Pianos : l’inimitable touche Steinway.
Cent soixante-neuf ans après sa fondation, Steinway & Son’s règne en maître sur le marché des pianos de concert, devant Yamaha ou Bechtein… En Israël c’est toujours le Steinway qui est N°1.
Les pianos Steinway & Sons sont issus d’une firme créée par une famille allemande, la famille Steinweg, déjà détentrice d’une marque de pianos. Le père Heinrich est né en 1797. Le nom Steinway est une américanisation de Steinweg, nom d’origine de la famille.
LES ECHOS. Rachetée il y a neuf ans par le financier américain John Paulson, la Rolls-Royce des facteurs de pianos vise son retour en Bourse en 2023 sur fond d’explosion du marché chinois. Avec le soutien actif d’une communauté de 2.500 « artistes ambassadeurs ».
Jusque-là tout va bien. La scène se passe dans la Grosser Saal, à l’« acoustique immaculée », de la Philharmonie de l’Elbe, à Hambourg. Hilare, costume gris et chaussettes rouges, le « phénomène » Lang Lang, 40 ans, a rejoint la scène au bras de sa délicate épouse germano-coréenne, Gina Alice Redlinger, rayonnante dans une robe rouge carmin hypercintrée.
La « rock star du classique » est ici en terrain connu. N’y a-t-il pas déjà étrenné, il y a quatre ans, son Lang Lang Black Diamond, un piano spécialement dessiné par le designer américain Dakota Jackson aux frais de Steinway & Sons ?
Ce 20 octobre, Lang Lang interprète la Danse hongroise N° 5 de Brahms à quatre mains, au côté de Gina Alice. Accueil triomphal. Présent dans la salle, même le financier John Paulson, propriétaire de Steinway depuis 2013, exulte.
LE PLUS.
Pour les mélomanes, posséder un Steinway constitue un rêve ultime. Ce qui a commencé par une histoire de famille est devenu une légende. L’entreprise artisanale de pianos s’est transformée au fil des ans, en importante société cotée à la bourse de New York. Ses quelques 1000 employés perpétuent inlassablement l’art traditionnel et méticuleux des instruments de la marque prestigieuse.
De nos jours, 90% des salles de concert, de théâtre ou d’opéras choisissent les pianos à queue Steinway & Sons, la « Rolls Royce des pianos ». Comment expliquer ce phénomène ?
Tout a commencé en Basse-Saxe en 1797. Heinrich Engelhard Steinweg est le benjamin des 12 enfants d’une famille modeste.
Fils de forestier, le bois ça le connait. A 15 ans, le jeune Heinrich commence à travailler comme menuisier puis comme apprenti constructeur d’orgues dans la ville de Goslar. Il devient ensuite lui-même organiste dans une église. Au bout de plusieurs années, Heinrich décide de concevoir seul des instruments de musique dans la cuisine de sa maison. En 1835, il fabrique le premier piano rectangulaire et ouvre son affaire dans la ville de Brunswick. L’année suivante, il réalise son premier piano à queue, toujours dans la cuisine de sa maison.
Mais en 1850, en raison du climat politique instable en Basse-Saxe, Steinweg émigre avec sa famille vers le nouveau monde. Les premières années à New York sont laborieuses car il faut s’adapter à une vie complètement différente dans une grande ville en totale opposition avec l’existence calme menée en Basse-Saxe.
Malgré tout, en 1853 Heinrich E. Steinweg fonde sa fabrique de pianos à Manhattan, au fond du 85 rue Varick. Dans la foulée, il décide d’américaniser son prénom en Henry et son nom de la famille en ‘’Steinway‘’ qui deviendra celui de sa société.
Le premier piano de la marque réalisé aux Etats-Unis est vendu à une famille new-yorkaise pour $500. Aujourd’hui, l’instrument est exposé au Musée Métropolitain d’art de New York.
