Les Israéliens s’étaient habitués à une monnaie forte, mais après plusieurs années de hausse régulière, le shékel commence à s’essouffler. En un mois, la devise israélienne a perdu plus de 3,5% par rapport à l’euro et 7% par rapport au dollar. Quand on pense qu’il y a un peu plus d’un an, le shékel avait atteint sa parité la plus haute en un quart de siècle vis-à-vis du billet vert et de la monnaie européenne, l’impression est désagréable.

D’autant que la seule exception à cette tendance constante avait été l’éruption de la pandémie de Covid en 2020. Les raisons sont multiples. On songe évidemment à la situation économique mondiale et à l’inflation qui n’épargne pas l’économie israélienne, la rendant moins attractive.

Surtout que pour tenter de freiner l’inflation, la Banque d’Israël augmente régulièrement ses taux d’intérêt depuis plusieurs mois, la dernière en date encore cette semaine, avec un taux directeur qui atteint désormais 4,25%. Et le gouverneur de la banque centrale a laissé entendre que ce ne serait pas la dernière.

Surtout considérant que la dépréciation du shékel éloigne d’autant l’objectif fixé. Ce qui a donné lieu à une initiative malheureuse du ministre Likoud des Affaires étrangères, qui a proposé de créer un comité qui superviserait les décisions de la Banque d’Israël en matière de taux directeur. Eli Cohen s’est fait aussitôt taper sur les doigts par le ministre des Finances, mais aussi par le chef du gouvernement. Benyamin Netanyahou a rappelé que c’était lui qui avait fait passer la loi garantissant l’indépendance de la Banque d’Israël en matière de fixation des taux d’intérêt, et que ça n’allait pas changer. Et le plus intéressant, c’est que ce message, le Premier ministre israélien l’a formulé simultanément en hébreu et en anglais. Car Benyamin Netanyahou a parfaitement compris l’effet que la proposition aventureuse de son ministre pourrait faire fuir les investisseurs étrangers.

Ce qui amène évidemment à la situation politique intérieure d’Israël. Depuis l’annonce du projet de réforme du système judiciaire porté par le nouveau gouvernement, des entrepreneurs du high-tech et des économistes israéliens, puis des experts étrangers, notamment de grandes banques et agences de notation, ont alerté sur les répercussions négatives pour l’économie israélienne d’un affaiblissement de ses institutions judiciaires. Le chef du gouvernement a eu beau envoyer des messages d’apaisement à destination des grands acteurs de la finance locale et mondiale, les banques israéliennes commencent à constater des demandes sur des transferts de fonds vers l’étranger, voire des mouvements de devises.

Alors cette baisse du shékel est-elle un épisode passager ou le prélude à un changement de tendance durable ? Il est évidemment trop tôt pour le dire. Cela fait plus de vingt ans que l’économie israélienne se renforce pour devenir une des plus performantes du monde. Israël a même rejoint l’OCDE il y a un peu plus de 12 ans. Et sa monnaie est devenue une valeur refuge. La situation est clairement instable. L’incertitude politique énerve les acteurs de la finance. Et le numéro deux de la Banque d’Israël estimait il y a quelques jours que cette incertitude avait un effet direct sur le cours du shékel, même si elle n’en avait pas encore sur les flux de capitaux. Quand les institutions sont solides, des turbulences à court terme restent sans effet sur l’économie, avait expliqué le financier de la Banque Centrale israélienne. Mais en attendant, pour les Israéliens, cela veut dire que leur pouvoir d’achat ne va pas s’améliorer de sitôt.

Pascale Zonszain

COPYRIGHTS. RADIO J.

Partager :