Depuis de nombreuses années, des demandes de clients des supermarchés Carrefour arrivaient à son siège pour se scandaliser de voir dans les rayons de leurs magasins le journal Rivarol, connu pour ses positions nationalistes, racistes, antisémites, négationnistes et homophobes.
Jusqu’alors, Carrefour France avait répondu qu’en tant que distributeur de presse, il n’avait pas le choix des titres du fait de la loi Bichet du 2 avril 1947 dont l’article 6 de ce texte qui stipule que «devra être obligatoirement admis dans la société coopérative [de messagerie de presse] tout journal ou périodique qui offrira de conclure avec la société un contrat de transport (ou de groupage et de distribution)».
Mais si cette réponse n’est plus valable aujourd’hui, du fait d’une décision spécifique à Rivarol a été prise en mai dernier par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), une instance rattachée au ministère de la Culture et du changement du cadre légal et qui lui a retiré son « caractère d’intérêt général quant à la diffusion de la pensée», condition requise pour bénéficier du régime économique de la presse, en vertu des articles D.18 du code des postes et des communications téléphoniques et 72 de l’annexe III du code général des impôts.
La commission a constaté que les contenus «régulièrement publiés dans ses colonnes» sont susceptibles d’inciter à la haine raciale, que «la ligne éditoriale de ce titre […] promeut manifestement le négationnisme». Elle lui reproche, entre autres formulations à caractère antisémite, le terme de «Lobby» pour désigner la communauté juive. Pour toutes ces raisons, «la commission considère que la publication présente un défaut d’intérêt général et qu’elle ne peut plus demeurer inscrite sur ses registres».
Par conséquent, Carrefour a été libéré de son obligation de proposer Rivarol à la vente, décision officialisée sur Twitter, jeudi dernier: «Suite à la décision de la Commission paritaire des publications et agence de presse (CPPAP) du ministère de la Culture de ne pas renouveler le certificat d’inscription délivré pour la publication Rivarol au bénéfice du régime d’aide à la presse, Carrefour a pris la décision de ne plus vendre cet hebdomadaire.»
Au-delà de Carrefour, c’est l’ensemble des distributeurs de presse qui pourraient cesser de vendre Rivarol. Avec des conséquences économiques non négligeables pour l’hebdomadaire. Le certificat délivré par la CPPAP, de par les conditions de distribution avantageuses qui l’accompagnent, permettait à Rivarol de percevoir chaque année quelque 100 000 euros d’aides indirectes de l’Etat, d’après son directeur. La décision de la commission exclut par ailleurs Rivarol des avantages du régime économique de la presse, soit une TVA à taux réduit de 2,1 % (au lieu de 20 %), des tarifs postaux préférentiels et un accès aux aides à la presse du ministère de la Culture. Néanmoins, elle ne saurait préjuger du droit de l’éditeur de Rivarol, la SARL Editions des Tuileries, à éditer et faire paraître cette publication.
Au vu de l’ampleur des pertes potentielles qu’implique pour Rivarol le retrait de son certificat, son éditeur a décidé de ne pas en rester là et un recours a été déposé auprès du tribunal administratif de Paris.
En parallèle, des réseaux associatifs continuent de mettre la pression sur les distributeurs, en espérant que la décision prise par Carrefour soit in fine suivie de tous. La campagne lancée en octobre 2021 par les activistes des Sleeping Giants, des anonymes qui luttent contre le financement des médias et autres contenus qu’ils estiment prôner la haine, se poursuivra lors de la première semaine de septembre.
Source : Liberation (extraits)