En 1854, l’atelier se déplace au 82-88, rue du Marcheur. Bien vite, les instruments atteignent de nouveaux niveaux de sophistication et d’excellence, dans le respect des exigences de la maison : « construire le meilleur piano possible ». Le succès est pratiquement immédiat engendrant une production annuelle de 500 unités.
En 1857, Steinway commence à créer une ligne de pianos appréciés des gens fortunés et des artistes célèbres. En 1860, l’usine s’installe au coin de Park Avenue et de la 53e rue, en plein cœur de Manhattan, et grâce à l’acquisition de nouvelles machines, la production augmente encore considérablement, passant de 500 à 1800 pianos par an. 350 hommes travaillent alors chez Steinway & Sons.
Les instruments subissent des améliorations substantielles grâce aux innovations technologies et scientifiques en acoustique, développées à l’usine Steinway et dans d’autres ateliers. De nombreux brevets sont déposés comme ceux concernant l’armature métallique des pianos droits et à queue.
Bientôt les instruments Steinway gagnent plusieurs prix importants lors d’expositions à New York, Paris et Londres. En 1864, la famille construit un ensemble de salles d’exhibition élégantes sur la 14e rue Est, abritant plus de 100 pianos. Elles ont un effet remarquable sur les ventes, augmentant considérablement la demande.
Deux ans après, le clan supervise l’édification de la Salle Steinway, qui devient rapidement une partie importante de la vie culturelle new-yorkaise, accueillant l’orchestre philharmonique de la ville pendant 25 ans, jusqu’à l’ouverture du Carnegie Hall en 1891.
En 1871, Heinrich Engelhard Steinweg décède. Mais la légende continue, entretenue par ses fils qui prennent la relève.
En 1872, l’usine Steinway & Sons déménage pour la dernière fois à Astoria sur Long Island, lieu où le siège social est toujours situé. A coté de l’usine, un «Village Steinway » est bâti pour les employés, avec logements, école, poste et beaucoup d’autres équipements.
Véritable homme de marketing, Théodore, un des fils Steinway, comprend l’importance d’associer la marque aux grands solistes. Il engage des pianistes renommés de l’époque et organise en 1872 et 1891 deux grandes tournées sur le territoire américain, entre autres.
Suite à son succès croissant de par le monde, l’entreprise ouvre sa première salle d’exposition européenne à Londres en 1875. Puis en 1880, l’usine européenne de pianos s’établit à Hambourg. Aujourd’hui encore, elle continue à répondre aux commandes du monde entier hormis à celles du continent américain fourni par la fameuse usine new-yorkaise.
Ainsi Steinway & Sons se fait rapidement un nom en Europe, en partie grâce à ses origines germaniques. Pour atteindre les clients du vieux continent amateurs de pianos et pour éviter des impôts trop élevés, des salles d’exposition sont ensuite créées à Hambourg (1906) et Berlin (1909).
Aussi, au début du XXe siècle, l’enseigne est présente dans les principaux centres culturels que sont les villes de New York, Londres, Paris, Berlin et Hambourg. Les deux usines Steinway produisent alors plus de 3.500 pianos par an, fournissant beaucoup de salles de concert, d’écoles et de particuliers à travers la planète.
En 1903, le 100.000e piano à queue Steinway est offert comme cadeau à la Maison Blanche. En 1938, il est remplacé par le 300.000e qui y trône encore à présent.
Depuis le premier piano à queue construit à Seesen, en Basse-Saxe, près de 565.000 instruments ont été livrés à travers de nombreux pays, jusqu’au Japon et en Chine. Durant toutes les étapes de fabrication, chaque piano continue à être méticuleusement réalisé à la main, l’objectif étant de rendre chaque Steinway parfait et unique. C’est pourquoi 1300 concertistes actuels, parmi les plus grands, l’ont choisi.
De nos jours, ces pièces uniques se vendent très chères dans les enchères du monde entier. Et consécration ultime pour ce menuisier juif saxon immigré aux Etats-Unis, une « Steinway Street » existe désormais dans le Queens.
Noémie Grynberg / Israel Magazine 2011