C’est le Jerusalem Post qui a publié hier les grandes lignes d’un rapport élaboré par le ministère israélien pour les Affaires de renseignement. Plusieurs experts avaient été chargés de plancher sur les bouleversements à l’œuvre à l’échelle mondiale et leurs répercussions pour Israël sur les dix ans à venir.
D’autres pays occidentaux sont coutumiers de cet exercice, mais en Israël, c’est une première. L’idée était de cartographier les principaux phénomènes et de formuler des recommandations pour les dirigeants du pays, que ce soit au niveau militaire ou au niveau civil.
Le premier dossier, en tout cas en termes de proximité, est celui de l’Iran. Au-delà du dossier nucléaire, la situation de l’Iran dans la région est celle d’un pays qui se sent encerclé par Israël et ses nouveaux alliés, issus des Accords d’Abraham, ce qu’il considère évidemment comme une menace. Et au-delà, c’est l’isolement croissant du régime de Téhéran qui se voit de plus en plus ostracisé par le monde, que ce soit à cause de son récent rapprochement avec la Russie, mais aussi par la répression du mouvement de contestation qui continue d’ébranler l’Iran de l’intérieur. Autant de facteurs qui impliquent une probable fuite en avant de la République islamique et de sa politique agressive.
Et il y a aussi les tendances qui se dessinent au niveau mondial avec la crise économique, la crise énergétique, et d’autres bouleversements qui vont affecter sur le long terme l’équilibre du monde, comme par exemple les crises politiques et l’évolution des régimes démocratiques. Cela doit s’inscrire aussi dans l’évolution démographique, et évidemment les défis du dérèglement climatique. Qu’il s’agisse de mouvements massifs de population ou de perturbation des chaines de production, mais aussi de santé publique, les experts israéliens recommandent que ces phénomènes soient désormais suivis et étudiés de beaucoup plus près.
En Israël, le premier réflexe est traditionnellement de réagir sur le court terme et sur des axes géographiques bien définis : Proche et Moyen Orient et Etats-Unis. Le rapport du ministère des Affaires de renseignement recommande de changer d’approche et d’envisager désormais les phénomènes de manière globale et autant que faire se peut sur le long terme, pour mieux anticiper leurs implications pour Israël.
Si Israël est par exemple mieux armé que d’autres face à la crise énergétique grâce à ses réserves de gaz, il lui faut en revanche envisager le reste de ses approvisionnements en fonction de l’évolution mondiale. Il lui faut aussi se préparer beaucoup plus en amont aux crises sanitaires et climatiques et optimiser ses capacités de résilience. Pour les experts israéliens, le monde est en train d’opérer un bouleversement en profondeur, d’ordre tectonique. Il faut donc qu’Israël se repositionne aussi dans les alliances et les axes de force qui vont se déplacer et des puissances qui vont devenir de plus en plus antagonistes, comme les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Une première réflexion de fond, qui devra arriver sur la table du prochain gouvernement.
Pascale Zonszain