L’équipe du laboratoire du Dr. Orr Spiegel de l’École de zoologie de l’Université de Tel-Aviv se mobilise, en collaboration avec l’Autorité nationale de la nature et des parcs, pour préserver la population des faucons de l’extinction en Israël.

Aigles Spiegel AnglisterEn plus d’être des animaux majestueux, les faucons sont considérés comme les « nettoyeurs de la nature », débarrassant entre autres les espaces ouverts des carcasses des gros animaux. En leur absence, l’équilibre écologique est rompu, ce qui peut être dommageable pour les autres espèces animales et même pour les humains. Cette année seulement, plus de dix spécimens sont morts pour diverses raisons en Israël, et la courbe ne fait qu’augmenter.

Un problème régional

En collaboration avec l’Autorité de la nature et des parcs d’Israël, les membres du laboratoire du Prof. Orr Spiegel (le Dr. Nili Anglister, le Dr. Marta Acacio et le doctorant Gideon Vaadia) se battent pour chaque faucon. Tout récemment, ils viennent d’en relâcher 64 dans la nature, dans le cadre du Projet national « Faucons ».

Le laboratoire, qui étudie le lien entre la socialité et les déplacements chez les animaux sauvages, fournit à l’Autorité des informations en temps réel sur chaque déplacement des oiseaux, grâce à quelque 130 émetteurs fixés sur eux. « Grâce à ces émetteurs, nous pouvons connaitre l’emplacement des animaux et analyser, au moyen de l’intelligence artificielle, d’autres données telles que leur activité, les endroits où ils se sont posés pour dormir ou pour manger et pendant combien de temps, la mesure de l’accélération de leur vol, et l’itinéraire qu’ils ont emprunté à une période donnée », explique le Dr. Spiegel.

Grâce aux émetteurs, on sait déjà que les incursions de faucons en Jordanie sont monnaie courante. Certains d’entre eux font même régulièrement des voyages jusqu’au Yémen et en Arabie saoudite, ou, de l’autre côté de la mer Rouge, jusqu’au Soudan et au Tchad. Le problème de l’extinction de l’espèce est donc en réalité régional. Grâce aux techniques d’apprentissage automatique, mises en pratique en collaboration avec le centre DATA SCIENCE de l’Université, il est possible de traiter les informations provenant des émetteurs, et entre autres, de définir des zones à haut risque de présence de carcasses empoisonnées.

Dès que les émetteurs du Dr. Spiegel reçoivent un signal indiquant qu’un faucon a atterri, un message est envoyé au groupe Telegram des membres du projet, et un inspecteur de l’Autorité de la nature et des parcs se rend de suite sur les lieux pour vérifier la carcasse à côté de laquelle l’oiseau s’est posé. Cela semble un travail sisyphien, mais il s’avère que cela fonctionne.

La durée de vie de l’émetteur peut atteindre trois ans (« parfois plus longtemps que le faucon sur lequel il était fixé », commente amèrement le Dr. Spiegel), s’il ne tombe pas ou ne subit pas de dommage. Tous les quelques mois, ont lieu des « opérations spéciales » de capture des animaux, pose d’émetteurs et libération dans la nature.

«Nous avons modifié la nature, nous n’avons donc pas le privilège d’ignorer le problème»

Pour protéger les faucons d’Israël, des stations d’alimentation ont été établies dans les zones où ils vivent dans le nord et dans le sud du pays, gérées et exploitées par l’Autorité de la nature et des parcs. Il s’agit d’immenses cages, où sont amenées des carcasses de gros animaux qui ont été soigneusement vérifiées pour s’assurer qu’elles ne sont pas empoisonnées ou ne contiennent pas de médicaments qui pourraient nuire aux oiseaux. « Les aigles se nourrissent de charognes de grande taille. Ils les recherchent principalement dans les zones de pâturage où se trouvent souvent des animaux empoisonnés. Il peut s’agir d’un empoisonnement intentionnel, lorsqu’un agriculteur utilise du poison pour protéger ses troupeaux des chiens ou des loups errants, ou même d’un empoisonnement involontaire, par exemple lorsqu’un animal malade reçoit un traitement médicamenteux et meurt, sa carcasse restant exposée. Le faucon la trouve, mais son estomac n’est pas capable de décomposer et de digérer le médicament dans le corps de la vache, qui l’empoisonne », explique le Dr. Spiegel.

