Avec un coût de la vie déjà élevé, le retour de l’inflation inquiète les Israéliens. Si les indicateurs économiques restent favorables, l’évolution de la situation dépendra de l’évolution mondiale.
Conversation entendue à Jérusalem : « ça y est, j’ai eu mon prêt pour l’appartement ! – Condoléances ! ». À peine une plaisanterie pour les jeunes ménages qui viennent d’acquérir leur premier logement, au moment où la banque d’Israël relève ses taux directeurs, qui ont fait un bond de 0,10 à 2% en à peine quatre mois. Pour beaucoup d’Israéliens, cette rentrée les fait renouer avec ce qu’ils avaient oublié ou n’avaient jamais connu : le spectre de la crise économique.
Le taux d’inflation a franchi la barre des 5%, mais le ressenti est bien plus rude. Au cours de l’été, les tarifs de l’électricité ont augmenté de plus de 9%, le prix du pain, contrôlé par l’État, a grimpé de plus de 30%, d’autres denrées alimentaires comme les oeufs ou le lait ont aussi progressé. Quant aux prix de l’immobilier, ils ont augmenté de 18% en un an. Une double peine, pour ceux qui viennent de s’engager dans un emprunt hypothécaire pour les vingt années à venir et alors que la Banque d’Israël n’exclut pas de relever encore ses taux d’intérêt pour tenter de ralentir l’inflation.
C’est qu’en Israël, l’endettement est en quelque sorte un sport national. La dette des ménages y totalise plus de 700 milliards de shekels, soit près de 400 milliards d’euros, où l’on retrouve les prêts immobiliers et divers prêts à la consommation. » 5% d’inflation c’est à peu près la moitié comparé à la moyenne des pays de l’OCDE », tempère Dan Catarivas. Pour le directeur général des relations internationales du patronat israélien et président de la Chambre de Commerce Israël-UE, il faut considérer la situation spécifique d’Israël. « Il y a des facteurs externes à cette inflation: les retombées du Covid, qui ont augmenté la dette extérieure des gouvernements et la masse monétaire mise sur le marché. Puis la guerre en Ukraine a perturbé les chaînes d’approvisionnement.
On assiste à une hausse des matières premières et de l’énergie, même si là, l’impact est moindre sur Israël, qui, grâce à son gaz, ne dépend de l’extérieur que pour 25% de sa production. Et l’économie israélienne a pour elle la force du shekel, ce qui réduit évidemment sa facture extérieure. Sans compter une croissance très élevée – entre 5 et 6%, soit près du double de la moyenne de l’OCDE – un chômage très bas et une dette extérieure en baisse et un budget excédentaire ».
Mais ces atouts suffiront-ils à éloigner la menace d’un ralentissement mondial de l’économie ? C’est sur un coût de la vie déjà élevé que vient se greffer ce réveil de l’inflation. Et les Israéliens se plaignent de l’érosion de leur pouvoir d’achat, surtout chez les plus faibles. »Si l’inflation se poursuit, il faudra trouver un moyen de soutenir les salariés, mais sans entrer dans une spirale inflationniste », avertit Dan Catarivas, « car on se souvient que c’était l’indexation des salaires sur le coût de la vie qui avait plongé le pays dans l’hyperinflation des années 70 et 80 ». Et l’économiste de mettre en garde contre des mesures opportunistes, alors qu’Israël est de nouveau en période électorale et contre un effet boule de neige si le gouvernement devait finalement céder aux revendications salariales des enseignants, en conflit avec le ministère des Finances depuis le début de l’été.
« Les réformes entreprises par le gouvernement sortant sur les importations, la politique agricole qui doit rendre les agriculteurs israéliens plus concurrentiels tout en ouvrant le marché local, tout cela vise à réduire le coût de la vie. Mais il faudra du temps pour que les résultats soient visibles », estime Dan Catarivas.
Quant à la marge de manoeuvre du gouvernement de transition, elle est nécessairement limitée, puisqu’il faudra attendre la prochaine coalition sortie des urnes pour voter le budget 2023. »Israël est globalement sur la bonne trajectoire mais beaucoup va dépendre de ce qui se passera dans le monde », reconnaît Dan Catarivas.
Pascale Zonszain
Article paru dans Actualité Juive numéro 1656