L’Italienne Giorgia Meloni, qui est la première dirigeante d’extrême droite du pays depuis Mussolini pendant la Seconde Guerre mondiale, essaie depuis longtemps de prendre ses distances avec le passé fasciste de son parti et a indiqué qu’elle serait une fervente partisane d’Israël, se vantant même de ses liens avec le Likud.

Ces derniers mois, Meloni a exprimé à plusieurs reprises son soutien à Israël et a cherché à minimiser les racines néo-fascistes de son parti. « Il y a plusieurs décennies que la droite italienne a relégué le fascisme à l’Histoire, en condamnant sans ambiguïté la privation de démocratie, les infâmes lois anti-juives et la tragédie de la Seconde Guerre mondiale », a-t-elle déclaré dans une récente interview accordée au journal Israel Hayom.

LE MONDE. Très circonspecte dans un premier temps face à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite en Italie, l’Union européenne (UE) s’est dite prête à « coopérer » avec le gouvernement eurosceptique de Giorgia Meloni, qui a prêté serment samedi 22 octobre et doit prendre ses fonctions dimanche.

« Félicitations à Giorgia Meloni pour sa nomination comme première ministre, la première femme à obtenir ce poste [en Italie], a tweeté la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Je compte sur une coopération constructive avec le nouveau gouvernement, face aux défis que nous devons relever ensemble. »

« Travaillons ensemble pour le bien de l’Italie et de l’UE », a pour sa part écrit le président du Conseil européen, Charles Michel. « L’Europe a besoin de l’Italie. Ensemble, nous surmonterons toutes les difficultés », a renchéri la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, dans un tweet écrit en italien.

 

Ces réactions en chœur des trois principales institutions européennes contrastaient avec le silence des grandes capitales. Du moins jusqu’à samedi soir, lorsque, à son tour, le chancelier allemand Olaf Scholz a félicité la nouvelle première ministre italienne. « Je me réjouis de continuer à travailler étroitement ensemble avec l’Italie, dans l’UE, l’OTAN et le G7 », a déclaré le dirigeant allemand, qui a également remercié Mario Draghi pour « la bonne coopération germano-italienne » ces dernières années. Paris et Madrid sont restés silencieux.

Passation des pouvoirs dimanche

Le très conservateur premier ministre hongrois, Viktor Orban, bête noire de Bruxelles, a été l’un des premiers dirigeants européens à féliciter Mme Meloni, saluant « un grand jour pour la droite européenne ». L’extrême droite européenne était aussi à la fête : « Partout en Europe, les patriotes arrivent au pouvoir et avec eux, cette Europe des nations que nous appelons de nos vœux », s’est réjouie en France Marine Le Pen.

Sous les ors du palais du Quirinal, à Rome, Mme Meloni et ses 24 ministres – dont seulement 6 femmes – ont « juré de respecter la Constitution et les lois » devant le président Sergio Mattarella. « Voici l’équipe gouvernementale qui, avec fierté et sens des responsabilités, servira l’Italie. Maintenant, au travail », a ensuite écrit la nouvelle première ministre dans un tweet accompagné de la photo officielle du gouvernement. La passation des pouvoirs entre Mario Draghi et Giorgia Meloni se tiendra dimanche matin au palais Chigi, siège du gouvernement, et sera suivie du premier conseil des ministres.

La Romaine de 45 ans, qui a remporté une victoire historique aux législatives italiennes du 25 septembre, a réussi à dédiaboliser son parti postfasciste Fratelli d’Italia, pour accéder au pouvoir exactement un siècle après le dictateur fasciste Benito Mussolini, dont elle fut une admiratrice. Elle dispose avec ses partenaires de coalition, le dirigeant populiste de la Ligue antimigrants, Matteo Salvini, et le chef déclinant de Forza Italia, Silvio Berlusconi, de la majorité absolue tant à la Chambre des députés qu’au Sénat.

 

Rassurer les partenaires de Rome

La composition du nouveau gouvernement reflète le désir de rassurer les partenaires de Rome, inquiets face à l’arrivée au pouvoir en Italie, pays fondateur de l’Europe, du chef de gouvernement le plus à droite et le plus eurosceptique depuis 1946.

Avant les élections, Mme von der Leyen avait d’ailleurs suscité un tollé en Italie en évoquant les instruments à la disposition de Bruxelles pour sanctionner d’éventuelles atteintes aux principes démocratiques de l’UE en cas de victoire de l’extrême droite.

La nomination aux affaires étrangères, avec le titre de vice-premier ministre, de l’ex-président du Parlement européen Antonio Tajani, membre de Forza Italia, et celle de Giancarlo Giorgetti, un représentant de l’aile modérée de la Ligue, déjà ministre dans le gouvernement sortant de Mario Draghi, à l’économie, devraient rassurer Bruxelles.

Au moment où la troisième économie de la zone euro affronte, comme ses voisins, une situation économique difficile due à la crise énergétique et à l’inflation, la tâche de Mme Meloni s’annonce ardue, d’autant qu’elle devra veiller à l’unité de sa coalition, laquelle montre déjà des fissures. MM. Salvini et Berlusconi rechignent à accepter l’autorité de Giorgia Meloni, dont le parti a remporté 26 % des voix aux élections, contre seulement 8 % pour Forza Italia et 9 % pour la Ligue. Les médias se sont fait l’écho des multiples passes d’armes entre les trois dirigeants sur la répartition des postes au Parlement et au sein du gouvernement.

Elle-même atlantiste et favorable au soutien à l’Ukraine face à la Russie, Mme Meloni a dû affronter cette semaine les propos polémiques de M. Berlusconi, qui a affirmé avoir « renoué » avec Vladimir Poutine et a imputé à Kiev la responsabilité de la guerre. Des déclarations du plus mauvais effet qui ont obligé la nouvelle cheffe du gouvernement à rectifier le tir mercredi en affirmant que l’Italie fait « pleinement partie, et la tête haute », de l’Europe et de l’OTAN. Oratrice de talent, cette chrétienne conservatrice hostile aux droits LGBT + a cependant promis de ne pas toucher à la loi autorisant l’avortement. Son gouvernement devra avant tout se concentrer sur les nombreux défis, essentiellement économiques, qui l’attendent, à commencer par l’inflation et une dette colossale représentant 150 % du produit intérieur brut (PIB), le ratio le plus élevé de la zone euro après la Grèce.

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