« Nous avons modifié la nature ; nous n’avons donc pas le privilège d’ignorer le problème. Autrefois, les animaux sauvages herbivores broutaient dans ces champs, et constituaient une partie importante de la nourriture des oiseaux de proie. Aujourd’hui, les champs sont cultivés, la plupart d’entre eux fournissant de la nourriture aux animaux d’élevage, dont les faucons sont censés à présent subsister. Et ces cages d’alimentation sonstituent notre opportunité de leur donner quelque chose de beaucoup mieux ».

Un taus de mortalité supérieur au taux de reproduction

Les faucons connaissent l’emplacement des stations, y atterrissent et « transmettent l’information » aux autres oiseaux, dans le cadre de leur communication sociale. Les captures à des fins de contrôle et de pose des émetteurs sont effectuées dans ces stations d’alimentation. Des dizaines de faucons arrivent sur les lieux en quelques jours, puis commence le processus qui dure plusieurs heures: les équipes d’inspecteurs et de chercheurs remplacent rapidement les étiquettes des ailes qui facilitent l’identification des spécimens et les émetteurs qui permettent d’effectuer le suivi. A cette occasion, on prélève également des échantillons de sang, pour se faire une idée de l’état de santé des oiseaux, qui sont tous libérés le même jour ; et le suivi recommence.

Selon le Dr. Spiegel, presque tous les un ou deux mois, un ou deux aigles meurent en Israël d’empoisonnement. Outre le projet Faucons de l’Autorité de la nature auquel participe le laboratoire, d’autres tentatives sont faites pour la préservation de l’espèce localement menacée d’extinction en Israël, y compris l’importation de faucons d’Europe et leur libération dans la nature sous surveillance, ainsi que le développement de noyaux reproducteurs dans le désert de Judée, la réserve de Gamla et sur le Mont Carmel. Mais le taux de mortalité est toujours supérieur au taux de reproduction. Il faut comprendre que dans la nature, un couple d’aigles élèvera un oisillon par an. S’il survit, le poussin atteindra sa maturité sexuelle à l’âge de 5 ans et commencera alors à se reproduire, et si tout se passe bien, il atteindra l’âge de 20 à 25 ans.

Le Projet Faucons de l’Autorité pour la nature et les parcs, auquel participe le laboratoire du Dr. Spiegel ainsi que d’autres organismes, est un bel exemple de la manière dont la science, la collecte et l’analyse des données, ainsi que les instances de préservation de la nature peuvent interagir ; mais en fin de compte, le Dr. Spiegel n’est pas optimiste quant à l’avenir de ces grands rapaces en Israël : « Nous menons un combat pour l’honneur. La population des faucons est en déclin et nous essayons de le ralentir suffisamment pour résoudre tous les autres problèmes avant qu’il ne soit trop tard. S’il n’y a pas de changement massif en termes de prise de conscience des dommages causés par l’empoisonnement, et dans le domaine de l’application de la loi et des sanctions, je crains que nous ne réussissions pas», conclut-il.

 

Photos :

  1. Le Dr. Orr Spiegel et le Dr. Nili Anglister lors de la libération des aigles dans le (Crédit: Tovale Solomon)
  2. Libération d’un aigle dans la région des montagnes du Néguev. (Crédit: Tovale Solomon)
  3. Aigles morts suite à un empoisonnement sur les hauteurs du Golan par des inspecteurs de l’Autorité de la nature et des parcs. (Photo : Autorité de la nature et des parcs)

 

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