Après la normalisation politique de décembre 2020, Israël et le Maroc ont lancé de vastes projets de partenariats économiques qui peinent à se concrétiser. Le site d’information “Al-Araby Al-Jadid” se penche sur la manière dont la population marocaine perçoit ce rapprochement.
Si vous demandez des dattes israéliennes au marché de Derb Mila, à Casablanca, on vous répondra qu’il n’y en a pas. Les marchands, à l’instar de Mohamed Al-Zagouri, affirmeront qu’il ne leur est jamais arrivé d’en mettre en vente, et que jamais un client ne leur en a demandé. Ce sont des dattes en provenance de pays arabes – Maroc, Jordanie, Algérie, Arabie Saoudite, Émirats arabes unis – qui sont là pour satisfaire la demande en ce mois de ramadan.
Ce sont justement les dattes israéliennes qui ont fait l’objet d’un appel au boycott au Maroc, pour protester contre la normalisation des relations entre le Maroc et Israël [signée en décembre 2020]. À l’origine de cette campagne, on trouve Sion Assidon, le coordinateur marocain de la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS). Considéré comme le principal militant marocain des sanctions contre Israël, il a également l’entreprise de transport maritime israélienne ZIM dans son viseur.
Malgré les dénégations du gouvernement marocain, il affirme que des medjoul [une espèce de dattes de gros calibre] étaient bien arrivées d’Israël. En revanche, elles auraient été étiquetées comme provenant d’un pays tiers. Preuve s’il en est, selon Sion Assidon, que la mention “origine Israël” ne passerait pas auprès des consommateurs marocains.
Ainsi, les échanges entre les deux pays n’auraient pas connu de hausse importante depuis la signature du traité de normalisation. Il rappelle toutefois que déjà avant ce traité Israël exportait certains produits vers le Maroc, notamment dans le secteur agricole – des intrants, des pesticides ou des graines.
Sur le plus grand marché du Maroc, à Derb Omar, à Casablanca, Ahmed Aït Al-Habib estime qu’on n’y voit pas encore clair sur l’acceptation des marchandises israéliennes, [et que les choses pourraient évoluer] étant donné les problèmes logistiques et la hausse de la demande dans le monde.
Toujours est-il que les clients, quand ils n’achètent pas des produits locaux, demandent des produits en provenance des pays avec lesquels le Maroc a un traité de libre-échange et qui sont réputés bon marché en raison du traitement préférentiel dont ils bénéficient au niveau des tarifs douaniers.
Multiplier les partenariats pour quadrupler les échanges
Qu’à cela ne tienne, la ministre de l’Économie israélienne, Orna Barbivai, qui a été en visite au Maroc en février, affiche son ambition de quasiment quadrupler le niveau annuel des échanges commerciaux, de 130 millions à 500 millions de dollars (474 millions d’euros) .
Les aspirations de la ministre de l’Économie israélienne se sont traduites par la signature d’un accord pour la création de zones industrielles au Maroc, afin de matérialiser la coopération tripartite entre le royaume, Israël et les États-Unis. Le texte prévoit également la participation aux foires et forums commerciaux dans les deux pays, l’organisation de campagnes de promotion et le développement dans le domaine de la recherche et de l’innovation.
À cela s’ajoute un protocole d’entente sur la coopération aérospatiale entre le ministre de l’Industrie et du Commerce marocain, Ryad Mezzour, et l’ancien ministre de la Défense israélien, Amir Peretz, qui est aujourd’hui président du conseil administratif de l’entreprise publique d’aéronautique israélienne IAI.
Ce protocole prévoit la création d’un centre de recherche et de développement, selon le ministère marocain, qui explique que cela correspond aux “priorités nationales” en rapport avec la promotion pour l’entraînement, l’emploi, l’industrie locale et le développement.
Depuis plus d’un an et demi, les contacts entre les hommes d’affaires des deux pays se sont multipliés, et il y a eu des accords pour la création d’une commission mixte israélo-marocaine et l’organisation de rencontres, ainsi que des négociations entre les ministères des Finances respectifs pour encadrer les relations économiques.
Après une rencontre organisée à Tel-Aviv, une autre a eu lieu à Casablanca. Selon Chakib Alj, président de la Confédération générale des entreprises du Maroc, ces discussions ont abouti à des partenariats dans les domaines de l’agriculture, des technologies, de l’eau, de l’industrie pharmaceutique, du tourisme, de l’électronique et des services financiers, avec en principe des investissements de quelque 500 millions de dollars à la clé.
Pour Ron Tomer, président de l’Association des industriels d’Israël, la raison qui pousse à s’intéresser au Maroc est bien le commerce, avec les acteurs économiques qui veulent vendre leurs produits et importer des matières premières.
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