eux, craindrait un véritable séisme au sein de l’état-major et de l’armée si le limogeage de Gallant était mis en œuvre.

Mercredi soir, Gallant s’est rendu au domicile de Deri à Jérusalem et y est resté presque toute la nuit. Il veut continuer à assumer son poste, mais Netanyahu refuse de lui pardonner.

Deri et Gallant ont discuté des différents moyens de présenter des excuses susceptibles de convaincre le Premier ministre. Pendant ce temps, Netanyahu s’est entretenu avec le ministre de l’Économie Nir Barkat et, selon certaines sources, lui aurait même parlé du portefeuille de la Défense.

Deri est incapable de dire si Gallant sera maintenu ou non à son poste de ministre de la Défense, mais s’il ne l’est pas, le fossé entre le président du Shas et Netanyahu ne fera que s’approfondir. Deri en veut également à Netanyahu de ne pas l’avoir informé à l’avance de son intention de renvoyer Gallant.

Ce mandat politique avait commencé par une lune de miel entre les deux hommes. Deri, qui avait été nommé ministre de la Santé et de l’Intérieur, était considéré comme la personne la plus influente du cabinet par rapport à Netanyahu. Jusqu’à la décision de la Cour suprême, qui a jugé de tout à fait déraisonnable la nomination du leader du Shas aux postes de ministre, compte tenu de son passé criminel récidiviste. Netanyahu a été contraint de limoger Deri, suite à cela.

Deri aurait souhaité devenir Premier ministre suppléant, mais Netanyahu a refusé de lui confier ce rôle. La semaine dernière, Deri a abandonné toute chance de revenir au gouvernement par le biais de la « loi Deri 2 », qui interdit à la Cour d’intervenir dans les nominations ministérielles et qui n’a pas encore fait l’objet d’une deuxième et d’une troisième lecture à la Knesset. Deri a, jeudi, quitté le cabinet, furieux.

Il ne tarit pas de critiques à l’égard du cabinet. L’ensemble du processus de réforme judiciaire lui semblant quelque peu délirant. La composition de la coalition l’inquiète au point d’en faire une angoisse existentielle.

Deri soutient le processus de négociation mené par le président Isaac Herzog, mais n’en attend pas grand-chose. Si les pourparlers échouent, il faudra, selon lui, recalculer la trajectoire et soumettre la législation de manière plus modérée, plus pondérée et mieux expliquée.

« Nous ne gagnerons rien si tout le monde descend dans la rue. Le pays est en train de s’effondrer », ont déclaré jeudi les collaborateurs de Deri. « La voie du [ministre de la Justice] Yariv Levin a échoué, c’est clair. En examinant les résultats, [l’ancienne ministre de la Justice] Ayelet Shaked était bien plus efficace. »

 

Cet article a d’abord été publié sur le site en hébreu du Times of Israel, Zman Yisrael.

 

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